Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 03/10/2024
M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la mauvaise application de la réglementation en matière de frais bancaires.
Une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) rendue publique en octobre 2023 et portant sur 315 établissements bancaires révèle que 22 % des professionnels contrôlés ne respectent pas la réglementation en matière de frais bancaires.
En particulier, l'enquête relève des contournements des règles de facturation de frais d'irrégularités de fonctionnement du compte bancaire et de celle des commissions d'intervention, conduisant à des dépassements des plafonds réglementaires.
Ces pratiques sont d'autant plus regrettables dans un contexte de difficultés financières liées à l'inflation et alors même que les règles en la matière ont été renforcées à plusieurs reprises ces dernières années, à l'initiative du législateur, ou des banques elles-mêmes sous la pression notamment du Parlement, démontrant la grande attention que porte le législateur à ce sujet.
Il peut être également relevé que l'encadrement des frais reste plutôt favorable aux banques, ceux-ci étant bien souvent décorrélés du coût réel pour la banque - l'application de ces frais étant largement automatisés et ne requérant aucune intervention humaine - et supérieurs en France à nos voisins européens.
La DGCCRF constate en outre une proportion importante (35 %) d'anomalies en matière de regroupement de crédits et d'aide à la sortie du surendettement, au détriment des ménages les plus fragiles. Les publicités et les documents d'information précontractuelle remis aux consommateurs ne permettent pas toujours à ceux-ci de connaître le coût total de l'endettement, information pourtant déterminante dans leur décision, voire suggèrent qu'ils allaient « gagner » de l'argent.
L'enquête met également en lumière une mauvaise information du consommateur (manque de transparence des frais en cas de défaillance de l'emprunteur) dans le cadre des nouvelles modalités de financement de la consommation - offres de paiement en plusieurs fois, paiements différés ou encore les mini-crédits... - qui se sont développées avec la transformation numérique du secteur du crédit.
Enfin, une autre enquête de la DGCCRF souligne la persistance des cas de discrimination à l'IBAN, des clients se voyant refuser par des banques privées et publiques des paiements par virement ou prélèvement depuis un compte bancaire situé dans un autre État membre de l'Union européenne.
Aussi, il souhaiterait connaître les mesures qu'il compte prendre pour faire respecter les règles de protection des consommateurs en matière bancaire.
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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 30/01/2025
Le Ministre est conscient des difficultés que peuvent rencontrer les Français dans le contexte économique actuel notamment en ce qui concerne les frais bancaires. Différentes mesures mises en oeuvre ces dernières années ont permis aux consommateurs de disposer d'informations préalables sur les services et les tarifs proposés par chaque établissement mais aussi de bénéficier d'une modération des tarifs en conséquence de plafonnements réglementaires ; elles sont venues renforcer la lisibilité et comparabilité des offres et favoriser ainsi la concurrence, au bénéfice du consommateur. Le Gouvernement a en complément institué un comparateur public de tarifs bancaires¹. Simple d'usage et d'accès, ce dispositif permet aux consommateurs de comparer gratuitement les principaux frais facturés par les différents établissements présents dans leur département ainsi que par les banques et autres prestataires de services de paiement en ligne. S'il est vrai que les conditions tarifaires applicables aux services offerts par les établissements de crédits et de paiements sont librement fixées par ces derniers en fonction de leur stratégie commerciale, conformément au principe de libre détermination des prix fixé par l'article L. 410-1 du code de commerce, le ministre avait toutefois appelé les banques en septembre 2022 à adopter une politique de modération tarifaire. Concrètement, le ministre avait appelé cette profession à mettre en place un gel des tarifs bancaires ou des augmentations ne dépassant pas 2 % sur l'année 2023. Il ressort que l'engagement pris par les banques de respecter ces mesures a bien été effectif en 2023. En outre, il peut être rappelé que diverses réformes ambitieuses ont permis d'encadrer les frais bancaires. Pour tous les Français, certains services bancaires sont gratuits (par exemple le relevé mensuel ou la clôture de compte), et certains types de frais sont plafonnés, comme le rejet de chèque (30 euros ou 50 euros selon le montant) ou le rejet de prélèvement (20 euros) ou bien encore les commissions d'intervention (8 euros par opération/80 euros par mois). Les personnes en situation de fragilité financière et les clients en situation de fragilité financière souscripteurs de l'offre spécifique2 bénéficient d'un bouclier de protection supplémentaire, à travers le plafonnement général des frais d'incident bancaires (25 euros par mois pour les clients en situation de fragilité financière, 20 euros par mois et 200 euros par an pour les clients qui bénéficient de l'offre spécifique). Il est désormais intégré dans la charte de l'Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissements (AFECEI), qui a été homologuée par l'arrêté en date du 16 septembre 2020, ce qui lui confère une valeur juridique contraignante, de niveau réglementaire. Il convient également de préciser qu'en complément du cadre législatif et règlementaire robuste et de l'engagement politique fort en faveur d'une limitation des frais bancaires pratiqués, une veille est assurée par l'Observatoire des tarifs bancaires (OTB) qui publie chaque année un rapport sur l'évolution des tarifs. Pour rappel, le rapport susmentionné est publié en application de la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010 qui a confié au Comité consultatif du secteur financier (CCSF) la mission de suivre, au travers de l'Observatoire, l'évolution des tarifs bancaires afin que les tendances de ces tarifs puissent être évaluées sur des bases solides et consensuelles. Le rapport publié en 2024 de l'OTB relève au 5 avril 2024 deux faits marquants, à savoir : une hausse maîtrisée des tarifs bancaires d'une part, et d'autre part, une forte baisse des tarifs de l'offre spécifique à destination des populations en situation de fragilité financière (OCF) et des frais d'incidents appliqués aux clients détenteurs de cette offre. Enfin, il peut être rappelé qu'il existe différents acteurs au sein des banques pour apporter des réponses aux interrogations des clients notamment les chargés de clientèles ou les services relations clientèles. Lorsque les démarches effectuées auprès de ces services n'apportent pas de solution aux difficultés rencontrées, il est alors possible de se rapprocher du service de médiation de la banque. Les coordonnées de ces services figurent sur les sites internet des banques. Le client, comme la banque, est libre de suivre ou de refuser les propositions de la médiation pour régler le litige. Si le désaccord persiste au terme de la médiation, le client ou la banque reste libre d'engager une action en justice. S'agissant du volet SEPA, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est, en France, l'autorité habilitée à rechercher et à constater les manquements aux dispositions de l'article 9 du règlement européen n° 260/2012 établissant des exigences techniques et commerciales pour les virements et les prélèvements en euros dans la zone SEPA. Dans ce cadre, plusieurs actions ont été engagées en vue d'assurer le respect de ces dispositions. Au regard des difficultés signalées par les consommateurs avec des opérateurs qui leur refusent des paiements par virement ou prélèvement depuis un compte bancaire situé dans un autre État membre de l'Union européenne, la DGCCRF a ainsi diligenté ainsi depuis 2018 plusieurs enquêtes sur l'ensemble du territoire. En raison de la persistance de manquements et afin de renforcer l'effectivité des dispositions du règlement et en l'absence de dispositif de sanction ad hoc, le législateur français a introduit, par la loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021 dans le code monétaire et financier, l'article L. 362-1 prévoyant que les manquements aux dispositions de l'article 9 seraient passibles d'amendes administratives ne pouvant excéder 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Dans ce contexte, une nouvelle enquête à visée répressive a été effectuée et les agents de la CCRF ont pu, à cette occasion, mettre en oeuvre ce nouveau pouvoir de sanction administrative. Cette enquête a montré que les pratiques discriminatoires à l'égard des virements et/ou prélèvements transfrontaliers, allant parfois jusqu'au refus, persistaient. Des difficultés techniques et des obligations de sécurité ou de lutte contre le blanchiment de capitaux étaient encore alléguées par les professionnels. Cependant, il est important de souligner que les services de contrôles ont constaté que certains d'entre eux avaient engagé des travaux de mise en conformité, dont la finalisation était prévue pour l'année 2023. En parallèle de ces actions de contrôle et de renforcement de la réglementation, la DGCCRF, en lien étroit avec les services de la Banque de France, réalise en outre régulièrement des actions de communication et de sensibilisation à destination d'un large public3. La DGCCRF, dans le cadre d'une démarche de sensibilisation, a adressé, en novembre 2023, aux opérateurs publics, un courrier leur rappelant la législation en vigueur et visant à établir un état des lieux de l'application de l'article 9 du règlement et d'éventuels plans de mise en conformité. Enfin, la DGCCRF travaille également sur l'amélioration de la détection de ces pratiques en faisant évoluer son système de dépôt des signalements de consommateurs afin d'identifier et d'évaluer de manière plus fine leur volumétrie et leur gravité. Ces signalements permettront des actions ciblées des services d'enquête de la DGCCRF envers les opérateurs qui ne respecteraient pas les dispositions de l'article 9 du règlement. ------------------------------------- ¹ Site internet https://ww.tarifs-bancaires.gouv.fr Pour les collectivités d'Outre-mer, les tarifs figurent sur les sites https://www.ieom.fr et https://www.iedom.fr 2 L'offre bancaire spécifique, réservée aux personnes en situation de fragilité financière, comporte une gamme de produits et services bancaires à tarif modéré. L'objectif est d'aider à gérer et à maîtriser leur budget mais aussi de limiter les frais en cas d'incident. 3 Article publié en 2019 sur le site de la DGCCRF : Virements et prélèvements en euros. La DGCCRF a été saisie par plusieurs consommateurs rencontrant des difficultés pour effectuer des prélèvements ou des virements en France depuis un compte ouvert dans un autre pays européen (https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/virements-et-prelevements-en-euros). Communiqué de presse du 10 septembre 2019 : La DGCCRF et le CEC France mobilisés pour garantir le droit pour les consommateurs d'utiliser au quotidien un compte bancaire européen. (https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/presse/cp-sepa-cec-dgccrf.PDF). Communiqué de presse du 24 novembre 2021 : La DGCCRF et le Comité national des paiements scripturaux (CNPS) rappellent le droit des consommateurs à utiliser un compte domicilié dans un autre pays d'Europe pour leurs prélèvements ou virements. (https://www.banque-france.fr/communique-de-presse/la-dgccrf-et-le-cnps-rappellent-le-droit-des-consommateurs-utiliser-un-compte-domicilie-dans-un)
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