Question de Mme VENTALON Anne (Ardèche - Les Républicains-A) publiée le 03/10/2024

Mme Anne Ventalon attire l'attention de Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt sur les risques d'accidents liés à l'utilisation du chargeur frontal d'un tracteur sans cabine.

Selon les données publiées en avril 2024 par le ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire, l'agriculture est particulièrement sujette aux accidents de travail. 110 décès et plus de 45 000 (47 000 en 2021) accidents du travail sont recensés chaque année.

Dès lors, afin de prévenir ces accidents et particulièrement les chutes d'objets, certains tracteurs et engins sont équipés d'une structure de protection, appelée « Falling Objects Protection Structure- FOPS », et ce conformément à la norme ISO 3449 : 2005 ainsi qu'aux dispositions de la directive européenne 2006/42/CE.

Cette structure de protection est obligatoire pour les tracteurs forestiers neufs et pour les tracteurs agricoles équipés d'un chargeur frontal. Cependant, en 2024 les concessionnaires commercialisent des tracteurs neufs ou d'occasions sans cabine mais équipés d'un chargeur frontal, et ce en violation des dispositions du titre II du livre III du code du travail. Ce faisant, ils exposent leurs utilisateurs à des risques de blessures graves.

En effet, aucun constructeur n'a homologué les protections obligatoires mettant ces tracteurs en conformité avec les exigences du code du travail.

Du fait de l'indisponibilité des équipements de protection, la prise des mesures de protection nécessaires est laissée à la discrétion des agriculteurs, par le biais de manuels d'utilisation complexes voire contradictoires.

Elle demande donc au Gouvernement quelles mesures il envisage de prendre pour afin de prévenir ce type d'accidents et de protéger les agriculteurs

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire


Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 06/03/2025

La conception des tracteurs agricoles ou forestiers est fixée par le règlement (UE) n° 167/2013 du 5 février 2013 relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules agricoles et forestiers. L'article 18 de ce règlement prévoit que les véhicules, systèmes, composants et entités techniques soient conformes aux exigences applicables aux éléments listés dans cet article, en particulier au point b) les structures de protection contre la chute d'objets (SPCO ou FOPS - Falling objects protection structures en anglais). Les exigences applicables aux SPCO sont prévues à l'annexe XI du règlement délégué (UE) n° 1322/2014 du 19 septembre 2014 complétant et modifiant le règlement (UE) du 5 février 2013 précité. Celles-ci prévoient que les tracteurs équipés pour des applications forestières doivent être dotés d'une SPCO. Afin de concevoir et vérifier la résistance de cette structure, la SPCO doit être testée selon les prescriptions décrites dans la norme ISO 8083 : 2006 (Matériel forestier -Structures de protection contre les chutes d'objets - Essais de laboratoire et exigences de performance). Pour les autres tracteurs, le règlement délégué (UE) du 19 septembre 2014 précité n'impose pas une SPCO, considérée comme optionnelle. Cependant, si le constructeur décide d'en installer une, il doit appliquer les prescriptions détaillées au point C de l'annexe XI précitée. Le règlement (UE) du 5 février 2013 et son règlement délégué précités n'imposent donc à aucun moment la mise en place d'une SPCO en lien avec l'utilisation d'un chargeur frontal. De plus, la norme harmonisée EN ISO 3449 : 2008 (Engins de terrassement - Structures de protection contre les chutes d'objets - Essais de laboratoire et critères de performance), reprise de la norme ISO 3449 : 2005, ne s'applique pas aux tracteurs agricoles ou forestiers, mais aux engins de terrassement à conducteur porté. La conception des chargeurs frontaux est fixée par la directive 2006/42/CE du 17 mai 2006 relative aux machines, appliquée depuis le 29 décembre 2009. En effet, le chargeur frontal est un équipement interchangeable au sens de la définition inscrite au point 2-b) de l'article 2 de la directive précitée. Dans de rares cas, il peut s'agir une machine montée à demeure sur le tracteur soumise également à la même directive. Afin de concevoir leurs machines, les fabricants peuvent s'appuyer sur les normes harmonisées qui donnent présomption de conformité aux exigences essentielles de santé et de sécurité (EESS) prévues à l'annexe 1 de la directive précitée. La norme EN 12525 : 2000 + A2 : 2010 (Matériel agricole - Chargeurs frontaux - Sécurité) étant harmonisée, celle-ci permet aux fabricants de chargeurs frontaux de concevoir leurs machines en suivant les spécifications de la norme. Le risque de chute d'objets sur le conducteur est prévu dans la norme, mais en imposant d'utiliser des outils appropriés équipés de protection supplémentaire permettant de maintenir la charge et d'éviter sa chute. Toutefois, au cours des dernières années, plusieurs accidents de travail graves ou mortels consécutifs à la chute de balles de foin ont conduit l'Allemagne à présenter le 6 juin 2022, à la Commission européenne, une objection formelle remettant en question la norme harmonisée EN 12525 : 2000 + A2 : 2010, en considérant que celle-ci ne satisfaisait pas aux exigences essentielles de santé et de sécurité (EESS) énoncées aux points 1.1.2 et 1.7.4.2 (l) de l'annexe 1 de la directive 2006/42/CE. La situation en France n'est pas équivalente puisque sont observés cinq accidents du travail graves et un mortel sur la période comprise entre 2019 et 2024 (presque 6 ans). La France a néanmoins soutenu l'Allemagne en précisant que les prescriptions techniques détaillées devaient être discutées en normalisation. Après consultation des États membres (experts machines) et du comité européen de normalisation (CEN), la Commission a conclu que la norme ne satisfaisait pas aux EESS énoncées aux points 1.1.2 et 1.7.4.2 (l) précités, dans sa décision du 26 avril 2024. Depuis, la norme reste harmonisée à la directive 2006/42/CE mais avec la restriction suivante : « La présente norme harmonisée ne confère pas de présomption de conformité aux exigences essentielles de santé et de sécurité énoncées au point 1.1.2 de l'annexe I de la directive 2006/42/CE, qui exige des mesures techniques, et non des mesures organisationnelles, telles que des structures de protection atténuant spécifiquement les chutes, au lieu de traiter d'autres scénarios d'accident, y compris les événements de renversement de véhicule, et au point 1.7.4,2 l) de l'annexe I de la directive 2006/42/CE, qui exige des informations sur les risques résiduels qui subsistent malgré les mesures de conception sûres, de sauvegarde et de protection complémentaires adoptées. » Dans l'attente d'une révision de la norme, les fabricants de chargeurs frontaux doivent revoir leur évaluation des risques pour chaque modèle au regard du risque de chute d'objets sur le conducteur du tracteur. Sans attendre les conclusions de la Commission, les travaux de révision de la norme, qui avait été essentiellement rédigée par des fabricants, ont été lancés fin 2022 et devraient aboutir en 2025. Le ministère chargé de l'agriculture contribue au processus de révision en participant aux réunions de travail organisées par l'association française de normalisation (AFNOR). Par ailleurs, les dispositions du titre II du livre III de la 4ème partie du code du travail sont relatives à l'utilisation des équipements de travail et des moyens de protection et concernent plus directement les exploitants agricoles, en leur qualité d'utilisateurs, alors que les obligations des concessionnaires en tant qu'opérateurs économiques, sont prévues au titre I de ce même livre III de la 4ème partie du code du travail. Enfin, il convient de rappeler que l'article R. 4321-1 du code du travail prévoit que l'employeur met à la disposition des travailleurs les équipements de travail nécessaires, appropriés au travail à réaliser ou convenablement adaptés à cet effet, en vue de préserver leur santé et leur sécurité. Par conséquent, l'employeur est responsable du choix des équipements de travail en fonction des risques liés à son activité. Il doit prendre connaissance des instructions contenues dans les manuels d'utilisation et informer ses salariés des risques liés à leur utilisation.

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