Question de M. DUROX Aymeric (Seine-et-Marne - NI) publiée le 03/10/2024

M. Aymeric Durox interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie sur le projet visant à stocker 300 à 400 kilotonnes de dioxyde de carbone par an dans le sous-sol de la commune de Grandpuits-Bailly-Carrois et ses environs à l'horizon 2026. De nombreuses inquiétudes sont formulées par les habitants mais aussi les élus locaux qui n'ont pas accès aux informations pourtant rendues nécessaires au regard de l'ampleur du projet. On y parle, notamment, de stocker dans la nappe aquatique du Dogger (à 1500 mètres sous terre) un dépôt instable et incontrôlable dans l'eau de cette nappe. En effet, les promoteurs du projet parient sur la solubilité du CO2 dans l'eau afin de l'y fixer. Or, cette solubilité est fonction de la pression partielle de CO2 située au-dessus de la nappe. Si cette pression venait à diminuer, pour une raison ou une autre, alors des millions de tonnes de CO2 seraient déversées dans l'atmosphère en créant localement une nappe de gaz au niveau du sol, éliminant l'oxygène et l'azote de l'air que nous respirons. Ce projet démentiel porté en partie par une entreprise néerlandaise ne bénéficie d'aucun retour d'expérience à cette échelle. En outre, l'expérience du lac Nyos, au Cameroun, renforce les doutes quand on sait que l'éruption limnique qui a tué 1800 personnes s'est déclenchée après la libération soudaine de 300 000 tonnes de CO2. Ainsi, il semblerait que le caractère réversible du stockage de CO2 par solubilité dans l'eau peut conduire à des catastrophes lorsqu'il porte sur de très grandes quantités. Rajoutons qu'aussi proche de la capitale et du bassin parisien, ce projet serait une menace bien trop grande. C'est pourquoi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer où en est ce projet et quel avenir lui voit-il.

- page 3467

Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie publiée le 13/02/2025

Le développement des technologies de capture et de stockage du CO2 représente un enjeu important pour la lutte contre le réchauffement climatique et est un levier pour l'atteinte de la neutralité carbone en 2050. Ces technologies permettent de capturer les émissions de CO2 dans le but de les stocker durablement, ou de les réutiliser comme intrant dans la fabrication de certains produits, substituant ainsi des consommations fossiles. Le stockage géologique de CO2 se fait principalement dans des champs d'hydrocarbures déplétés (c'est-à-dire d'où des hydrocarbures ont été extraits) ou des aquifères salins (couches géologiques profondes, poreuses, perméables et saturées en eaux salées appelées saumures) à une profondeur minimale de 800 m afin de stocker le CO2. Dans ces deux cas, le stockage consiste à avoir une structure géologique réservoir fermée d'un certain volume, recouverte par une couche imperméable au passage du CO2 et qui permet de piéger de façon sûre et permanente le CO2. Le projet évoqué, est porté par C-Questra, une société néerlandaise, qui a déposé une demande de PER (Permis d'Exploration et de Recherche) actuellement en phase de recevabilité. Cette demande constitue la première étape d'un processus scientifique, technique et économique destiné à démontrer (ou non) la viabilité technique et économique du projet. Ce n'est qu'à l'issue de cette démarche, qui s'inscrit dans un temps relativement long (plusieurs années) que l'industriel pourrait exploiter le stockage. L'instruction de la demande de PER prévoit une consultation du public lors de laquelle les habitants et les élus locaux pourront évoquer leurs inquiétudes et demander l'accéder aux informations souhaitées. A l'horizon 2026, la société ambitionne de réaliser un essai pilote (qui suppose l'injection d'un volume limité de CO2) nécessaire pour démontrer la faisabilité du projet. Ce projet de pilote, tout comme la phase d'exploitation, devra être autorisé au titre de la réglementation des installations classées. L'horizon géologique projeté par cette société pour effectuer ce stockage est le Dogger qui est un aquifère salin, c'est-à-dire une couche géologique composée de roches calcaires contenant de l'eau dans leurs pores. Cette aquifère, situé à plus de 1 800m de profondeur, répond aux critères préliminaires qui permettent un contexte favorable au stockage de CO2. Il présente de bonnes porosités et perméabilités, et il est surtout revêtu d'une épaisse couche argileuse en son sommet. Le concept du projet repose sur la solubilité du CO2 dans l'eau qui permettra de l'y fixer. Plusieurs mécanismes assurent le maintien du CO2 dans le réservoir, en premier lieu le piégeage structurel avec la présence d'une épaisse couche imperméable recouvrant le Dogger et le piégeage capillaire, où le CO2 est maintenu au contact des grains dans la porosité de la roche calcaire. Avec le temps, une part de plus en importante du CO2 stocké se dissoudra dans l'eau de l'aquifère. Étant donné la nature calcaire du Dogger, une minéralisation du CO2 dans le réservoir sous forme de carbonates est également envisageable sur le long terme (plusieurs milliers d'années minimum). On relève également l'absence de faille majeure sur la zone de Grandpuits comme le relèvent de nombreux rapports du BRGM. Enfin, l'exemple des réservoirs pétroliers adjacents à la zone de Grandpuits montre le caractère étanche et sûr de la couche imperméable. L'accident du lac Nyos au Cameroun auquel il est fait référence s'est produit dans un contexte bien différent, caractérisé par une production volcanique massive de CO2 qui s'est accumulé dans le fond du lac (et non sous des couches géologiques), avant de se dissoudre dans l'eau et de se libérer brutalement dans l'atmosphère. Dans l'hypothèse où un permis d'exploiter un stockage serait attribué à la C-Questra, il devra obtenir une autorisation environnementale pour exploiter un stockage de CO2 à l'appui d'un dossier qui devra comprendre une étude d'impact et une étude de dangers. Enfin, pour ce type d'activités, les arrêtés d'autorisation doivent nécessairement prévoir des mesures de surveillance du stockage dans la durée.

- page 608

Page mise à jour le