Question de Mme ESPAGNAC Frédérique (Pyrénées-Atlantiques - SER) publiée le 26/09/2024

Mme Frédérique Espagnac alerte Mme la ministre de la culture sur la préservation du patrimoine en France.
Alors que les journées du patrimoine se sont tenues les 21 et 22 septembre 2024, de nombreux monuments ont ouvert leurs portes, parmi eux, une majorité d'églises, des châteaux, des remparts, des lavoirs, des stades, des maisons d'artistes, des parcs paysagers.
Cependant, des dizaines de milliers de sites sont restés, eux, fermés au public. Le diagnostic est sans appel : près d'un quart des monuments français sont considérés comme en mauvais état ou en péril. Le territoire est maillé par 34 000 monuments « classés » sur décision préfectorale. S'y ajoutent 14 200 « inscrits » au patrimoine par le ministère de la culture. Pour tous, entretien, réparation ou restauration sont obligatoires. Cela représente un chantier colossal, des compétences et des besoins de financement abyssaux que l'État peine à assumer.
Toutefois l'État se félicite des dépenses qu'il a engagé pour la conservation des monuments historiques. Un bilan récemment publié par le ministère de la culture nous apprend que 284 millions d'euros en autorisations d'engagement ont été octroyés en 2023, contre moins de 250 millions en 2022 comme en 2021.
Reste que, ce budget est bien trop faible face au besoin abyssal des communes. Pour les 14 670 maires qui abritent sur leur commune au moins un monument historique, leur entretien se révèle souvent un puits sans fond. Avec 100 000 édifices religieux, implantés à 75 % sur des communes rurales, les églises constituent le coeur de ce patrimoine dit « de proximité ». Et pour financer charpente, clocher, vitrail, l'État se révèle un partenaire souvent défaillant.
En 2024, le ministère de la culture, qui pilote l'essentiel des investissements, n'a pas pu tenir ses promesses révèle un article du « Monde ». Et les coupes budgétaires annoncées au printemps n'ont pas épargné la culture. Son enveloppe a été rabotée de près de 205 millions d'euros, entraînant un vrai coup de canif dans les programmes de rénovation du patrimoine, victimes d'une annulation de crédit à hauteur de 99,5 millions impactant les sites patrimoines. Pourtant, la Fondation du patrimoine affirme, selon une étude commandée par celle-ci, que chaque euro engagé dans un chantier génère jusqu'à 21 euros de retombées économiques. En effet, la rénovation du patrimoine emploie de la main-d'oeuvre locale, alimente une filière de professionnels, préserve des savoir-faire à l'échelle nationale.
Face à cette situation préoccupante, elle interroge le Gouvernement sur la possibilité d'augmenter le budget consacré à la préservation du patrimoine, afin de fournir aux communes, notamment rurales, les moyens nécessaires pour entretenir et restaurer les monuments historiques français.

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Réponse du Ministère de la culture publiée le 28/11/2024

Le ministère de la culture poursuit une politique volontariste de soutien en faveur de la conservation du patrimoine, qui passe à la fois par sa protection au titre des monuments historiques et par l'entretien et la restauration des monuments. Les montants alloués au programme 175 « Patrimoines » (P175) ont connu ces dernières années une forte progression, notamment sur l'action 1 (Monuments historiques et patrimoine monumental), dont les crédits votés en projet de loi de finances ont augmenté en autorisations d'engagement (AE) de 12 % entre 2019 et 2024. La réduction des crédits budgétaires du P175 de 99,5 millions d'euros a fait suite au décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits, qui visait à réduire les dépenses publiques afin de maîtriser le déficit de la France. Afin de préserver au maximum son action en faveur du patrimoine et, par voie de conséquence, l'attractivité des territoires et leur économie culturelle et touristique, ainsi que les entreprises et formations spécialisées dans le domaine des monuments historiques, le choix a été fait de mobiliser prioritairement la réserve de précaution pour minimiser les effets de cette annulation. Ainsi, l'impact de ce décret en 2024 est de -1,6 % en AE et de -3,3 % en crédits de paiement (CP). Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) se sont ainsi vu déléguer 292 millions d'euros d'AE en 2024, à comparer aux 270 millions d'euros engagés en 2023, soit une augmentation de 8 %. Pour 2025, le budget des monuments historiques est préservé et comprend une très légère augmentation en crédits de paiement (+ 7 millions d'euros). Au sein des monuments historiques, le patrimoine bâti religieux, ou d'origine religieuse, occupe en effet une place très importante. La France compte près de 45 000 édifices affectés à la célébration du culte, dont environ 10 500 (incluant les 87 cathédrales appartenant à l'État) sont classés ou inscrits au titre des monuments historiques, soit 34 % de l'ensemble des immeubles protégés à ce titre. Ces 10 500 édifices cultuels protégés au titre des monuments historiques relèvent essentiellement du culte catholique, mais les édifices des cultes protestant, juif, hindouiste et musulman sont également représentés. En 2023, les DRAC ont engagé 281 millions d'euros en faveur de l'entretien et de la restauration des immeubles protégés au titre des monuments historiques, dont près de 120 millions d'euros en faveur du patrimoine religieux. Le ministère de la culture a mis en place en 2018 le « fonds incitatif pour le patrimoine » (FIP). Ce dispositif permet de financer une intervention financière accrue du ministère de la culture, sous réserve d'une participation de la région à hauteur de 15 % minimum. Il vise les communes de moins de 10 000 habitants en métropole et de moins de 20 000 habitants en outre-mer, qui possèdent des monuments historiques, sans disposer, seules, des ressources suffisantes pour en assurer la conservation. Depuis 2019, ce fonds a été doté de 79 millions d'euros de crédits par le ministère de la culture au total et a permis d'engager 843 opérations d'entretien ou de conservation (84 % des édifices concernés sont des édifices religieux). Les communes propriétaires d'édifices du culte non protégés au titre des monuments historiques peuvent solliciter auprès des préfets la dotation d'équipement des territoires ruraux et la dotation de soutien à l'investissement local. Elles peuvent également solliciter les départements, qui, notamment, se sont vu transférer, par la loi du 13 juillet 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les crédits que l'État consacrait antérieurement au « patrimoine rural non protégé ». En complément de ces financements, le patrimoine religieux bénéficie du dynamisme des financements privés, notamment de la part de la Fondation du patrimoine ou de la Fondation pour la sauvegarde de l'art français. Le Président de la République a annoncé, lors de son déplacement au Mont-Saint-Michel, le 5 juin 2023, puis à Semur-en-Auxois, à l'occasion des Journées européennes du patrimoine 2023, sa volonté de conduire une action forte pour la protection et pour la conservation du patrimoine religieux, notamment en ce qui concerne les petites communes. À ce titre, deux mesures ont été mises en oeuvre par le ministère de la culture. D'une part, la protection du patrimoine religieux au titre des monuments historiques a été renforcée. Une campagne de protection au titre des monuments historiques de nouveaux édifices relevant du patrimoine religieux a été lancée par les directions régionales des affaires culturelles, après une instruction ministérielle aux préfets de région en date du 4 août 2023. Cette campagne porte principalement sur les édifices situés dans les communes rurales, sur les édifices du XIXe siècle et du XXe siècle, que ces édifices soient propriété publique ou privée. D'autre part, une souscription nationale en faveur du patrimoine religieux appartenant à des personnes publiques a été lancée, dans les conditions prévues par l'article 30 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. Les personnes physiques qui effectuent un don dans ce cadre avant le 31 décembre 2025, bénéficient d'une déduction d'impôt sur le revenu de 75 %, taux renforcé de déduction fiscale (66 % habituellement), pour les dons d'un montant inférieur à 1 000 euros. La Fondation du patrimoine a collecté à ce jour (octobre 2024) 2,8 millions d'euros au profit de la collecte générale et 10 millions d'euros pour des projets fléchés sur des édifices identifiés. Enfin, le ministère de la culture encourage l'insertion dans les plans locaux d'urbanisme, dans le cadre défini par l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme, de la protection des édifices du culte présentant un intérêt patrimonial mais ne justifiant pas une protection au titre des monuments historiques.

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