Question de M. OUZOULIAS Pierre (Hauts-de-Seine - CRCE-K) publiée le 03/10/2024

M. Pierre Ouzoulias attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la prise de possession par l'administration israélienne de la gestion des sites archéologiques de Palestine.

Le dimanche 7 juillet 2024, le Comité ministériel israélien pour la législation a approuvé des amendements visant à étendre la juridiction de l'Autorité des antiquités d'Israël à la Judée et la Samarie. Si ces amendements étaient adoptés, ils permettraient en totale violation des accords d'Oslo II qui régissent la gestion des zones A, B et C en Cisjordanie, l'extension de la souveraineté israélienne sur ces zones, élargissant ainsi le contrôle israélien sur ces territoires.

Cette tentative s'inscrit dans un contexte plus large et ancien d'annexion progressive des territoires palestiniens par Israël, utilisant l'archéologie comme un outil de légitimation et renforcement des revendications territoriales. Or, ces amendements contreviennent à plusieurs traités internationaux, notamment aux principes de la Convention de La Haye de 1954 ratifiée par Israël et par la France en 1957 sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé et compromettent, de fait, les perspectives d'une solution à deux États.

Face à cette initiative alarmante, il lui demande quels moyens elle entend déployer pour exiger le respect par Israël des accords internationaux dont la France est partie sur la protection du patrimoine et des sites archéologiques.

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Transmise au Ministère de l'Europe et des affaires étrangères


Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 13/03/2025

La violation du droit international que constitue la création de colonies de peuplement dans les Territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, a été rappelée par la Résolution 2334 (2016) du Conseil de sécurité, ainsi que récemment par la Cour internationale de justice (CIJ) dans son avis consultatif du 19 juillet dernier. Comme l'a rappelé la CIJ, Israël doit immédiatement cesser toute nouvelle activité de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-est et mettre fin à sa présence dans les Territoires palestiniens occupés. Le Président de la République a salué l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies de la résolution palestinienne relative à l'avis consultatif de la CIJ sur l'illégalité de l'occupation israélienne, que la France a pleinement soutenue. La France a par ailleurs rappelé à de nombreuses reprises qu'elle ne reconnaitrait jamais l'annexion par Israël des territoires occupés. Dans ce contexte, le développement par les autorités israéliennes et des organisations de colons de campagnes de fouilles en Cisjordanie et à Jérusalem-est et l'extension récente des compétences de l'Administration civile israélienne (COGAT) en zone B constituent un motif de forte préoccupation. La France a ainsi fermement condamné la récente démolition d'habitations palestiniennes et du centre social « al-Bustan » à Jérusalem-est, menées au prétexte du développement d'un site supposément archéologique promu par une organisation de colons, la « Cité de David » (Elad). La France rappelle que les autorités israéliennes sont tenues par leurs obligations en tant que puissance occupante dans les Territoires palestiniens au regard du droit international humanitaire, au titre de la convention de la Haye de 1954 sur la protection du patrimoine culturel en cas de conflit armé, ainsi qu'au regard des dispositions des accords d'Oslo relatives à l'archéologie (protocole additionnel à l'accord israélo-palestinien intérimaire sur la Cisjordanie et la Bande de Gaza de 1995 dit « Oslo II »). Les obligations des autorités israéliennes en matière de protection du patrimoine dans les Territoires palestiniens occupés ne sauraient servir de prétexte au développement de la colonisation et à l'annexion progressive de ces territoires. S'agissant de la gestion des sites archéologiques en Palestine, la France a une longue tradition de coopération dans les domaines archéologique et patrimonial dans les Territoires palestiniens. La France finance notamment la formation de Palestiniens de Gaza à la protection du patrimoine ainsi que la mise en valeur du site de Saint-Hilarion à Gaza. Ces projets ont été partiellement suspendus en raison de la situation à Gaza. En Cisjordanie, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, via la commission des fouilles, apporte son soutien à plusieurs fouilles françaises en zones A et B, en coopération avec les autorités palestiniennes. Nous continuons, à cet égard, à oeuvrer au renforcement des capacités de l'Autorité palestinienne dans le domaine patrimonial et archéologique. A cet égard, une autre initiative soutenue par la France vise à doter l'Autorité palestinienne de solides compétences en matière de lutte contre le trafic illicite de bien culturels et de renforcer la coopération avec les institutions françaises compétentes. La société civile, y compris israélienne, engagée dans la défense du patrimoine culturel et historique palestinien, à Jérusalem-est, à Gaza et en Cisjordanie, a bénéficié en 2024 de concours financiers français. La France s'est réjouie de l'inscription du site du monastère byzantin de Saint-Hilarion, Tell Umm Amer, sur les listes du Patrimoine mondial et du patrimoine mondial en péril de l'UNESCO à l'issue de la réunion du Comité du patrimoine mondial à New Delhi le 25 juillet. Dans un contexte humanitaire catastrophique à Gaza, cette inscription traduit une reconnaissance de la valeur exceptionnelle de ce site monastique, l'un des plus anciens du Moyen-Orient, et permettra de fournir une protection internationale renforcée à ce site. Cette inscription rappelle enfin l'importance de protéger le patrimoine culturel palestinien à Gaza, gravement menacé par la guerre en cours. Activement engagée pour la protection et la mise en valeur de ce site, la France a aussi directement contribué à cette importante décision en appuyant le ministère palestinien du tourisme et des antiquités pour l'élaboration du dossier de candidature et sa présentation devant le comité du patrimoine mondial à travers des experts français. La France veillera à ce que la protection de ce site soit respectée, conformément à la Convention de 1972 pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel et la Convention de 1954 sur la protection du patrimoine culturel en cas de conflit armé. Fidèle à son statut de membre fondateur et de pays-hôte de l'UNESCO, la France a soutenu depuis la 42e conférence générale (novembre 2023), plusieurs décisions permettant le renforcement de la protection des biens patrimoniaux et culturels majeurs de la région. Enfin, à travers son soutien constant à la Fondation ALIPH (Alliance internationale pour la protection du patrimoine), la France reste résolument engagée en faveur de la protection et la valorisation d'un patrimoine palestinien que le conflit à Gaza et la colonisation accélérée ne cessent de mettre en danger.

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