Question de M. MÉRILLOU Serge (Dordogne - SER) publiée le 03/10/2024
M. Serge Mérillou attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le sujet de la conduite d'un véhicule après usage ou consommation de cannabidiol (CBD) et ses implications sur les contrôles routiers.
En France, d'après un rapport de Santé publique France publié en octobre 2023, 10 % des Français ont consommé au moins une fois dans l'année du CBD sous différentes formes (alimentaire, cosmétique, e-liquide, etc.). Au premier trimestre 2023, on comptait près de 2 000 boutiques spécialisées et 8 000 bureaux de tabac qui proposent le CBD en vente libre : un nombre prévu à la hausse pour un marché en pleine expansion. Toutefois, une étude rendue par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) en 2023 révèle que 8 produits sur 10 à base de CBD et en vente libre en France ont une composition différente de celle indiquée sur l'étiquetage. De plus, aujourd'hui, aucun avertissement préalable n'est donné au consommateur sur les risques d'infraction routière encourus. Ces manques d'information et de communication peuvent mettre en danger les consommateurs.
L'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants, et des analyses et examens prévus par le code de la route, établit qu'une infraction est constituée si le prévenu conduisait après avoir fait usage d'une substance classée comme stupéfiant. Aussi, un arrêt de la Cour de cassation du 21 juin 2023 a confirmé que conduire après avoir fait usage de CBD est interdit puisqu'il entraîne la présence de traces de tétrahydrocannabinol (THC), produit considéré comme stupéfiant (arrêté du 22 février 1990).
Cet arrêt de 2023 met en lumière une incohérence juridique. Un conducteur peut faire l'objet d'un prélèvement positif au THC et de fait d'une condamnation en ayant consommé des produits CBD dont la commercialisation est autorisée (d'après l'arrêté du 30 décembre 2021, pris en application des articles L. 5132-86 et R.5132-86 II du code de la santé publique (CSP).
Au niveau international, pour être considérée comme infraction, la réglementation de la valeur limite de THC varie. À ce sujet, l'Europe est divisée entre les pays qui accordent une tolérance zéro aux traces de THC lors de contrôles routiers, comme la France et les pays qui fonctionnent par seuils. S'agissant d'un prélèvement sanguin, les valeurs entre 0,5 et 1,5 ng/mL correspondent à un seuil de détection analytique. En France, ce seuil de détection est fixé à 1 ng/mL. La loi fait état d'un seuil de détection et non d'un seuil d'incrimination. Dans certains pays pourtant, un seuil d'incrimination est fixé lorsque la valeur se situe entre 2 et 3 ng/mL, seuil à partir duquel les troubles de l'aptitude à conduire apparaissent.
Aussi, il lui demande quelles évolutions juridiques peuvent être envisagées pour informer les consommateurs des risques encourus en cas de conduite et pour répondre au flou juridique sur les seuils de détection qui caractérisent l'infraction, flou qui entretient l'incompréhension des citoyens.
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Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 16/01/2025
Selon l'observatoire national interministériel de la sécurité routière, 402 personnes ont été tuées en 2023 dans un accident avec présence de stupéfiants, représentant 18 % de la mortalité routière. La lutte contre la conduite après usage de stupéfiants constitue l'une des priorités du Gouvernement en matière de sécurité routière. Elle s'est traduite par la prise de décisions fortes dans le cadre du comité interministériel de la sécurité routière, tenu le 17 juillet 2023. Il a notamment été décidé de systématiser la suspension administrative du permis de conduire à la suite de la constatation de l'infraction de conduite après usage de stupéfiants et d'aggraver la perte de points en cas de condamnation pour conduite après usage de stupéfiants aggravée par un état alcoolique, ces dispositions ayant été introduites dans la proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière, proposition adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, modifiée par le Sénat, et en attente d'un examen en seconde lecture par l'Assemblée nationale. Il convient de préciser que l'article L. 235-1 du code de la route incrimine le fait de conduire alors qu'il résulte d'une analyse sanguine ou salivaire que le conducteur a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. L'autorisation de commercialisation de produits dérivés du cannabis, contenant des molécules de tétrahydrocannabinol, substance elle-même classée comme stupéfiant, est alors sans incidence sur l'incrimination de conduite après usage de stupéfiants, qui est constituée s'il est établi que l'intéressé a conduit un véhicule après avoir fait usage d'une substance classée comme telle, quelle que soit la source de cette substance ou la quantité absorbée, comme le confirme la Cour de cassation dans son arrêt du 21 juin 2023. La situation juridique est donc sans ambiguïté. Les conducteurs ne doivent pas prendre le volant après consommation de cannabidiole (CBD). Le Gouvernement n'envisage pas de faire évoluer l'état du droit en la matière.
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