Question de Mme JOSENDE Lauriane (Pyrénées-Orientales - Les Républicains) publiée le 03/10/2024
Mme Lauriane Josende attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'augmentation préoccupante des violences et agressions visant les pharmaciens, particulièrement durant les heures de garde.
Selon le bilan annuel publié par l'Ordre national des pharmaciens, le nombre d'agressions déclarées par les pharmaciens a augmenté de près de 30 % en 2023 par rapport à l'année précédente, avec une moyenne de 40 agressions par mois. Les pharmacies d'officine, qui représentent 97 % des cas recensés, sont particulièrement touchées. Un point d'inquiétude majeur réside dans l'accroissement des agressions pendant les gardes, dont le nombre a doublé en cinq ans.
Ces violences surviennent dans un contexte où les pharmacies d'officine, notamment dans les territoires les plus isolés, constituent, aux côtés des services d'urgences des hôpitaux publics, les seuls établissements de santé ouverts en continu pour répondre aux besoins de la population. Le risque de voir de plus en plus de pharmaciens renoncer à assurer ces gardes, en raison du climat d'insécurité croissant, est réel et préoccupant.
Ainsi, elle demande au Gouvernement de prendre des mesures concrètes pour renforcer la sécurité des pharmaciens, particulièrement durant les heures de garde, afin de garantir ainsi la continuité des services pharmaceutiques dans tous les territoires.
- page 3484
Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 16/01/2025
La protection des pharmaciens et des professions exposées est un sujet d'attention et de mobilisation forte pour les forces de sécurité intérieure. A ce jour, les informations sur la profession des victimes et sur le type de lieu de commission des infractions dans les systèmes d'information de la police et de la gendarmerie nationales ne permettent pas d'identifier et de mesurer précisément la délinquance dont les pharmaciens sont victimes. Des travaux sont toutefois menés par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) du ministère de l'intérieur pour être, à terme, en mesure d'appréhender précisément les phénomènes de délinquance dont sont victimes certaines professions : pharmaciens, médecins, professeurs, etc. D'ores et déjà, une première étude a été publiée par la SSMSI sur les « Violences physiques et verbales enregistrées par les services de sécurité depuis 2016 : une première approche des victimes par profession » (Interstats - Info Rapide, n° 21, juillet 2022). Cette étude ne permet toutefois pas d'isoler la situation des pharmaciens. En écho au bilan annuel de l'ordre national des pharmaciens, il convient néanmoins de préciser que la gendarmerie nationale évalue l'évolution des faits constatés à l'encontre des officines de pharmacie, en zone gendarmerie nationale, qui ont progressé de 18,37 % en 2023. 385 faits supplémentaires ont ainsi été constatés, concernant principalement les vols à l'étalage. Les infractions subies par les pharmaciens sont majoritairement constituées de vols (41 % des faits constatés) et d'escroqueries ou faux (37 %). Les atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes représentent quant à elles 6 % de l'ensemble des infractions constatées. Les départements les plus concernés par cette délinquance sont majoritairement urbains et/ou densément peuplés (Gironde, Loire-Atlantique, Haute-Garonne, Isère, Hérault, Pas-de-Calais, Bouches-du-Rhône, Manche, Ain et Gard - comprenant entre 94 et 50 faits constatés en 2023) ; les départements plus ruraux étant moins impactés (5 faits constatés dans les Ardennes et 1 dans le Territoire de Belfort en 2023). La direction générale de la gendarmerie nationale et l'ordre des pharmaciens sont également en lien étroit et échangent régulièrement sur les difficultés rencontrées par les pharmaciens et plus largement tous les personnels de santé. Dans un premier temps, en plus des patrouilles de prévention de proximité réalisées au quotidien par les gendarmes et afin de prévenir les agressions, la gendarmerie ouvre aux pharmaciens la possibilité de s'inscrire dans sa base de données de sécurité publique en tant que « profession menacée » (module SIP-BDSP : sécurisation des interventions et demandes de protection de la base départementale de sécurité publique). Elle met également à leur disposition l'application Opération Tranquillité Entreprises et Commerces (OTEC) qui permet de référencer l'officine, de signaler des situations sensibles telles que l'absence d'occupation des locaux ou une arrivée massive de produits onéreux ou recherchés, et de prévenir ainsi les cambriolages et vols par agression ou menace. En effet, ces informations directement accessibles aux gendarmes leur permettent d'orienter les patrouilles en surveillance générale vers les sites jugés sensibles, et facilitent la rapidité et la coordination des interventions en cas de besoin. Aussi, afin de compléter ce dispositif, les référents sûreté des groupements de gendarmerie départementale délivrent sur demande des conseils humains, organisationnels et techniques aux pharmaciens, à titre gracieux, afin de réduire les vulnérabilités constatées des établissements. Cette prévention situationnelle dédiée s'inscrit en complément de la transmission de nombreux conseils via tous les canaux utiles (presse quotidienne régionale, réunions publiques, réseaux sociaux, application MaSécurité), mais aussi des dispositifs d'alertes par sms/mails (type VigiEntreprise/VigiCommerce) afin d'informer les professionnels des tendances délictuelles émergentes localement. L'engagement de la gendarmerie aux côtés des officines pharmaceutiques se traduit également dans certains départements par la signature d'une convention avec l'ordre local des pharmaciens afin de fortifier leurs actions de prévention et de lutte contre les agressions et vols touchant ces professionnels. Ces conventions qui vont continuer à être déployées permettent d'améliorer encore la sécurité des services pharmaceutiques dans tous les territoires. Par ailleurs, pour faciliter leur dépôt de plainte, les pharmaciens peuvent déclarer les agressions qu'ils subissent sur le site internet de l'Ordre depuis 2017. Cette facilité d'accès s'est traduite par une nette augmentation des faits d'incivilités et de violences dénoncés, mais un travail d'accompagnement est toujours en cours pour que les victimes confirment leurs déclarations préalables en ligne par des dépôts de plainte, permettant ainsi des actions en justice plus efficaces. Ainsi, la gendarmerie est en mesure de répondre de manière adaptée à toute sollicitation d'un pharmacien qui en exprimerait le besoin, sur le plan de l'urgence (ex. appel au 17 en cas de menace directe mais aussi en cas d'assistance à une victime de violences intra-familiales) comme au quotidien (ex. aide et informations de prévention). La police nationale est également mobilisée pour prévenir et lutter contre la délinquance dont sont trop souvent victimes les officines pharmaceutiques. Des moyens préventifs et répressifs adaptés sont mis en oeuvre pour permettre aux pharmaciens de travailler en toute sérénité. Les forces de police sont sensibilisées et attentives à toute demande d'intervention en la matière, gage d'une forte réactivité dès qu'un problème est signalé. Le passage de patrouilles de police aux abords des officines de pharmacie, par exemple, ainsi que les prises de contact régulières, permettent d'éviter nombre d'incivilités et d'incidents. Chaque incident rapporté est traité. L'État et les professionnels de la santé travaillent ainsi en partenariat depuis plusieurs années afin d'améliorer la prévention et la lutte contre les violences, tant à l'égard des établissements de santé qu'au profit des professionnels exerçant hors des structures hospitalières (protocole santé-sécurité-justice du 10 juin 2010). Un protocole national relatif à la sécurité des professionnels de santé a également été signé le 20 avril 2011 entre, d'une part, les ministres chargés de la santé, de l'intérieur et de la justice, et, d'autre part, les représentants des professionnels de santé (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, etc.). Toujours en application, ce protocole a permis de franchir une nouvelle étape dans ce partenariat. Il prévoit la mise en oeuvre de mesures destinées à améliorer la prévention et la gestion des violences et incivilités et à permettre une poursuite plus systématique des auteurs de violences. Ce protocole fait l'objet d'une déclinaison départementale adaptée aux territoires et aux différentes professions et d'un suivi par la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (DEPSA) du ministère. En complément, le ministère de l'intérieur a également élaboré et mis à disposition des ordres un guide pratique pour la sécurité des professionnels de santé. Dans le cadre de ces protocoles, l'accent est porté sur la prévention situationnelle, avec la possibilité de recourir aux conseils dispensés par les référents ou correspondants sûreté de la police nationale. A l'instar de ceux de la préfecture de police, ceux des services déconcentrés de la direction générale de la police nationale (DGPN) délivrent des conseils visant à prévenir et réduire les vulnérabilités des établissements. Ces conseils en sûreté doivent permettre aux pharmaciens d'envisager les adaptations organisationnelles et matérielles nécessaires à la préservation ou au rétablissement de la sécurité et de la tranquillité. Le réseau local des plus de 250 référents sûreté (compétence départementale) et des plus de 650 correspondants sûreté (positionnnés dans les circonscriptions de police nationale) en poste dans les directions départementales, interdépartementales et territoriales de la police nationale (DDPN, DIPN et DTPN) peut ainsi être sollicité par les pharmaciens qui souhaitent renforcer la sécurité de leur officine. De plus, les référents sûreté de la police nationale, comme le les référents sûreté de la gendarmerie nationale, assistent également les communes qui souhaitent installer ou développer un dispositif de vidéoprotection, en réalisant un diagnostic de vidéoprotection. Ceux-ci permettent d'élaborer un schéma d'implantation des caméras de voie publique destiné à prévenir et mieux lutter contre la délinquance, en prenant en compte, notamment, l'existence de commerces dits exposés, par exemple les officines de pharmacie. Le ministre de l'intérieur a fait du renforcement de la sécurité du quotidien une priorité, notamment par une présence accrue des patrouilles sur la voie publique et la mise en oeuvre de véritables plans départementaux de restauration de la sécurité du quotidien. Cette nouvelle politique de lutte contre la délinquance bénéficiera nécessairement aux commerces de proximité que sont aussi les officines. Des mesures seront également prises pour une véritable montée en puissance des polices municipales, afin de renforcer la sécurisation de l'espace public et la lutte contre la délinquance.
- page 137
Page mise à jour le