Question de M. ANGLARS Jean-Claude (Aveyron - Les Républicains) publiée le 03/10/2024

M. Jean-Claude Anglars attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les modalités d'assujettissement aux cotisations sociales de certains entrepreneurs indépendants et sur l'interprétation qui doit être fait de l'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 19 octobre 2023 (Cass. civ. 2, 19 octobre 2023, n° 21-20.366, F-B).

Dans cet arrêt, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a estimé que les dividendes versés par une société d'exercice libéral (SEL) à une société de participation financière des professions libérales (SPFPL) sont soumis aux cotisations sociales des travailleurs indépendants au niveau de l'associé personne physique de la SPFPL et exerçant dans la SEL qui n'a pourtant pas perçu ces dividendes.

Cette décision a suscité l'inquiétude de tous les professionnels concernés. En effet, elle est susceptible de mettre en cause le principe selon lequel les revenus générés par la société d'exercice libéral, où exerce le travailleur indépendant, doivent être inclus dans le calcul des cotisations sociales qu'il doit verser, même lorsque ces profits sont répartis à la société de participations financières de profession libérale (SPFPL) qui détient le capital de la société d'exercice libéral.

Les professions libérales redoutent les potentielles conséquences de cette décision qui pourrait impliquer que les dividendes versés par une société d'exercice libéral à une SPFPL devraient être soumis aux cotisations sociales des travailleurs indépendants.
Elles appréhendent également l'incertitude juridique qui résulte de cette jurisprudence, par exemple la formulation du cinquième point de la décision suggérant que la base de calcul des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants serait le moment de la génération des bénéfices de l'entreprise et non celui de leur distribution.
Cet arrêt contrevient donc aux dispositions définies par l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale.

Il est donc primordial que l'administration précise la portée de cet arrêt rapidement. Il apparaît que les juristes et la doctrine estiment unanimement que cette décision d'espèce ne saurait faire jurisprudence. Cela fait maintenant presque une année que le sujet attend une clarification des services de l'Etat.

Il lui demande donc quelle interprétation doit être faite de cet arrêt et s'il est envisagé qu'elle soit insérée dans le bulletin officiel de la sécurité sociale.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi publiée le 27/02/2025

L'arrêt de la Cour de cassation du 19 octobre 2023 par lequel la Cour a confirmé l'assujettissement à cotisations des dividendes versés par une Société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) à une Société de participation financière des professions libérales (SPFPL), détentrice de la majorité des parts de la SELARL, a provoqué de nombreuses réactions de représentants des professions libérales souhaitant savoir si cette décision était de nature à remettre en cause la définition de l'assiette sociale de ces professions telle qu'elle résulte du droit actuel que la réforme de cette assiette issue de la LFSS pour 2024 n'a pas entendu modifier sur ce point. Depuis 2009, en effet, l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale prévoit la réintégration dans l'assiette de cotisations des travailleurs non-salariés des dividendes distribués par leur société et perçus au-delà d'un certain seuil par ces derniers. Ce principe de réintégration est justifié à raison de ce qu'au-delà d'un certain niveau, les dividendes versés par sa société au profit d'un travailleur non-salarié ne peuvent plus être considérés comme des bénéfices produits par la société et redistribués à son profit mais sont en réalité une restitution par ce biais d'une partie des revenus d'activité de ce travailleur indépendant. Au regard de cette législation, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 19 octobre 2023 précité, confirmé la décision des juges du fond portant réintégration dans l'assiette sociale de cotisations dans un cas d'espèce précis : celui d'un gérant d'une SELARL de dividendes versés par cette société à une SPFPL, détentrice de parts de ladite société. Pour motiver sa décision, la Cour de cassation relève, comme l'avait fait précédemment la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, qu'en l'espèce le gérant de la SELARL était le seul associé professionnel en exercice au sein de cette société dont il détenait directement 1 % des parts, 99 % des parts étant détenus par la SPFPL bénéficiaire du versement des dividendes litigieux, cette dernière étant elle-même détenue à parts égales par ledit gérant et son épouse, étant entendu que la législation sur la réintégration des dividendes versés dans certaines conditions aux professionnels libéraux inclut également ceux distribués à leur conjoint. Il semble que la Cour de cassation, comme la Cour d'appel auparavant, a souhaité prendre en compte spécifiquement cette situation dans laquelle le seul gestionnaire et seul professionnel en exercice au sein de la SELARL, assurant donc à lui seul toute l'activité libérale de cette société, redistribue une partie des bénéfices sous forme de dividendes versés à la société holding de la SELARL, dont il est également le seul détenteur avec son épouse. Ce faisant, la Cour a certainement entendu tirer les conséquences d'une situation précise dans laquelle l'interposition d'une société holding n'a pu avoir pour autre objet que de contourner la législation sur la réintégration de certains dividendes distribués à un travailleur indépendant au sein de l'assiette de cotisations et de contributions sociales de celui-ci. En tout état de cause, compte tenu des particularités de l'espèce et de la conclusion prise en conséquence par le juge, cet arrêt ne saurait être regardé comme un arrêt de principe remettant en cause la distinction entre personnes morales et personnes physiques. Dès lors, il n'est pas prévu de tirer des conclusions juridiques générales en conséquence de cet arrêt, et cette position a été rappelée par l'Etat aux organismes de recouvrement de cotisations et contributions sociales.

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