Question de Mme HARRIBEY Laurence (Gironde - SER) publiée le 07/03/2024

Mme Laurence Harribey attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'article 1186 du code de procédure civile.

Selon cet article qui concerne les procédures d'assistance éducative : « Le mineur capable de discernement, les parents, le tuteur ou la personne ou le représentant du service à qui l'enfant a été confié peuvent faire choix d'un conseil ou demander au juge que le bâtonnier leur en désigne un d'office. [...]. »

Le juge des enfants n'est donc aujourd'hui pas en mesure de désigner un avocat lors d'une telle procédure, même si cela lui paraît nécessaire, puisque l'avocat ne peut être désigné que pour un enfant reconnu capable de discernement.

Si l'assistance de l'enfant par avocat est obligatoire depuis 1993 dans toute procédure pénale le concernant et depuis 2016 lors des gardes à vue de mineurs, elle est optionnelle pour les enfants capables de discernement ou proscrite pour les enfants non capables de discernement en assistance éducative qui constitue pourtant la pierre angulaire de la protection de l'enfance en danger. Cet état du droit va à l'encontre des articles 2, 3 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant de 1989 qui donnent à l'intérêt supérieur de l'enfant et à son droit d'exprimer ses opinions des applications pratiques.

Au tribunal pour enfants de Nanterre, des juges et des avocats ont initié une nouvelle pratique dès mai 2020 : la désignation systématique d'un avocat pour chaque enfant, qu'il soit ou non capable de discernement, dont la justice est saisie en assistance éducative. Cette initiative est née d'une volonté de prendre en compte de façon effective la parole de chaque enfant et de garantir l'effectivité de ses droits.

Après presque trois ans, magistrats et avocats constatent que cette expérimentation va dans le bon sens, en ce qu'elle a permis aux enfants concernés de créer un lien de confiance avec un avocat spécialement formé à recueillir et restituer leur parole et d'assurer leur suivi en les accompagnant tout au long des procédures qui les touchent.

Elle lui demande quelle est sa position quant à une systématisation de cette expérimentation, soutenue depuis des années par le groupe socialiste par voie d'amendements.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé des personnes âgées et des personnes handicapées publiée le 05/06/2024

Réponse apportée en séance publique le 04/06/2024

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, auteure de la question n° 1142, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Laurence Harribey. Madame la ministre, selon l'article 1186 du code de procédure civile, qui concerne les procédures d'assistance éducative, « le mineur capable de discernement, les parents, le tuteur ou la personne ou le représentant du service à qui l'enfant a été confié peuvent faire choix d'un conseil ou demander au juge que le bâtonnier leur en désigne un d'office ».

Ainsi, l'assistance de l'enfant par un avocat est optionnelle pour les enfants étant capables de discernement et proscrite pour ceux ne l'étant pas. Une telle assistance est pourtant obligatoire pour toute procédure pénale depuis 1993, et lors des gardes à vue de mineurs depuis 2016. Cet état du droit va à l'encontre des articles 2, 3 et 9 de la convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) de 1989.

Toutefois, au tribunal de Nanterre, des juges et des avocats ont développé une nouvelle pratique depuis le mois de mai 2020 : un avocat est systématiquement désigné pour chaque enfant, qu'il soit ou non capable de discernement. Après trois ans d'expérimentation, les magistrats et les avocats ont constaté qu'une telle pratique allait dans le bon sens en permettant aux enfants concernés de créer un lien de confiance avec un avocat spécialement formé.

Madame la ministre, quelle est votre position quant à une systématisation de cette expérimentation, que notre groupe défend depuis des années au travers d'amendements ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Madame la sénatrice, le ministère de la justice a eu connaissance des réflexions, au sein de différents ressorts de juridiction, quant à une éventuelle systématisation de l'intervention de l'avocat lors des procédures d'assistance éducative.

Vous évoquez le cas de Nanterre où, il y a plus de deux ans, entre mars 2020 et décembre 2021, deux juges des enfants ont désigné un avocat pour tout mineur, sans considération d'âge et de discernement. Permettez-moi de préciser d'emblée que, selon les éléments dont je dispose, cette pratique, qui n'a donné lieu à aucune évaluation, a depuis été abandonnée.

En outre, les neuf autres juges des enfants de Nanterre considéraient cette pratique comme contraire à la loi et au rôle de l'avocat, lequel doit porter la parole de son client, ce qui suppose que l'enfant soit capable de discernement et soit en mesure de s'exprimer.

Par ailleurs, le cadre législatif a récemment évolué pour faciliter l'assistance du mineur par un avocat. La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants permet désormais au juge des enfants de désigner d'office ou à la demande du président du conseil départemental un avocat, lorsque l'enfant est doté de discernement et que son intérêt l'exige.

Il convient également de rappeler que le juge des enfants se prononce, selon le code civil, « en stricte considération de l'intérêt de l'enfant » et que les magistrats sont bien sûr formés à l'audition du mineur.

Comme vous le soulignez, les travaux parlementaires réalisés dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice ont nourri les échanges sur cette question. Ainsi, madame la sénatrice, je vous confirme qu'une réflexion sera bien engagée au sujet de la systématisation de la présence de l'avocat auprès de l'enfant en assistance éducative.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.

Mme Laurence Harribey. Vous l'avez dit, il existe un vide juridique concernant les enfants n'étant pas capables de discernement. Il convient donc de modifier la loi. Il est dommage que les pratiques qui avaient été adoptées à Nanterre aient été abandonnées, car elles avaient tout de même produit des effets positifs.

Vous évoquez des travaux en cours : nous serons au rendez-vous et j'espère que nous aboutirons à une mesure législative.

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