Question de M. PATIENT Georges (Guyane - RDPI) publiée le 10/10/2024

M. Georges Patient interroge M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer sur les suites à donner au rapport de 2022 de l'inspection générale des finances sur la régulation des prix des carburants et du gaz dans les départements français d'Amérique. Celui-ci souligne notamment le manque de compétitivité de la raffinerie de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA) qui est le principal facteur de surcoût des carburants - estimé à 14,6 centimes d'euro par litre - aux Antilles et en Guyane et propose deux scénarii dont un seul est présenté comme étant susceptible de permettre une baisse significative, structurelle et durable des prix : l'arrêt de l'activité de raffinage de la SARA. Ce scénario présente néanmoins un coût social non négligeable puisqu'il entrainerait la suppression de plusieurs dizaines d'emplois. La SARA deviendrait alors un simple importateur de carburant mais bénéficiant d'un monopole organisé par l'État et d'une rémunération garantie par l'État. Par ailleurs, la SARA, qui conteste les conclusions de ce rapport, dénonce les certificats d'économie d'énergie comme une autre cause de surcoût qui représenterait à l'heure actuelle 6 à 7 centimes d'euro par litre et qui pourrait doubler d'ici 2026. Dans le contexte de vie chère aux Antilles et Guyane et de diminution à venir de la consommation de carburants liée à la transition vers les véhicules électriques, il lui demande quelles décisions le Gouvernement entend prendre pour permettre une baisse durable du coût des carburants dans ces territoires.

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Réponse du Ministère auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer publiée le 06/11/2024

Réponse apportée en séance publique le 05/11/2024

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 075, adressée à M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer.

M. Georges Patient. Monsieur le ministre, le prix des carburants en Guyane participe à la cherté de la vie et mobilise régulièrement élus et population en raison des niveaux records atteints.

Par exemple, le sans-plomb est actuellement vendu à 1,90 euro par litre, quand il coûte 1,72 euro dans l'Hexagone. Plus grave, nos voisins immédiats du Suriname, du Guyana et du Brésil le payent entre 94 centimes et 1,10 euro - moitié moins cher !

Ce constat posé, il faut réagir, et des solutions existent. Selon le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) de 2022, le marché des carburants aux Antilles et en Guyane est non pas un système de prix administrés, mais un triple monopole au bénéfice d'une entreprise, la Sara (Société anonyme de la raffinerie des Antilles). Celle-ci détient un monopole sur l'importation des produits pétroliers, ainsi que sur le raffinage et le stockage.

Selon ce même rapport, l'arrêt de l'activité de raffinage serait la seule solution pour permettre une baisse significative des prix, de l'ordre de 14 centimes d'euro à 18 centimes d'euro.

Monsieur le ministre, qu'en est-il de cette proposition et de toutes les autres qui sont contenues dans ce rapport ? Quelle est la légitimité d'un système dans lequel l'État garantit 23 millions d'euros de rémunération à l'actionnaire de la Sara, tout en acceptant des prix élevés pour le consommateur ?

Enfin, ce gain de 14 centimes à 18 centimes laisserait la Guyane encore loin des prix pratiqués par ses voisins, en particulier sur le plateau des Guyanes. Tous sont producteurs de pétrole.

N'y a-t-il pas là une double peine pour la Guyane ? Elle ne peut importer à moindre coût les carburants de ses voisins et doit le faire depuis l'Europe. Il lui est également interdit d'exploiter le pétrole présent dans son sous-sol au titre de la loi Hulot, alors même que ce texte n'a pas interdit de nouveaux forages en Gironde en 2023 et que l'Europe achète la moitié de la production pétrolière du Guyana...

Monsieur le ministre, n'est-il pas temps de mettre fin à cette hypocrisie et d'abroger la loi Hulot pour la Guyane ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du Premier ministre, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur, vous le savez, le Gouvernement suit très attentivement la question du prix des carburants et du gaz, en Guadeloupe et en Martinique comme en Guyane. Cette question s'inscrit dans la problématique plus large du coût de la vie dans nos outre-mer, pour laquelle nous sommes pleinement mobilisés.

Le rapport de 2022 de l'IGF, qui a été rendu public, confirme la nécessité d'une réglementation des prix des carburants au regard de l'étroitesse des marchés locaux. Si ces prix réglementés sont aujourd'hui proches de ceux qui sont constatés dans l'Hexagone, des marges de progrès importantes ont été mises en exergue, à la fois aux Antilles et en Guyane.

L'IGF a ainsi établi des pistes de travail destinées à favoriser une meilleure transparence dans la définition de ces prix. C'est ce que je souhaite également faire sur la question de la vie chère - nous en avons déjà parlé ensemble il y a quelques semaines.

Elle a également préconisé de réexaminer plusieurs éléments de calcul des prix des carburants, du fonctionnement et donc de la rémunération de la Sara. C'est pourquoi une réforme de la régulation des prix et du système de distribution a été actée au moment du comité interministériel des outre-mer (Ciom) de 2023. Les choses sont donc claires sur le principe.

Des pistes de réforme sont actuellement à l'étude, afin d'assurer un prix juste au consommateur dans un contexte de développement durable des territoires. Il faut mettre en application ce qui a été décidé à l'occasion de ce Ciom, et nous devons aller vite. D'ailleurs, une nouvelle réunion du Ciom est prévue pour le premier trimestre 2025.

S'agissant des dispositions de la loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche, ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures, et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, dite loi Hulot, il faut noter qu'elle a été confirmée par la France et jamais remise en cause.

Pour autant, ce serait mentir de vous dire que, à titre personnel, je ne me pose pas de questions. En effet, force est de constater que des pays proches de la Guyane exploitent leurs ressources en hydrocarbures et que des entreprises françaises sont engagées dans ces projets. Cela pose naturellement une question de fond, mais, en l'état du droit, de tels projets restent interdits.

La problématique de l'approvisionnement de la Guyane en carburant est bien prise en compte par le Gouvernement, et je veillerai avec un soin particulier à ce que les associations d'élus de Guyane et des Antilles participent aux discussions qui vont s'ouvrir.

Vous avez raison, nous devons avancer sur ces questions de fond, partout outre-mer, en faisant la transparence sur les modalités de calcul des prix et en les remettant à plat.

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