Question de Mme CUKIERMAN Cécile (Loire - CRCE-K) publiée le 10/10/2024

Question posée en séance publique le 09/10/2024

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes longuement exprimé devant l'Assemblée nationale, puis devant le Sénat pour présenter votre déclaration de politique générale. À aucun moment lors de ces interventions, vous n'avez présenté précisément vos projets austéritaires, alors que vous aviez déjà en votre possession le projet de budget.

Depuis se dessine la sanction lourde que vous allez imposer aux collectivités locales. Un effort de 5 milliards d'euros leur serait demandé, alors que nous connaissons tous ici, à commencer par vous-même, monsieur le Premier ministre, les terribles difficultés qui existent.

L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) estime même à 9,5 milliards d'euros ces coupes budgétaires, auxquelles s'ajouterait la baisse probable de 1 milliard d'euros des crédits du fonds vert.

Cette ponction accrédite l'idée inacceptable répandue par MM. Le Maire et Cazenave que les collectivités seraient responsables de l'endettement. C'est honteux, alors qu'elles assument elles-mêmes leur dette.

Ce plan de casse du service public local est intolérable. Ce plan, c'est la mise à mal de l'investissement public local, alors même que les collectivités financent plus des deux tiers de l'investissement public de notre pays.

Jusqu'à présent, les collectivités locales étaient souvent le dernier rempart contre les coups de boutoir du libéralisme, un bouclier contre la paupérisation et le repli sur soi de nos concitoyens.

Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous ce choix, votre choix, contre les collectivités, leurs élus, leur population, ce choix contre votre pays et ses territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 10/10/2024

Réponse apportée en séance publique le 09/10/2024

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Michel Barnier, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés,...

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Sénateurs !

M. Michel Barnier, Premier ministre. J'arrive de l'Assemblée nationale, je suis encore dans cette ambiance, mais je note qu'elle est assez différente ici... (Sourires.)

M. Mickaël Vallet. Deux chambres, deux ambiances !

M. Michel Barnier, Premier ministre. Madame la présidente Cukierman, je vais vous répondre sur le fond, mais franchement, il n'est pas possible de dire que nous faisons des choix contre la France. Ce n'est pas vrai ! J'ai l'honneur, depuis un tout petit peu plus d'un mois, d'être le Premier ministre de notre pays et je trouve une situation qui remonte à assez loin et que nous devons traiter en responsabilité devant les Français. Voilà notre choix.

Je vais dire quelques mots de la préoccupation que vous exprimez au sujet des collectivités locales. Votre question, madame la présidente, est légitime ici, au Sénat, compte tenu du rôle des sénateurs.

D'abord, un fait : les dépenses des collectivités locales ont beaucoup augmenté depuis quelques années. Et je sais pourquoi. Je pense que cet argent a été bien utilisé, comme vous l'avez indiqué vous-même, et que beaucoup de ces dépenses sont des dépenses subies ou contraintes en raison, d'une part, de l'inflation, d'autre part, de décisions prises par l'État et pas toujours accompagnées par des crédits.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Eh oui !

M. Michel Barnier, Premier ministre. Je sais tout cela. Mais ces dépenses sont bien là et, par les besoins de financement qu'elles entraînent et qui sont très importants, elles contribuent à ce qu'on appelle le déficit de la France dont nous sommes comptables, que nous devons gérer et qui crée une incertitude, un doute, tout autour de nous, en Europe, et aussi chez nous.

Or nous avons un devoir de responsabilité, que j'assume, madame la présidente, au nom du Gouvernement : réduire le déficit à 5 % du PIB l'année prochaine et essayer d'atteindre 3 % en 2029 - nous sommes déterminés à le faire.

Je pense aussi qu'il est juste de dire que cet effort doit être partagé. Ce n'est pas par plaisir que je vais présenter, ici et à l'Assemblée nationale, des mesures difficiles. Nous avons, je le redis, un devoir de responsabilité et l'obligation de partager cet effort de la manière la plus juste possible.

J'ai été président d'une assemblée départementale pendant dix-sept ans. Je ne mettrai donc jamais les collectivités locales en accusation. Jamais ! Je sais qu'elles gèrent, et cela au plus près des gens, des difficultés, des politiques publiques, des projets... Je n'ai pas oublié cette responsabilité.

Pour autant, les mesures du projet de loi de finances que nous allons présenter demain préservent les principes auxquels je tiens. Ainsi, sous réserve de la discussion parlementaire, nous protégerons les collectivités les plus fragiles. Nous allons aussi ouvrir la possibilité de reverser aux collectivités, quand la situation sera redressée, des sommes qui leur auraient été retenues ou prélevées. Ces mesures préservent aussi les dépenses d'investissement, dépenses qui sont en ce moment les plus dynamiques.

Je sais que nous allons demander un effort, mais nous allons le demander non pas dans un esprit d'accusation ou d'indifférence, mais dans un esprit de partenariat pour essayer de gérer ensemble cette situation conjoncturelle. C'est le travail que réalisent déjà Catherine Vautrin et Françoise Gatel, deux ministres que vous connaissez bien.

Nous allons ainsi vous proposer un pacte pour vérifier ensemble où sont les besoins, d'où ils viennent et quel niveau ils atteignent. Nous devons au moins être d'accord sur les chiffres pour être justes et essayer de gérer cette situation ensemble.

Nous allons accompagner ce projet de partenariat, en évitant que des dépenses nouvelles, que les collectivités locales seraient obligées de financer à la place de l'État, leur soient imposées.

Nous allons simplifier les procédures et alléger très fortement les contraintes qui pèsent sur les collectivités, contraintes qui découragent les maires dans nombre de circonstances.

Nous allons réduire certaines dépenses qui n'ont pas vraiment de sens. Nous allons donner plus de libertés aux collectivités locales : lorsqu'on a la possibilité d'adapter les politiques publiques, cela coûte souvent moins cher, cela peut même rapporter !

Je voudrais prendre un exemple que je sais sensible dans cet hémicycle comme dans les relations entre le Sénat et les précédents gouvernements : l'eau et l'assainissement. (Ah ! sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) Vous connaissez bien ce sujet, madame la présidente Cukierman, comme Françoise Gatel et d'autres sénateurs que je remercie de leur engagement : Jean-Michel Arnaud - le Sénat examinera bientôt à ce sujet une proposition de loi dont il est le premier signataire -, Alain Marc, Jean-Yves Roux ou encore Mathieu Darnaud avec lequel je me suis entretenu ce matin de cette question. (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je pense qu'il est temps - cela fait presque dix ans que la loi NOTRe a été adoptée, c'était en 2015 - de clôturer cette question, qui est une vraie difficulté, peut-être une blessure dans la confiance entre l'exécutif et le Sénat. Voilà pourquoi le Gouvernement adoptera une position de clarté qui est souhaitée par le Sénat. On ne va pas revenir, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les engagements pris ou sur les transferts déjà réalisés, mais en 2026, il n'y aura plus de transfert obligatoire de compétence. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et INDEP. - M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. Michel Barnier, Premier ministre. Comme je l'ai indiqué à Mathieu Darnaud lors de notre entretien, il n'y aura plus de transfert obligatoire pour les communes qui n'ont pas encore transféré la compétence.

Nous allons continuer, avec les ministres concernés et avec vous, à travailler pour affiner cette orientation qui, je le crois, permettra de faire comprendre aux communes, malgré l'effort que nous devons faire ensemble - j'en ai parlé -, que nous souhaitons leur donner plus de libertés et leur faire davantage confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, il ne suffira pas de revenir sur des problèmes issus de la loi NOTRe, que j'avais moi-même contestée, pour que vous ayez notre crédit plein et entier, mais je vous sais gré de cette évolution. Nous aurons le débat en séance publique la semaine prochaine.

Cependant, vous avez raison sur un point : tout le monde dans notre pays doit prendre ses responsabilités. Dans un pays où il n'y a jamais eu autant de richesses et de riches et où il y a de plus en plus de pauvres et de personnes précarisées, chacun doit prendre ses responsabilités et les riches doivent contribuer à l'effort pour sortir notre pays de la logique austéritaire que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur des travées du groupe SER.)

Mme Céline Brulin. Exactement !

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