Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 03/10/2024

M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine sur la fraude à la rénovation énergétique des logements.

Le 18 septembre 2024, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ont signalé que les contrôles de près de 800 opérateurs de secteur en charge des travaux de rénovation énergétique des logements ont montré que plus de 50 % d'entre eux présentaient des anomalies, à des degrés divers de gravité.

La DGCCRF précise que ses agents ont constaté la récurrence de certaines pratiques frauduleuses telles qu'une information précontractuelle lacunaire ou trompeuse, des démarchages téléphoniques illicites, des stratégies de démarchage commercial agressives ciblées sur des publics vulnérables et fondées sur des argumentaires mensongers, ou encore la souscription d'un crédit à l'insu du consommateur. Celle-ci précise que 25 % des établissements contrôlés ont fait l'objet de suites répressives, donnant lieu à près de 200 procès-verbaux pénaux et amendes administratives.

Il rappelle, par ailleurs, que Tracfin suspecte que des primes d'un montant cumulé de 400 millions euros, versées au titre du dispositif MaPrimeRénov en 2023, sont frauduleuses. Les fraudes sont donc un enjeu important tant en terme de dépense publique que d'environnement.

Le sénateur souhaite donc connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement afin de garantir la fiabilité des actes de rénovation énergétique des logements et la protection des propriétaires vis-à-vis d'opérateurs se livrant à de pratiques frauduleuses.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé du logement


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, chargé du logement publiée le 20/02/2025

Pour permettre aux ménages d'améliorer le confort de leur logement, réduire leur consommation d'énergie et lutter contre le changement climatique, le Gouvernement fait de la rénovation énergétique une priorité. Au total, les aides financières aux rénovations énergétiques ont représenté en 2024, pour le parc résidentiel, un montant prévisionnel d'aides CEE engagées d'environ 4 Mdeuros et, pour le parc résidentiel privé, un montant d'aides MaPrimeRénov'engagées de 3,3 Mdeuros. Sur ce dernier point, il convient de ne pas confondre le montant réel du préjudice subi par l'État avec la somme de 398 Meuros des déclarations de soupçon reçues par Tracfin de la part des banques. Après investigation, il est fréquent que soit ces signalements ne correspondent pas à des fraudes réelles, soit qu'ils les surestiment largement. Plus significatifs pour juger de la fraude détectée par Tracfin sont les montants en jeu dans ses transmissions à la justice, après investigations du service, dénonçant des escroqueries. Depuis 2022, 15 notes ont été transmises pour un montant total de préjudice s'élevant à 14,2 Meuros. Le Gouvernement lutte avec la plus grande détermination contre les diverses pratiques frauduleuses observées, notamment pour protéger les particuliers et les professionnels du secteur. Une cellule de veille interministérielle anti-fraude aux aides publiques rattachée à la mission interministérielle de lutte anti-fraude (MICAF) a été mise en place le 5 décembre 2023. Elle réunit, en vue d'une meilleure détection et sanction, les services de gendarmerie, de police, la DGCCRF, la DGFIP, Tracfin, la DG Travail, le parquet de la JUNALCO, le parquet européen et les services en charge de la conception et du déploiement de la politique de rénovation énergétique des logements (DGALN, DGEC, ANAH). Elle définit des stratégies d'action et d'enquête concertées. Un plan interministériel cohérent associant l'ensemble des acteurs concernés a également été présenté par le Gouvernement en novembre 2023. Le premier axe de ces mesures est d'améliorer la prévention et de limiter les risques d'escroquerie. Une communication adaptée a été mise en place par la DGCCRF et l'Anah (campagnes de communication, sites internet du service public de l'habitat France Rénov, espaces conseils France Rénov', Maisons France Service) pour rendre plus accessible l'information sur les bons réflexes que doit avoir un ménage pour se protéger des fraudeurs. Le ménage est également informé qu'il peut faire un signalement et doit, s'il est victime d'une escroquerie, porter plainte pour faire valoir ses droits. Ces signalements et dépôts de plaintes des ménages complètent les diverses informations dont les administrations disposent, à l'image des déclarations de soupçons reçues par Tracfin. Ces informations font l'objet d'une exploitation et d'un partage dans le cadre législatif en vigueur afin de déceler les tentatives de fraudes, qui sont par nature dissimulées et complexes. Ces signalements contribuent également à cibler les actions de contrôle et de détection, qui constituent le second axe de lutte contre la fraude. Pour faire face aux pratiques trompeuses, dont notamment le démarchage frauduleux, la DGCCRF pilote depuis 2014 - c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur du dispositif MaPrimeRénov'- une enquête nationale pluriannuelle visant l'ensemble des professionnels de la rénovation énergétique au stade précontractuel. L'enquête nationale réalisée en 2023 auprès de 797 établissements dans le secteur de la rénovation énergétique a ainsi fait ressortir, parmi ces établissements ciblés, un taux d'anomalie de 50% (contre 54 % en 2022). Ces anomalies ont donné lieu à un nombre important de suites : 139 avertissements (mesures pédagogiques rappelant les dispositions en vigueur), 203 injonctions administratives, 122 procès-verbaux pénaux et 77 procès-verbaux administratifs. En 2024, le renforcement des moyens consacrés à ces enquêtes, et notamment le doublement des effectifs CCRF dédiés, a permis la réalisation de plus de 1 300 visites. Des sanctions pénales significatives ont été prononcées à la suite d'enquêtes des services de la CCRF ; par exemple en 2024, 16 salariés d'une entreprise de la Haute-Vienne ont été condamnés à des peines de prison : le dirigeant a notamment été condamné à 5 années d'emprisonnement, donc 4 fermes. Les contrôles au titre des aides versées aux ménages sont aussi renforcés et diversifiés. Le système d'instruction des demandes de prime MaPrimeRénov'repose sur une instruction en deux étapes, avant et après les travaux, et 100% des dossiers sont contrôlés à chaque étape. Ce système est complété d'un contrôle de second niveau - soit de manière aléatoire, soit selon des critères de risques de fraude -qui a été renforcé. Il est parachevé par des contrôles sur place, avant paiement, ciblés sur les dossiers les plus à risque, pour environ 10% des dossiers, contre 7% en 2023. En outre, les données des usagers sont davantage protégées grâce à la sécurisation des comptes mise en place sur les plateformes d'aide avec France Connect +, déployée courant 2024, ainsi qu'à un meilleur contrôle des données fiscales et bancaires. Face à la recrudescence des fraudes, la loi de finance initiale pour 2024 a permis de mettre en place les fondements législatifs nécessaires à la mise en oeuvre de garanties financières plus fortes pour les mandataires. En outre, les dirigeants des entreprises mandataires condamnées pour des schémas frauduleux pourront être personnellement sanctionnés. De plus l'Anah a initié au printemps 2024 une campagne massive de vérification d'identité des bénéficiaires. Le Gouvernement est également conscient des tentatives de fraude qui existent sur le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE). Le taux de contrôle imposé aux producteurs d'énergie avant dépôt de leur dossier augmente progressivement (10% en 2023, 15% en 2025). Pour les dispositifs les plus à risque, le taux de contrôle demandé est de 100%. Ainsi, chaque année, les entreprises demandeuses de CEE réalisent environ 125 000 contrôles sur site par un organisme d'inspection accrédité. En complément, le nombre de contrôles mandatés par la direction générale de l'énergie et du climat est également en augmentation : de l'ordre de 8 000 contrôles sur site ont été réalisés en 2024 et plus de 200 000 vérifications par courrier ou mailing afin de mener des contrôles ciblés sur les travaux de rénovation globale et les thermostats connectés. Les exigences d'indépendance des organismes d'inspection du dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE) ont également été renforcées et les pouvoirs de supervision du comité français d'accréditation (Cofrac) et des services de l'État ont été étendus. De surcroît, le financement des rénovations globales de maisons individuelles par le dispositif CEE a été réformé au 1er janvier 2024 et celui des bâtiments collectifs depuis septembre 2024, pour mieux maîtriser les conséquences de fausses déclarations. Les textes CEE évoluent pour s'adapter en quasi temps réel aux fraudes détectées (renforcement des contrôles avant dépôt sur certains travaux, demande des pièces justificatives supplémentaires en réaction à des schémas de fraude…). Depuis janvier 2023, 34 décisions de sanction ont été prises à l'encontre de 25 entreprises différentes, sous forme de sanctions financières, d'un montant total de 12 Meuros et d'annulations de CEE, représentant de l'ordre de 21,1 Meuros. Enfin, afin de renforcer encore les leviers d'action des services de l'Etat, depuis la prévention jusqu'aux sanctions, le Gouvernement a pris connaissance avec intérêt de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, n° 447, déposée le mardi 15 octobre 2024 par M. le député Thomas Cazenave. Il s'attachera à soutenir les mesures qui y sont proposées et/ou à proposer de les amender dans l'objectif d'aller plus loin en matière de lutte contre la fraude à la rénovation énergétique.

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