Question de M. PLA Sebastien (Aude - SER) publiée le 03/10/2024

M. Sebastien Pla appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la trajectoire retenue par la France pour décarboner la mobilité et notamment les orientations choisies en matière de transformation du parc automobile français et de promotion des véhicules électriques.
Il soutient que, parmi les nouveaux carburants, les biocarburants issus de la biomasse ou les électro-carburants (appelés e-carburants ou e-fuels) fabriqués à partir d'hydrogène vert ( produit lui-même à partir d'électricité renouvelable) demeurent des leviers efficaces pour accélérer notre autonomie vis-à-vis des énergies fossiles, et ce d'autant qu'ils sont, pour les premiers facilement substituables au gaz fossile, et pour les seconds, directement utilisables dans l'ensemble des moteurs existants et dans le réseau de distribution actuel.
Si le secteur aéronautique intègre déjà des objectifs vertueux à l'horizon 2030 avec un recours accru aux carburants d'aviation durable (SAF), leur utilisation reste marginale dans l'Hexagone alors même que ces e-carburants sont 70 % moins émetteurs de carbone que les carburants classiques.
Sachant que la Chine, qui concentre plus des deux tiers de la production et du raffinage des métaux rares, continue de freiner les exportations de gallium, germanium, de graphite..., il constate que le risque de dépendance technologique pour l'Europe va donc croissant, en cela encouragé par un modèle qui prône le recours au véhicule électrique comme seule alternative.
Il déplore ainsi que le développement de filières de production de carburants nouvelle génération (biocarburant comme e-fuel) soient insuffisamment encouragé et réclame, à dessein, une mobilisation stratégique industrielle, pour éviter de remplacer la dépendance actuelle aux énergies fossiles, par une nouvelle dépendance aux métaux rares.
Il le questionne donc sur le retard stratégique pris par la France en matière de déploiement de carburants de synthèse, alors que dans l'ensemble de l'Europe ces solutions semblent se développer pour satisfaire un marché de plus de 28 millions de véhicules en circulation. Il pointe qu'en l'état actuel de la recherche technologique, les déchets recyclables peuvent être inclus dans la fabrication d'e-fuel rendant ainsi les process de fabrication plus intégrés.
Il lui demande donc si l'État entend accompagner cette filière de carburants de synthèse afin de réunir les conditions d'une transition écologique réussie.
Il souhaite aussi connaître ses intentions quant à l'usage de la biomasse pour la production de biocarburants, alors que la recherche de pointe, conduite par les chercheurs français de l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAé) depuis plus de 30 ans, a démontré les nombreux bénéfices qu'elle représente pour les agriculteurs, et que les biocarburants constituent une alternative crédible et mature pour décarboner la mobilité lourde, notamment, selon un modèle d'économie circulaire ancré dans les territoires.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 16/01/2025

Les biocarburants comme les e-carburants sont parfaitement substituables aux carburants fossiles sans modification de motorisation et présentent en effet, selon leur origine, des potentiels de décarbonation des transports importants. Cependant certaines contraintes pèsent sur eux : les prix élevés en sortie de process (on parle de 2 à 8 fois le prix de l'équivalent fossile pour les projets émergeants aujourd'hui) et la disponibilité limitée des intrants (la biomasse est une ressource limitée pour les biocarburants, et l'hydrogène et le CO2 restent issus de procédés peu matures et coûteux aujourd'hui, résultant en de faibles capacités disponibles et des coûts élevés à date, pour les e-carburants). Il n'existe aucun projet industriel de e-carburant aujourd'hui dans le monde, expliquant leur rôle marginal à date malgré leur fort potentiel de décarbonation. La filière des biocarburants est quant à elle plus mature. Dans le cas spécifique des bioSAF, la conversion par TotalEnergies de deux raffineries permettra de répondre aux besoins nationaux en bioSAF pour l'aviation à horizon 2030 (objectifs ReFuel EU). En raison de la quantité disponible limitée des carburants durables, ceux-ci sont fléchés vers les usages ayant le moins d'alternatives, dont l'aviation, dont la décarbonation repose essentiellement sur ces carburants alternatifs. Le véhicule électrique n'est donc pas la seule alternative et le gouvernement soutient les filières des carburants durables, absolument nécessaire à la décarbonation de certaines filières. Le problème de l'utilisation des métaux critiques (nécessaires pour les batteries) reste un sujet très sérieux auquel le gouvernement est particulièrement attentif. A ce titre, un projet de mine de lithium en France a été désigné comme projet d'intérêt national majeur et illustre la volonté politique de garantir la souveraineté en métaux rares. Rappelons par ailleurs que la réduction du trafic via le développement des réseaux de transports en commun et de la mobilité douce contribue fortement à la décarbonation du transport léger, en parallèle de l'électrification du parc, limitant les besoins en métaux rares. Le développement de ces filières de production de bio et e-carburants est soutenu le gouvernement afin d'atteindre ses objectifs climatiques dans les transports. A ce titre, de nombreux mécanismes sont en place permettant d'aider les producteurs. A titre d'exemples : - la TIRUERT, une taxe favorisant l'incorporation de carburants renouvelables dans la distribution de carburants (pour atteindre les objectifs d'incorporation de la directive européenne RED II) - le mécanisme de compensation carbone qui permet de financer des projets d'électrolyseurs (et donc de baisser les coûts liés à l'hydrogène, intrant majeur des e-carburants) - l'appel à projets CarbAéro en cours. Au titre de la première relève de cet appel, 5 projets ont été aidés pour un total de 18,4meuros. La deuxième relève est en cours d'instruction - A toutes ces aides s'ajoutent celles indirectes bénéficiant aux deux filières : celles liées à la mobilisation de la biomasse, au développement des électrolyseurs, à la capture de CO2… Et à toute la R&D liée. Le gouvernement dénombre à ce jour 14 projets de carburants de synthèse sur le territoire français, ce qui en fait à sa connaissance le pays de l'UE le plus avancé sur le sujet. La filière est stratégique et tout est mis en oeuvre pour la soutenir, tout en veillant également à la pertinence du soutien et de ses impacts positifs sur les projets dans le contexte budgétaire actuel.

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