Question de M. LEVI Pierre-Antoine (Tarn-et-Garonne - UC) publiée le 24/10/2024
Question posée en séance publique le 23/10/2024
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. Pierre-Antoine Levi. Monsieur le ministre de l'intérieur, le récent assassinat d'un chauffeur de VTC à Marseille, commandité depuis la prison d'Aix-Luynes, nous rappelle tragiquement l'importance cruciale de la surveillance dans les lieux de détention.
Aussi, je souhaite appeler votre attention sur les conséquences opérationnelles de la limitation de la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue, entrée en vigueur le 1er octobre 2024.
Cette mesure, découlant de nouvelles normes européennes et concrétisée par un arrêté du 26 septembre 2024 et une instruction de la direction générale de la police nationale (DGPN) en date du 27 septembre 2024, impose aux forces de l'ordre d'effectuer des rondes fréquentes pour surveiller les personnes gardées à vue, la vidéosurveillance devenant l'exception.
Que dire de l'obligation, lorsque la personne gardée à vue est mineure, de requérir un avis médical de non-contre-indication à la vidéosurveillance ?
On se demande comment on a pu en arriver à une telle réglementation, qui soulève de sérieuses inquiétudes quant à son impact sur l'organisation et l'efficacité des services de police.
Dans l'ensemble des commissariats de France, cette nouvelle obligation mobilise des effectifs considérables, au détriment de la présence sur le terrain. Elle constitue aussi un recul pour les conditions de travail des policiers et représente un risque pour leur sécurité.
À titre d'exemple, dans mon département, au commissariat de Montauban, cette mesure nécessite au minimum, pour assurer la surveillance des cellules, la mobilisation de deux fonctionnaires supplémentaires, qui se trouvent ainsi retirés de la voie publique.
Cette réorganisation contrainte se traduit concrètement par la suppression d'un équipage de police secours, ce qui réduit significativement la capacité d'intervention et la présence policière dans l'espace public.
Monsieur le ministre, envisagez-vous une réévaluation du dispositif pour mieux concilier la protection des droits des personnes gardées à vue et les impératifs opérationnels des forces de l'ordre ?
En cas de maintien de ce dispositif, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour garantir une présence suffisante des policiers sur le terrain et faire en sorte que ceux-ci puissent ainsi assurer la sécurité de nos concitoyens, ce qui est leur mission principale ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 24/10/2024
Réponse apportée en séance publique le 23/10/2024
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, cher Pierre-Antoine Levi, je partage totalement votre analyse. Je serai très clair et direct : le Sénat et l'Assemblée nationale ont voté la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Cette loi prévoyait textuellement, concrètement, précisément, la possibilité d'utiliser des caméras de surveillance, notamment dans les cellules de garde à vue. C'était une bonne mesure, à laquelle la plupart des parlementaires, sénateurs comme députés, avaient souscrit.
Or le Conseil d'État a encadré de façon draconienne l'utilisation de la vidéosurveillance,...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La Cnil !
M. Bruno Retailleau, ministre. ... ce qui revient à lui opposer des obstacles quasi insurmontables.
Revenons sur les deux mesures que vous avez évoquées, monsieur le sénateur. On ne peut utiliser des caméras de surveillance qu'à la double condition qu'il soit procédé à un enregistrement, d'une part, et que, d'autre part, le recours à cette pratique soit dûment motivé par un risque d'évasion ou de suicide ou par des menaces contre autrui.
Quelle est la conséquence de telles mesures ? Tout d'abord, leur mise en oeuvre suppose d'équiper l'ensemble de nos caméras d'enregistreurs dont elles sont pour l'instant dépourvues, soit quelques dizaines de millions d'euros d'investissements.
Ensuite - vous l'avez très bien expliqué à propos du commissariat de Montauban -, ces mesures impliquent de soustraire de la voie publique 16 % des forces de l'ordre pour qu'elles effectuent des rondes dans les cellules de garde à vue. Voilà comment le problème se pose !
Si nos policiers sont découragés, c'est qu'ils se trouvent pris en étau : ils subissent un effet de ciseau entre l'augmentation de la violence et de la délinquance, d'un côté, et la complexification des procédures, de l'autre.
Je ne renoncerai pas à l'objectif de simplification, mais ma tâche, en ce domaine, s'apparente à celle de Sisyphe. Nos policiers doivent pouvoir lutter contre la délinquance sans crouler sous la paperasserie. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.
M. Pierre-Antoine Levi. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Les fonctionnaires de police sont très mal à l'aise et surtout très tristes devant cette mesure. Ils attendent de leur ministre et du Parlement l'aménagement et la simplification de cette procédure qui est totalement inadaptée à leur travail. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
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