Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SER) publiée le 10/10/2024
M. Didier Marie attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, à propos de la situation alarmante de la protection judiciaire de la jeunesse dans le département de la Seine-Maritime. Dans ce département, on compte à ce jour une cinquantaine d'enfants accompagnés en mesures classiques faute de places en mesures renforcées. De plus, les ordonnances de placement ne sont pas toujours respectées et la situation n'a cessé de se dégrader. En 2021, une vingtaine de mesures de milieu ouvert ont été maintenues par manque de placement. En 2023, ce chiffre a doublé. Par ses manquements, l'État ne protège pas ces enfants victimes de violences physiques, sexuelles, abandonniques ou psychiques. Ils souffrent et sont abandonnés par l'État. Les professionnels de la protection des enfants constatent également une dégradation du système judiciaire et administratif. Les audiences et les rendez-vous de fin de mesure ne sont plus systématiques, les ordonnances sont envoyées tardivement, le nombre de mesure judiciaire d'investigation explose et les délais de mise en oeuvre s'allongent. C'est tout un système qui dysfonctionne.
Ainsi, il souhaite savoir si le Gouvernement est en capacité d'assurer aux acteurs et aux professionnels de la protection de l'enfance qu'ils auront les moyens d'exercer leurs fonctions dans de bonnes conditions afin que les enfants qui ont besoin de ce service public essentiel puissent être accompagnés dignement.
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Transmise au Ministère de la justice
Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de l'autonomie et du handicap publiée le 15/01/2025
Réponse apportée en séance publique le 14/01/2025
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 081, adressée à M. le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Marie. Madame la ministre, ma question s'adressait à M. le garde des sceaux, mais j'espère que vous allez pouvoir me répondre.
Elle concerne la situation alarmante de la protection de l'enfance dans le département de la Seine-Maritime. Le manque de moyens entraîne de nombreux dysfonctionnements qui nuisent à l'accompagnement des 7 000 enfants et adolescents censés être placés.
Ces mineurs sont fragiles et ont besoin d'une attention toute particulière de la chaîne de protection, en premier lieu de l'État. Prostitution, fugues, disparitions, violences sont monnaie courante pour ces enfants qui attendent de nous une amélioration de leur situation. Très récemment, nous avons déploré un féminicide sur une adolescente accompagnée par la protection de l'enfance.
Les professionnels tentent tant bien que mal de gérer des situations plus compliquées les unes que les autres, avec des mineurs victimes de violences physiques, sexuelles, psychologiques et qui ont été le plus souvent abandonnés.
Les professionnels de la protection des enfants constatent également une dégradation du système judiciaire et administratif. Les audiences et les rendez-vous de fin de mesure ne sont plus systématiques ; les ordonnances sont envoyées tardivement ; le nombre de mesures judiciaires d'investigation explose et les délais de mise en oeuvre s'allongent. C'est tout un système qui dysfonctionne.
La décision prise par le Gouvernement de supprimer 500 postes à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a eu un impact désastreux sur l'accompagnement des mineurs. Les professionnels ne s'en sortent plus !
Madame la ministre, pouvez-vous m'indiquer comment le Gouvernement compte assurer aux acteurs et aux professionnels de la protection de l'enfance en Seine-Maritime les moyens d'exercer leurs fonctions dans de bonnes conditions, afin que les enfants qui ont besoin de ce service public essentiel puissent être accompagnés dignement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Monsieur le sénateur, je vais vous faire part de la réponse de M. Gérald Darmanin, garde des sceaux, qui a pris connaissance de votre question avec attention.
La protection de l'enfance est une politique décentralisée, qui relève de la compétence des départements.
Pour autant, l'autorité judiciaire y joue un rôle central. En effet, à l'encontre du principe de subsidiarité, près de 80 % des mesures de protection des enfants en danger sont judiciarisées. La mise en oeuvre et le financement des mesures d'investigation en matière d'assistance éducative sont à la charge de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), qui relève pleinement du ministère de la justice.
Le département de Seine-Maritime comporte trois juridictions pour mineurs : Rouen, Le Havre et Dieppe. On constate bien dans ce département une augmentation du nombre de mesures judiciaires d'investigation éducative (MJIE) prononcées par les magistrats et, incidemment, une aggravation des délais de mise en oeuvre de ces mesures.
Cette évolution s'inscrit dans un contexte plus large d'accentuation des difficultés de mise en oeuvre des décisions judiciaires d'assistance éducative relevant de la responsabilité du département.
À ce jour, les unités du service public de la PJJ ne sont pas sous tension. Seul le service du Havre a pu, de manière conjoncturelle, mettre en attente des MJIE pendant quelques semaines en 2024. La saturation du dispositif de prise en charge concerne essentiellement la juridiction de Rouen et le secteur associatif habilité.
Ce constat de dégradation impose que l'on renforce le dialogue entre le département, l'autorité judiciaire et la direction territoriale de la PJJ, pour analyser plus finement les difficultés et identifier les solutions à mettre en oeuvre. Le ministre de la justice a demandé à ses services de s'inscrire pleinement et rapidement dans cette démarche.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Madame la ministre, on compte actuellement 600 dossiers en attente de jugement au palais de justice de Rouen, contre 350 en moyenne en France, ce qui est déjà beaucoup. Les dysfonctionnements que nous connaissons ont aussi pour conséquence une perte d'attractivité des associations de la protection de l'enfance, qui peinent à recruter et sont contraintes de réduire la qualité des services qu'elles procurent aux enfants et aux familles.
La protection de l'enfance est certes une responsabilité commune de l'État et des départements, mais nous souhaitons que l'État y prenne pleinement sa place.
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