Question de Mme DUMAS Catherine (Paris - Les Républicains) publiée le 03/10/2024
Mme Catherine Dumas interroge Mme la ministre de la culture sur de nouvelles normes réglementaires européennes concernant l'usage du plomb et leurs conséquences pour le secteur des métiers d'art.
Elle note que l'Union européenne envisage, depuis plusieurs années, de réviser deux réglementations européennes qui réduiraient, in fine, considérablement l'usage du plomb.
Elle indique que, d'une part, la révision envisagée du règlement dit « REACH » concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances prévoirait d'inclure l'usage du plomb sur la liste des substances soumises à autorisation et, d'autre part, la révision de la directive 2004/37/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques sur le lieu de travail (directive CRMD) viserait à réduire la valeur limite d'exposition au plomb et la valeur limite biologique à des taux inatteignables pour les entreprises.
Elle souligne que les élus, les parlementaires et les professionnels du secteur des métiers d'art alertent, depuis plusieurs années, le Gouvernement sur les conséquences désastreuses sur plusieurs métiers d'art, en premier rang celui de maître-verrier, que pourraient apporter ces deux révisions réglementaires européennes.
Elle ajoute que le plomb est une composante essentielle de la fabrication des vitraux et, malgré les efforts déployés par les professionnels du vitrail, aucun substitut n'a jusqu'ici pu lui être trouvé en raison de ses propriétés particulières.
Elle reconnait que l'usage du plomb doit être maitrisé afin de protéger la santé et l'environnement. Elle précise toutefois que les risques sanitaires liés à ces métiers apparaissent aujourd'hui maitrisés par les professionnels du secteur des métiers d'art, grâce aux mesures strictes de prévention et de contrôle mises en place par les professionnels depuis plusieurs années.
Elle rappelle que la France concentre à elle seule plus de 60 % du patrimoine vitrail européen et abrite la plus grande surface de vitraux au monde (cathédrales, églises, chapelles, monuments...).
Elle souhaite donc lui demander si la France compte se mobiliser au niveau européen pour obtenir que la fabrication, la conservation et la restauration de biens culturels soient exemptées des deux révisions réglementaires européennes.
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Transmise au Ministère de la culture
Réponse du Ministère de la culture publiée le 02/01/2025
Le plomb est très présent dans le patrimoine culturel, immobilier comme mobilier. Son usage est multiséculaire du fait des qualités intrinsèques uniques de ce métal très lourd, telles que la malléabilité ou la durabilité, très supérieures à celle du zinc et du cuivre, mais aussi à celles d'autres matériaux de couverture. Les techniques de mise en oeuvre concernent de nombreux corps de métiers et de nombreuses entreprises hautement spécialisées, notamment celles qui interviennent sur les monuments historiques, qu'il s'agisse des couvreurs ornemanistes, des maçons, des maîtres-verriers, des restaurateurs de vitraux, de sculptures ou de peintures murales, et des facteurs d'orgue. Largement employé dans la construction, en particulier pour les couvertures et les ornements des cathédrales ou des palais nationaux, le plomb a en effet permis aussi la création de milliers de mètres carrés de vitraux ou d'orgues, un patrimoine considérable en France. Le plomb reste présent de façon permanente et sous de multiples formes dans les immeubles antérieurs à la seconde moitié du XXe siècle. De nombreux biens culturels également présents dans les monuments historiques, les musées de France, les archives ou les bibliothèques sont composés, de manière constitutive, de plomb (Voir la page https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/monuments-sites/monuments-historiques-sites-patrimoniaux/les-monuments-historiques/le-plomb-dans-les-monuments-historiques). Les risques relatifs à l'utilisation du plomb en atelier comme sur un monument historique sont pris en compte de longue date par le ministère de la culture et par les maîtres d'ouvrage, les maîtres d'oeuvre et les entreprises. Attentif à la préservation des compétences et des savoir-faire indispensables à la conservation et la restauration du patrimoine culturel, le ministère de la culture suit l'ensemble des textes européens en lien avec les ministères chargés du travail, de la santé et de l'écologie. La directive 2004/37/CE relative à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes ou à des substances reprotoxiques au travail (en anglais, Carcinogens, Mutagens or Reprotoxic substances Directive - CMRD) a été adoptée par le Parlement européen le 7 février 2024 et publiée le 19 mars 2024. La France a porté une position équilibrée pour préserver à la fois la santé des travailleurs et leur emploi. Tout au long du processus de révision, la question de l'impact pour le secteur du patrimoine culturel de l'abaissement des valeurs limites du plomb et de ses composés inorganiques a été prise en compte. Le ministère chargé du travail, responsable pour la France du suivi des négociations de cette directive, a été en contact avec le ministère de la culture et avec les représentants des métiers d'art et du patrimoine (cristallerie, vitrail, instruments de musique, sculptures, peintures murales, couvertures et maçonnerie du patrimoine bâti) afin de préserver les particularités de ces métiers riches de nombreuses très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME), et très féminisés dans certains secteurs comme le cristal ou le vitrail. Le ministère de la culture a réuni, le 7 octobre 2022, tous les acteurs et parties prenantes lors d'une journée technique sur « Le Plomb dans les monuments historiques ». Cette journée a permis d'informer les professionnels du patrimoine des textes discutés au niveau européen et de débattre notamment de la manière de concilier protection des travailleurs et conservation des métiers, techniques et savoir-faire mettant en oeuvre le plomb, tant au bénéfice de la production artistique que de la conservation et de la restauration du patrimoine culturel (https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/monuments-sites/actualites/A-la-Une/Journee-technique-Le-plomb-dans-les-monuments-historiques-vendredi-7-octobre-2022). La réglementation française est protectrice pour les travailleurs exposés au plomb. Outre les mesures de précaution (installations techniques sur le chantier ou en atelier), les nouvelles dispositions permettront la mise en place de manière plus précoce du Suivi individuel renforcé (SIR), en particulier pour les femmes exposées au plomb et de leurs enfants à naître, sans porter préjudice à leur accès et à leur maintien équitable dans l'emploi. Les ministères chargés de la culture et du travail souhaitent travailler, en lien avec les organismes de prévention et les organisations professionnelles concernées, à la révision des outils et des guides d'accompagnement des entreprises, dans l'objectif de faciliter la mise en oeuvre des mesures de prévention applicables sur un chantier en présence de plomb. Les expériences acquises sur les cathédrales en France permettront également de produire un protocole national d'organisation d'un chantier en présence de plomb. Le ministère de la culture souhaite contribuer au lancement d'études de métrologie, sur les techniques de prélèvement et de mesure adaptées aux monuments historiques et au bâti ancien, avec l'appui, le cas échéant, de l'Association française de normalisation (AFNOR). À la suite de la consultation publique ouverte du 2 février au 2 mai 2022, l'Agence européenne des produits chimiques (en anglais, ECHA) a émis le 12 avril 2023 une recommandation pour l'inclusion de huit substances prioritaires, dont le plomb, dans la liste des substances soumises à autorisation (annexe XIV) du règlement européen REACH (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals), entré en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et l'utilisation des substances chimiques dans l'industrie européenne. La recommandation ne prévoit pas d'interdire l'usage du matériau, mais son inclusion dans l'annexe XIV le soumettrait à autorisation. La procédure d'autorisation est très onéreuse et pèse sur les entreprises. Le 18 décembre 2023, la Commission a répondu à la pétition n° 0724/2023, présentée en novembre 2023 par Monsieur Ivo Rauch, du corpus Vitrearum, pour une exemption à l'interdiction d'utiliser du plomb dans l'art et l'artisanat des objets culturels au titre du règlement REACH (https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/PETI-CM-758087_FR.pdf). Cette pétition était portée par des « spécialistes de la restauration de vitraux historiques » et des « experts membres du comité scientifique international pour la conservation des vitraux (CSICV, comité expert du corpus Vitrearum et de l'ICOMOS) ». La Commission a rappelé l'ensemble des dispositions des directives de l'Union européenne en matière de santé et sécurité au travail et les valeurs limites d'exposition professionnelle et les valeurs limites biologiques. La réponse de la Commission prend en compte l'utilisation du plomb et de ses alliages dans le patrimoine culturel : elle « évalue toutes les mesures de gestion des risques existantes pour répondre de la manière la plus appropriée possible aux préoccupations liées aux utilisations non réglementées restantes du plomb, sans nécessairement inclure cette substance dans l'annexe XIV. Si des mesures supplémentaires sur le plomb sont jugées nécessaires au titre du règlement REACH, la Commission procédera à l'élaboration d'éventuelles dérogations en prenant en considération l'importance de la préservation du patrimoine culturel ». La recommandation de l'ECHA de soumettre le plomb à une autorisation n'est pas juridiquement contraignante. La Commission n'est pas tenue de la suivre.
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