Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 03/10/2024

M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre de la santé et de l'accès aux soins sur l'évolution de la démographie médicale.

Son ministère a réalisé de nouvelles projections en matière de démographie médicale. Celles-ci montrent que, dans les prochaines années, la densité médicale pour les généralistes diminuera jusqu'en 2026, pour repartir ensuite à la hausse, grâce en particulier au desserrement du numerus clausus, et qu'il faudra attendre 2032 pour qu'elle réatteigne son niveau de 2021, déjà insatisfaisant.

L'accès aux soins de nombre de nos compatriotes risque ainsi, en l'absence de mesures fortes, de se dégrader encore dans les prochaines années ce qui est particulièrement inquiétant alors qu'on observe déjà d'importantes difficultés en la matière.

Au-delà de la persistance du déficit global de médecins en France, l'étude montre par ailleurs que les décisions prises, et notamment le desserrement du numerus clausus, ne régleront en rien les problématiques de disparité de répartition des médecins sur le territoire français. Celles-ci resteront fortes selon cette projection.

Ces difficultés pourraient encore s'accroître dans les départements déjà en difficultés. Il en est ainsi de l'ancienne Haute-Normandie dont l'Eure, département le moins dense en matière médicale de France métropolitaine depuis de nombreuses années.

Ces projections confirment les nombreuses alertes de l'auteur de la question qui souligne depuis plus de 10 ans les limites des mesures incitatives, inefficaces et coûteuses, et appelle à des mesures de régulation de l'installation des médecins, comme le Président de la République s'y était engagé durant la campagne présidentielle de 2022 et qui ont fait preuve de leur efficacité en France pour certains professionnels de santé et à l'étranger pour les médecins.

Il relève que les objectifs en matière de développement de l'exercice coordonnée, à travers notamment l'implantation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), pierre angulaire de la politique en matière d'accès aux soins du Gouvernement, n'ont pas été atteints (756 CPTS contre 1000 annoncées pour 2022). Dans l'Eure, seulement 3 CPTS sont en fonctionnement couvrant les territoires les moins défavorisés en matière de démographie médicale. Les trois quarts de la population, les moins bien lotis, ne sont ainsi pas couverts.

Aussi, il souhaiterait savoir si, face à ces projections qui démontrent une nouvelle fois que le problème de la répartition des médecins n'est pas réglée, elle compte prendre enfin les mesures fortes pour résorber les inégalités territoriales en matière d'accès aux soins comme le Président de la République s'y était engagé.

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Transmise au Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins publiée le 12/02/2025

Réponse apportée en séance publique le 11/02/2025

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 050, adressée à M. le ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, il y a tout juste douze ans, au mois de février 2013, Jean-Luc Fichet et moi-même présentions un rapport d'information intitulé Déserts médicaux : agir vraiment. Douze ans plus tard, aucun gouvernement n'ayant agi vraiment, ni même vraiment agi, et ce malgré nos interpellations régulières, la situation n'a fait qu'empirer.

L'étude réalisée par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), un service de votre ministère, montre que le desserrement du numerus clausus ne réglera en rien les problématiques de disparité de répartition des médecins sur le territoire. Cette même étude confirme que la situation ne sera réglée ni en 2030, ni en 2040, ni en 2050.

On ne peut donc qu'espérer que des mesures fortes soient enfin prises, un jour, par un gouvernement courageux et que soit mise en place une régulation à l'installation des médecins pour apporter des solutions concrètes à cette problématique. Rappelons que de telles mesures ont produit leur efficacité dans d'autres pays où elles ont été expérimentées, et même en France pour des professions de santé autres que les médecins.

Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, si le Gouvernement envisage enfin de changer de braquet et d'agir vraiment en prenant les mesures qui s'imposent pour résorber les inégalités territoriales en matière d'accès aux soins.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Maurey, je vous remercie de cette question qui montre que nous faisons tous le même constat, quelle que soit notre couleur politique : il n'y a pas eu d'anticipation en matière de démographie médicale.

Encore une fois, comme j'ai déjà souvent eu l'occasion de vous le dire, nous formons globalement le même nombre de médecins qu'en 1970, alors que notre pays compte 15 millions d'habitants de plus, que la population a vieilli et que, surtout - c'est un facteur qui n'a jamais été pris en compte -, le rapport au travail a complètement changé pour les médecins : ainsi, lorsque l'un d'entre eux part à la retraite, il faut l'équivalent de 2,3 postes de médecin pour le remplacer.

Un rapport de la Cour des comptes confirme ce que vous venez de dire, en indiquant que les résultats de la transformation du numerus clausus en numerus apertus sont en deçà des objectifs prévus.

La proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation que j'ai présentée, lorsque j'étais député, offre des pistes de solution. Elle a été adoptée à l'Assemblée nationale au mois de décembre 2023 et son examen sera - je l'espère - inscrit à l'ordre du jour des travaux du Sénat durant le premier semestre 2025. Elle vise à supprimer le numerus apertus et à former de nouveaux médecins en fonction des besoins du territoire, en tenant compte du capacitaire. Elle prévoit aussi que tous les étudiants français qui sont partis étudier à l'étranger, en Roumanie, en Belgique ou en Espagne pourront revenir faire leur deuxième cycle en France.

Nous souhaitons également la juste installation, dans de bonnes conditions, de la quatrième année de médecine générale dans nos territoires. Quelque 3 600 docteurs juniors sont concernés par cette mesure qui interviendra le 2 novembre 2026. Nous travaillons d'arrache-pied pour trouver des lieux de stage et pour préparer les décrets nécessaires pour cette installation.

Enfin, nous voulons améliorer l'évaluation des Padhue qui interviennent dans notre système hospitalier en prévoyant que celle-ci se fera sur site.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.

M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, je me réjouis que vous fassiez le même constat que moi. Il est vrai que vous étiez élu d'un département rural qui, comme le département de l'Eure, connaît des problèmes d'accès aux soins.

Malheureusement vous n'avez pas répondu au souhait que j'ai exprimé, à savoir que le Gouvernement puisse s'engager dans la mise en place de politiques plus audacieuses que celles qui ont eu cours jusqu'à présent. J'avoue que je n'avais guère d'espoir, puisque, malheureusement, depuis que je suis sénateur, quelles que soient les majorités, ou la non-majorité comme c'est le cas aujourd'hui, j'ai l'impression de prêcher dans le désert et, en l'espèce, dans le désert médical, sans mauvais jeu de mots.

J'ajoute, monsieur le ministre, que j'ai demandé à tous vos prédécesseurs de nous fournir un bilan des politiques incitatives mises en place pour faciliter l'accès aux soins. Je ne l'ai jamais obtenu. Pourriez-vous nous le transmettre ?

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