Question de M. BELIN Bruno (Vienne - Les Républicains-R) publiée le 04/04/2024

M. Bruno Belin attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'incertitude juridique dans laquelle se trouvent les collectivités françaises engagées dans des coopérations au Burkina Faso, au Mali et au Niger depuis la suspension de l'aide publique au développement dans ces trois pays.

Le Sahel est historiquement l'un des bassins les plus actifs en matière de coopération décentralisée. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger comptent ainsi à eux seuls plus de 400 projets de coopération décentralisée.

Cependant, depuis quelques années, ces pays sont traversés par des crises politiques profondes dont les répercussions ont affecté la relation diplomatique de la France avec ces trois États. À la suite de coups d'État qui se sont produits en 2020 au Mali puis en 2022 au Burkina Faso et en 2023 au Niger, la dégradation des relations bilatérales avec la France s'est matérialisée notamment par la suspension de l'aide publique au développement (APD) française le 16 novembre 2022 au Mali, le 29 juillet 2023 au Niger et le 6 août 2023 au Burkina Faso.

Ce contexte a eu des conséquences directes sur les partenariats de coopération décentralisée soutenus par les collectivités françaises dans ces trois pays. En effet, la détérioration des relations diplomatiques et la suspension de l'aide publique au développement ont eu des impacts à la fois sur les plans politique, financier et opérationnel des coopérations. Pour les collectivités liées par des conventions dans le cadre des projets menés avec leurs homologues burkinabè, maliens et nigériennes, l'arrêt de la coopération pose des questions quant aux risques juridiques associés à une telle décision.

En effet, selon l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, mettre en oeuvre ou soutenir toute action internationale annuelle ou pluriannuelle de coopération, d'aide au développement ou à caractère humanitaire. À cet effet, elles peuvent conclure des conventions avec des autorités locales étrangères. Or, depuis la suspension de l'APD dans ces trois pays du Sahel, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) a, à plusieurs occasions, confirmé la possibilité pour les collectivités françaises de poursuivre leurs engagements sur fonds propres et rappelé l'importance de poursuivre le dialogue à l'échelon local.

Cependant, ces échanges ne se sont jamais traduits par une position formelle qui serait de nature à garantir aux collectivités françaises engagées au Burkina Faso, au Mali et au Niger la sécurité juridique nécessaire à la poursuite de leurs engagements respectifs. Ce flou place les collectivités dans une posture de grande incertitude et de risques vis-à-vis de leurs administrés et de leurs propres exécutifs.

Par conséquent, il demande au Gouvernement de préciser formellement sa position quant au cadre juridique régissant la poursuite par les collectivités françaises de leurs coopérations internationales au Burkina Faso, au Mali et au Niger.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 30/05/2024

Les décisions de suspension de l'aide publique au développement (APD) française - hors aide humanitaire - prises successivement pour le Burkina Faso, le Mali et le Niger s'étendent aux cofinancements de l'État aux projets de coopération qu'y conduisent les collectivités territoriales françaises. Pour autant, dans les trois cas, ces décisions n'ont pas d'effet juridique sur la coopération décentralisée, qui reste soumise aux dispositions pertinentes du Code général des collectivités territoriales. Ainsi, au Niger et au Burkina Faso, la suspension de notre aide publique au développement n'empêche en rien les collectivités territoriales françaises de poursuivre leurs engagements sur fonds propres ou avec l'appui d'autres bailleurs, conformément au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Dans le cas du Mali, ce sont des dispositions règlementaires prises par les autorités maliennes qui ont conduit le ministère de l'Europe et des affaires étrangères à recommander, en novembre 2022, aux collectivités territoriales françaises, de mettre fin à leurs actions de coopération décentralisée, la poursuite de celles-ci étant susceptible de rendre leurs partenaires maliens passibles de poursuites judiciaires. Par ailleurs, au vu de la détérioration de la situation humanitaire et des besoins de populations civiles très affectées par l'instabilité politique et la violence terroriste, nous avons décidé de maintenir notre aide humanitaire et de poursuivre certains projets qui bénéficient directement aux populations des trois pays. Il est ainsi possible, pour les collectivités territoriales françaises qui le souhaitent, d'agir en faveur de leurs partenaires en soutenant financièrement ces projets. Conscient du rôle de la coopération décentralisée dans le maintien et l'approfondissement du lien fort qui lie les populations et des dynamiques de développement qu'elle suscite, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères reste pleinement mobilisé pour trouver les meilleures réponses face aux enjeux actuels.

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