Question de Mme DUMONT Françoise (Var - Les Républicains) publiée le 03/10/2024
Mme Françoise Dumont attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur son arrêté du 5 avril 2024 pris en application de l'article L. 861-2 du code de la sécurité intérieure et fixant la liste des services pouvant faire usage d'une identité d'emprunt ou d'une fausse qualité.
Le Gouvernement a étendu la possibilité à certains agents de pouvoir faire usage d'une fausse identité ou d'une fausse qualité, à des fins d'opérations d'infiltration, physiques ou à distance (dérogeant donc ainsi aux articles 50 à 52 du code civil qui sanctionnent d'ordinaire de tels abus), dans le cadre de missions relatives à la défense et à la sécurité nationale.
Les agents ayant été autorisé à utiliser ces possibilités relèveront de : la direction nationale du renseignement territorial, les services zonaux du renseignement territorial des directions zonales de la police nationale, les services départementaux du renseignement territorial des directions départementales ou interdépartementales de la police nationale, ainsi que les services du renseignement territorial des directions territoriales de la police nationale, sous l'autorité du directeur général de la police nationale ; la sous-direction de l'anticipation opérationnelle, relevant de la direction des opérations et de l'emploi, sous l'autorité du directeur général de la gendarmerie nationale ; la direction du renseignement de la préfecture de police, sous l'autorité du préfet de police ; le service national du renseignement pénitentiaire relevant du garde des sceaux, ministre de la justice, sous l'autorité du directeur de l'administration pénitentiaire (tels que listés dans l'arrêté du 5 avril 2024).
Ces agents pourront exercer cette dérogation au droit commun pour des opérations de police « sous couverture », pour des dossiers relevant des nombreux domaines tels que : l'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale ; les intérêts majeurs de la politique étrangère, l'exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d'ingérence étrangère, les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France, la prévention du terrorisme, la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous, de violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique, la prévention de la criminalité et de la délinquance organisées, et la prévention de la prolifération des armes de destruction massive (tels que listés à l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure).
Aussi, elle lui demande de bien vouloir lui préciser les garde-fous que le Gouvernement entend mettre en place pour empêcher tout abus éventuel d'utilisation, par les services de l'État, du recours aux identités d'emprunt et fausses qualités dans le cadre de leurs missions et ainsi protéger les libertés individuelles fondamentales de nos concitoyens.
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Transmise au Ministère de l'intérieur
Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 13/03/2025
Introduit par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, l'article L. 861-2 du code de la sécurité intérieure dispose que, pour l'exercice d'une mission intéressant la défense et la sécurité nationale, les agents des services spécialisés de renseignement mentionnés à l'article L. 811-2 peuvent, sous l'autorité de l'agent chargé de superviser ou de coordonner la mission, faire usage d'une identité d'emprunt ou d'une fausse qualité. S'agissant des services dits du « second cercle », désignés à l'article L. 811-4, l'article L. 861-2 subordonne à la publication d'un arrêté du Premier ministre la possibilité pour leurs agents de pouvoir également en faire usage. L'arrêté du 5 avril 2024 prévoit que peuvent recourir à une identité d'emprunt ou à une fausse qualité, les agents de la direction du renseignement de la préfecture de police, de la direction nationale du renseignement territorial - et de ses services déconcentrés - de la direction générale de la police nationale, de la sous-direction de l'anticipation opérationnelle de la direction générale de la gendarmerie nationale et du service national du renseignement pénitentiaire relevant du ministère de la justice. Cet arrêté permet donc de renforcer la capacité d'action de services chargés de la protection de la population et de nos institutions. Il convient à cet égard de souligner que l'activité des services de renseignement répond à un impératif majeur dans un contexte d'augmentation des menaces (dans leur nombre comme dans leur intensité, notamment dans le domaine des extrémismes violents) et de professionnalisation des individus concernés, qui recourent de façon croissante aux méthodes de la clandestinité et organisent la sécurité de leurs propres opérations. L'encadrement juridique et politique de l'activité des services de renseignement est parmi les plus rigoureux qui soient en Europe, permettant de concilier un double objectif : donner aux services des moyens d'action à la hauteur des menaces qui pèsent sur notre société tout en garantissant la protection des libertés publiques en subordonnant le cadre de leur action à des contrôles. Un socle juridique clair, rigoureux et protecteur a ainsi été mis en place, tant dans les services spécialisés de renseignement que dans les nouveaux services bénéficiaires. Ces derniers bénéficient en outre des savoir-faire et des enseignements tirés par les services ayant recours à ces techniques depuis 2015. Sans dévoiler les pratiques des services, qui relèvent de leurs modes opératoires et de la protection du secret de la défense nationale, ce contrôle est tout d'abord celui de la loi, qui limite strictement tant le champ des missions que le recours aux mesures et techniques en matière de défense et de sécurité nationale. La mise en oeuvre de cette capacité est soumise à une doctrine d'emploi, respectueuse des lois mais aussi des règles éthiques et déontologiques, grâce à une association étroite entre les services bénéficiaires de cette capacité, et à la mobilisation des services juridiques spécialisées. Elle repose aussi sur le déploiement de formations spécifiques et la sélection des agents concernés. Pour les nouvelles entités concernées, comme la sous-direction de l'anticipation opérationnelle de la gendarmerie nationale, des travaux de préparation à la mise en oeuvre sont conduits en partenariat avec les services bénéficiant déjà de cette capacité, associant étroitement les services juridiques spécialisés. Le contrôle est également hiérarchique, par l'application de règlements et de protocoles spécifiques instaurant une chaîne de contrôle opérationnel interne, à laquelle s'ajoutent les organes d'inspection propres aux services et à leur administration d'appartenance, mais également l'inspection des services de renseignement. Par ailleurs, tous les agents des services sont soumis aux obligations d'une habilitation au secret de la défense nationale. Cet encadrement et ces contrôles sont complétés par le contrôle du Parlement, avec la délégation parlementaire au renseignement, et le contrôle juridictionnel. Dans ce domaine comme dans tout autre, l'action des services de l'État s'inscrit dans un cadre normatif et jurisprudentiel particulièrement développé et contraignant. Il convient à cet égard de rappeler que les libertés individuelles sont protégées en France comme dans peu de pays dans le monde. Alors que nos institutions publiques et la société sont confrontées à des menaces sans cesse évolutives et au retour de la radicalité, l'État ne saurait ni se désarmer ni rester impuissant, mais doit au contraire adapter chaque fois que nécessaire son arsenal pour exercer efficacement ses missions de sécurité.
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