Question de M. BRISSON Max (Pyrénées-Atlantiques - Les Républicains) publiée le 03/10/2024
M. Max Brisson appelle l'attention de Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation à propos des modalités d'application de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme.
La version en vigueur depuis le 1er janvier 2016 de cet article précise que : « Les zones naturelles et forestières sont dites « zones N ». Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : [...] 5°) de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. »
Or certains élus déclassent fortement une parcelle par simple constat de risque d'expansion des crues, sans quantification (hauteur d'eau, vitesse d'écoulement...). Dans certains cas, ce déclassement peut contredire de manière importante le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) existant de la commune, qui lui est basé sur un règlement technique ou scientifique, validé par le préfet. Il est compréhensible que le PPRI est une photographie à un instant donné et que de nouveaux événements tels que des crues plus récentes, peuvent le remettre en cause.
Cependant, si ces nouveaux événements ne sont pas estimés à partir des règles des aléas déterminant l'importance du risque, le PPRI n'a alors plus aucune utilité puisque la comparaison entre les différentes situations est impossible sans référence.
Par ailleurs, cela laisse toute liberté à l'autorité de déclasser, sans justification, un terrain plutôt qu'un autre.
Aussi, il l'interroge à propos de l'existence des modalités d'application obligeant à démontrer l'importance du risque entraînant un déclassement en zone naturelle.
En outre, il lui demande si, à défaut, le Gouvernement prévoit de les définir et de les mettre en oeuvre prochainement.
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Transmise au Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation
Réponse du Ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation publiée le 06/02/2025
Les collectivités publiques doivent dans le cadre de l'élaboration de leur document d'urbanisme, respecter les objectifs et principes généraux de l'urbanisme, parmi lesquels figurent l'obligation d'assurer la sécurité et la salubrité publiques ainsi que la prévention des risques naturels prévisibles (cf. articles L. 101-1 et L. 101-2 du code de l'urbanisme). La gestion de l'urbanisme relevant de la responsabilité de l'auteur du plan local d'urbanisme (PLU), ou du document en tenant lieu, il lui appartient donc, lorsque ce dernier a connaissance d'un risque, de protéger ces secteurs et de rendre inconstructibles les terrains concernés, ou d'y limiter la constructibilité sous réserve du respect de prescriptions fixées par le plan (emprise au sol, hauteur, desserte). C'est ainsi que l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme donne la possibilité à l'autorité compétente en matière de PLU de classer en zone naturelle les secteurs de la commune, qu'ils soient équipés ou non, en raison de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues. Par conséquent, si des risques naturels d'expansion des crues ont été identifiés dans des secteurs de la commune, que l'information ait été fournie par l'État dans le cadre du porter à connaissance (cf. article L. 132-2 du code de l'urbanisme) ou qu'il s'agisse d'évènements constatés localement, l'autorité compétente en matière de PLU peut être amenée à interdire ou à soumettre à conditions la constructibilité du périmètre concerné, voire de le classer en zone naturelle inconstructible. Un tel choix doit néanmoins être justifié et explicité dans le rapport de présentation au regard du diagnostic des prévisions et besoins répertoriés en matière d'environnement (cf. article L. 151-4 du code de l'urbanisme), en exposant l'importance des risques d'inondations et la vulnérabilité du territoire. La nécessité de classer un secteur en zone naturelle peut résulter des orientations et objectifs de protection établis par le document supra communal auquel le PLU doit être compatible, tel que le schéma de cohérence territorial (SCoT) ou en l'absence de SCoT le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) prévu à l'article L. 212-3 du code de l'environnement. Cette identification peut également résulter de l'application de servitudes édictées par un plan de prévention des risques naturels (PPRN) existant qui délimite des zones inondables préservées pour l'expansion des crues. Dans ce cas, le PPRN vaut servitude d'utilité publique (SUP) et est annexé au plan local d'urbanisme des communes concernées (cf. article L 151-43 du code de l'urbanisme). Le report de cette SUP en annexe du PLU ou sa publication sur le portail national de l'urbanisme a pour conséquence de rendre opposable ladite servitude aux demandes d'autorisations d'occupation du sol (cf. article L. 152-7 du code de l'urbanisme). Toutefois, une anticipation de la gestion d'un risque constaté en amont de l'élaboration de servitudes édictées par un PPRN, peut s'avérer nécessaire afin de protéger les biens et les personnes, et éviter la survenue d'un évènement dramatique ou des dégâts matériels importants. Cela permet en outre à la collectivité d'alerter en amont la population et de prévenir tout dépôt de demande de permis de construire dans des secteurs à risques, qui aboutirait à une décision de refus sur la base des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, si le projet « est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. » En revanche, lorsqu'un PPRN a été élaboré, les règles édictées par le PLU ne peuvent ignorer un risque avéré identifié par une servitude environnementale, à défaut d'être considérées comme illégales du fait de l'erreur manifeste. A l'inverse, si l'auteur du PLU décide d'intégrer dans le règlement des prescriptions plus contraignantes, celles-ci doivent être justifiées (intégration d'un aléa non pris en compte par le PPR, nouvelle connaissance, etc ), car des prescriptions trop restrictives alors que le risque identifié par le PPRN correspond à un aléa limité, pourraient également relever de l'erreur manifeste d'appréciation (CAA Marseille 19 oct. 2006, Commune de Contes, req. n° 03MA01967). L'écriture des règles d'occupation des sols tenant compte du risque doit donc résulter d'une connaissance suffisamment précise du risque. Il ressort ainsi de la jurisprudence et de la réglementation actuellement applicable, la nécessité pour la collectivité de faire preuve de discernement dans la définition de ses prescriptions en matière de prévention des risques dans son document d'urbanisme, en présence ou non d'un PPRN, et de justifier chacun de ses choix sur la base d'études techniques et scientifiques démontrant l'importance du risque.
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