Question de Mme PLUCHET Kristina (Eure - Les Républicains) publiée le 24/10/2024

Question posée en séance publique le 23/10/2024

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)

Mme Kristina Pluchet. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Madame la ministre, j'ai été alertée sur les perspectives bien sombres du marché européen du sucre pour les agriculteurs français. La betterave, aujourd'hui cotée à 50 euros la tonne, est annoncée à 25 euros pour la prochaine campagne. Certains planteurs sont même invités à réduire leur surface cultivée d'environ 15 %.

En cause, la suppression des droits de douane sur le sucre ukrainien. Par solidarité avec ce pays, nous avons absorbé 500 000 tonnes de sucre qui ont complètement déséquilibré le marché, et le contingentement mis en place en juin dernier n'a été qu'une rustine sur une jambe de bois.

Aujourd'hui, cerise amère sur le gâteau, les négociations entre l'Union européenne et le Mercosur ont repris à Brasilia et le bruit court qu'un fonds de compensation serait à l'étude pour endormir les dernières résistances.

Madame la ministre, c'est la mise à mort de notre agriculture ! L'Union européenne, qui malmène tous les jours nos agriculteurs avec son caporalisme normatif et environnemental, ose livrer en pâture son agriculture aux agriholdings internationales. Franchement, de qui se moque-t-on ?

Le double jeu de l'Union européenne a assez duré : elle organise méthodiquement la destruction de nos filières d'excellence au nom d'un libre-échange affairiste qui n'illusionne plus qu'elle-même.

Je me tiens donc devant vous, madame la ministre, pour défendre l'agriculture française à taille humaine, familiale, labellisée, conservatrice de nos paysages, face à des géants agro-industriels qui menacent notre modèle agricole, auquel je vous sais très attachée.

Dès lors, madame la ministre, comment comptez-vous mener la bataille de la défense de l'agriculture française dans nos instances européennes, pour sauvegarder nos filières d'excellence ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt publiée le 24/10/2024

Réponse apportée en séance publique le 23/10/2024

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt. Madame la sénatrice Kristina Pluchet, j'entends votre émotion, je la partage et je voudrais reprendre les deux points que vous avez évoqués dans votre question.

Pour ce qui est du projet d'accord avec le Mercosur, j'ai eu l'occasion de le rappeler à Luxembourg, hier et avant-hier, lors de la réunion du conseil des ministres européens de l'agriculture : en l'état, il est inacceptable, et ce pour deux raisons.

La première, et sans doute la plus importante, est que je suis la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, donc de la compétitivité des entreprises agricoles. Or celle-ci ne résistera pas à des importations telles que celles que prévoit cet accord ; et ce qui est vrai pour le sucre, dont vous avez parlé, est vrai aussi pour le boeuf, pour la volaille ou pour l'éthanol.

La deuxième raison pour laquelle ce projet d'accord - rappelons qu'il n'est pas signé ! - est inacceptable est la suivante : les denrées importées aux termes de l'accord n'auraient pas à respecter nos propres conditions de production, sur le plan environnemental notamment.

Pour cette double raison, mais surtout pour la première, cet accord est inacceptable. Le Premier ministre et le Président de la République l'ont dit clairement ; il leur appartiendra de défendre les intérêts de la France - ils le font déjà.

Je suis très préoccupée, comme vous, par l'hypothèse selon laquelle cet accord pourrait être signé à l'occasion du sommet du G20 au Brésil, au mépris du recueil de l'opinion du Parlement. Il est primordial, en effet, que celui-ci puisse s'exprimer sur un tel accord commercial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.) Je l'ai dit hier très clairement à Luxembourg : passer outre serait un déni de démocratie.

Pour ce qui est de l'Ukraine, c'est compliqué... La France veut soutenir ce pays dans le conflit qui l'oppose à la Russie, car son combat est légitime. La décision a été prise de soutenir financièrement l'Ukraine via un accord avec l'Union européenne qui se fait, effectivement, au détriment de nos propres filières.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Annie Genevard, ministre. Le mécanisme de « frein d'urgence » est précisément destiné à rétablir un équilibre qui nous fait aujourd'hui défaut, et sans lequel il n'est pas possible de continuer sur ces bases. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour la réplique.

Mme Kristina Pluchet. Madame la ministre, je salue votre détermination et vous en remercie.

Cependant, je me permets d'insister : on ne saurait continuer à imposer aux agriculteurs français toujours plus de normes, toujours plus de contraintes, toujours plus de contrôles - je sais de quoi je parle ! -, tout en signant toujours plus d'accords de libre-échange avec des pays qui ne respectent aucune de nos normes.

Oui, vraiment, nous marchons sur la tête ; il faut que ça change ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur des travées du groupe INDEP.)

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