Question de Mme GUHL Antoinette (Paris - GEST) publiée le 03/10/2024
Mme Antoinette Guhl attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargée de l'économie sociale et solidaire, de l'intéressement et de la participation sur la nécessaire publication d'un rapport d'évaluation de l'expérimentation de l'entreprise d'insertion par le travail indépendant (EITI), introduite en 2018 par l'article 83 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel a donné à l'État, à titre expérimental, la capacité de conclure des conventions avec une nouvelle structure de l'insertion par l'activité économique : l'entreprise d'insertion par le travail indépendant (EITI).
L'article 83 de cette même loi mentionne le fait qu'un « rapport d'évaluation de l'expérimentation est remis au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation. Ce rapport dresse notamment le bilan de l'insertion professionnelle des bénéficiaires de l'expérimentation, de ses effets sur l'ouverture de l'insertion par l'activité économique au travail indépendant et de son efficience ».
Alors que cette expérimentation était initialement prévue pour une durée de trois ans, celle-ci fut prolongée de deux ans par l'amendement n° II-2197 au projet de loi de finances (PLF) pour l'année 2022 et de trois ans par l'amendement n° II-764 au PLF pour 2024. Ainsi, cette expérimentation s'étendra sur une durée de 8 ans sans qu'aucun rapport d'évaluation n'ait, jusqu'alors, démontré son impact vertueux sur l'insertion professionnelle.
Le projet annuel de performance « Travail et Emploi » de l'année 2024 indique la mise à disposition de 13 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour les EITI. Au total, depuis 2020, 25 millions d'euros ont été mis à disposition des EITI afin que ces entreprises permettent l'insertion professionnelle à travers le modèle économique précaire des travailleurs de plateforme.
Alors que ce modèle économique n'a pas encore fait ses preuves en matière d'insertion professionnelle durable, il est nécessaire de garantir le bien-fondé d'un tel investissement.
Elle lui demande de fournir au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation de l'entreprise d'insertion par le travail indépendant (EITI) créée par la loi en 2018, rapport qui aurait dû être remis avant l'amendement de prolongation.
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Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé du travail et de l'emploi
Réponse du Ministère délégué auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de l'autonomie et du handicap publiée le 15/01/2025
Réponse apportée en séance publique le 14/01/2025
M. le président. La parole est à Mme Antoinette Guhl, auteure de la question n° 016, transmise à Mme la ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée du travail et de l'emploi.
Mme Antoinette Guhl. Madame la ministre, en 2018, les entreprises d'insertion par le travail indépendant, dites EITI, ont acquis le statut de structure d'insertion dans le cadre d'une expérimentation.
Malgré l'article 83 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui prévoyait une évaluation avant toute prolongation du dispositif, rien n'a été réalisé en six ans. Prévu initialement pour durer trois ans, ce dispositif a pourtant, dans un premier temps, été prolongé jusqu'à huit ans. Les EITI viennent même d'être définitivement consacrées comme structures d'insertion par un arrêté du 2 janvier 2025, et cela sans évaluation. C'est un scandale !
Que sont les EITI ? Ce sont des structures qui proposent à des personnes en grande difficulté de travailler sous statut d'autoentrepreneur, au même titre que toutes les plateformes Uber et compagnie. Or ce statut prive de droits essentiels des salariés déjà en précarité. Il n'y a pas de protection en cas d'accident, pas d'indemnisation chômage décente ni de droits décents pour la retraite.
En revanche, le prélèvement d'un pourcentage pouvant aller jusqu'à 25 % sur les prestations effectuées par des personnes en insertion existe bel et bien, comme pour Uber, en somme.
Depuis 2020, quelque 100 millions d'euros ont été investis dans ce modèle économique qui précarise, une somme dépensée sans aucune forme d'évaluation, ce qui n'est pas digne de l'État en cette période de crise budgétaire. Je l'affirme ici, ces structures n'assurent pas une insertion professionnelle durable. Elles relèvent non pas de l'insertion, mais de l'ubérisation. Dans un contexte de budget contraint, nous devrions pourtant prioriser les dispositifs qui fonctionnent réellement.
Madame la ministre, alors que vient d'être signé un arrêté qui prévoit la pérennisation des EITI, quand allez-vous fournir aux parlementaires le rapport d'évaluation prévu par la loi ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargée de l'autonomie et du handicap. Madame la sénatrice, vous interrogez le Gouvernement sur la publication d'un rapport d'évaluation des EITI à la suite d'une expérimentation.
Vous avez raison, l'article 83 de la loi du 5 septembre 2018 prévoit qu'un « rapport d'évaluation de l'expérimentation [soit] remis au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation ».
Cette expérimentation, entamée en 2018 pour trois ans, a fait l'objet d'une première prolongation pour deux ans à la fin de l'année 2021.
En mai 2023, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) a remis au Gouvernement un rapport d'évaluation sur le sujet. Celui-ci proposait une prolongation pour deux ans, assortie d'un meilleur encadrement, au travers notamment d'un cahier des charges plus précis, ainsi qu'une rénovation des modalités de l'aide financière versée aux EITI, pour les rendre plus cohérentes avec les spécificités du travail indépendant.
Il y a un an, la loi de finances pour 2024 a prévu une nouvelle prolongation pour trois ans jusqu'à la fin 2026, soit un an de plus que la durée préconisée par l'Igas, pour permettre de déployer le nouveau cadre défini et d'en analyser les effets.
L'expérimentation n'a pas été prolongée purement et simplement : en cohérence avec les préconisations de l'Igas, une concertation approfondie a été engagée avec les acteurs de l'expérimentation en 2024, afin d'en rénover le cadre à partir du 1er janvier 2025.
Un décret en Conseil d'État et un arrêté prévoyant un cahier des charges viennent d'être publiés en ce sens. Il s'agit notamment de préciser les objectifs des EITI, leurs obligations en matière d'offre de services et de production d'indicateurs de suivi et de performance, ainsi que de mettre les modalités de l'aide financière aux structures en cohérence avec le nouveau cahier des charges.
Le dispositif ainsi rénové fera l'objet d'une nouvelle évaluation approfondie et indépendante. Celle-ci permettra la remise d'un rapport d'évaluation au Parlement au moins six mois avant le nouveau terme de l'expérimentation.
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