Question de Mme DARCOS Laure (Essonne - Les Indépendants) publiée le 28/12/2023

Mme Laure Darcos appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la communicabilité du tableau des inscriptions et radiations portées sur les listes électorales des communes. Dans un arrêt en date du 27 mars 2023 (CE, 27/03/2023, 465736), le Conseil d'État a rappelé que tout électeur peut obtenir du maire d'une commune, agissant en qualité d'agent de l'État, la communication de la liste électorale de la commune à jour à la date à laquelle celui-ci se prononce sur la demande dont il est saisi, ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article L. 37 du code électoral. En revanche, le tableau des inscriptions et radiations intervenues depuis la dernière réunion de la commission prévue à l'article L. 19 du code électoral n'est pas communicable dans la mesure où il comporte des informations mettant en cause la protection de la vie privée des personnes. Ni l'article L. 37 du code électoral, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'ouvrent droit, en principe, à la communication d'un tel document à jour à la date de la saisine de l'autorité compétente ou à la date à laquelle elle se prononce sur la demande. Celui-ci est seulement mis à la disposition des électeurs auprès des services de la commune jusqu'à l'expiration du délai de recours contentieux prévu au I de l'article L. 20 de ce code, conformément aux dispositions de son article R. 13. Elle souhaiterait connaître les sanctions applicables à un maire qui communiquerait de manière discriminatoire le tableau des inscriptions et radiations à un candidat ou qui l'utiliserait pour sa propre campagne. En période électorale, le maire ne saurait en effet utiliser le tableau des inscriptions et radiations à des fins de propagande électorale, faute de quoi serait établie une inégalité avec les candidats qui ne peuvent y avoir accès. Elle lui demande en outre si l'interdiction de l'utilisation à des fins électorales de ce tableau ne devrait pas être clairement affirmée par le code électoral.

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Transmise au Ministère de l'intérieur et des outre-mer


Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 21/03/2024

Aux termes de l'article L. 37 du Code électoral : « Tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial. Tout candidat et tout parti ou groupement politique peut prendre communication et obtenir copie de l'ensemble des listes électorales des communes du département auprès de la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial ». L'article R. 20 du même code fixe les mentions obligatoirement présentes sur les listes communiquées en vertu de cette disposition : il s'agit des données d'identification de l'électeur (nom, nom d'usage, prénoms, date de naissance, lieu de naissance), de l'adresse au titre de laquelle l'électeur est inscrit sur la liste électorale, du numéro du bureau de vote et du numéro d'ordre séquentiel sur la liste d'émargement du bureau de vote. L'article R. 13 du Code électoral fixe quant à lui le régime de publicité du tableau des inscriptions et radiations survenues entre deux réunions des commissions de contrôle des listes électorales. Il prévoit ainsi que « le tableau des inscriptions et radiations intervenues depuis la dernière réunion de la commission prévue à l'article L. 19 est mis à disposition des électeurs auprès des services de la commune » au lendemain des réunions des commissions de contrôle des listes électorales et pour une durée de sept jours correspondant au délai dont disposent les électeurs pour contester ce tableau devant le juge judiciaire. Ce tableau contient davantage d'informations que la liste électorale communiquée en application de l'article L. 37 du Code électoral, comme les motifs d'inscription ou de radiation des électeurs ayant fait l'objet de décisions de cette nature ainsi que la date à laquelle sont intervenues ces décisions. La présence de ces informations supplémentaires, qui mettent en cause la protection de la vie privée des électeurs, ainsi que l'a relevé le Conseil d'Etat (CE, 27 mars 2023, n° 465736), est justifiée par la finalité du tableau prévu à l'article R. 13 du Code électoral qui est de permettre aux citoyens d'assurer le contrôle de la régularité des listes électorales de leurs communes par le biais du recours contentieux prévu à cet effet (article L. 20 du Code électoral). Elles n'ont en revanche pas lieu d'apparaître sur la liste électorale communiquée au titre de l'article L. 37 du Code électoral, dont l'ouverture à tous les citoyens n'a pas de finalité contentieuse. Il ressort de ces éléments que l'accès aux informations contenues dans le tableau prévu par l'article R. 13 du Code électoral n'est pas exclusivement réservé aux maires dès lors que les réunions des commissions de contrôle des listes électorales sont publiques (article L. 19, III. du Code électoral) et que le document en question est mis à disposition de l'ensemble des électeurs dans les délais prévus par le Code électoral, cela au moins une fois par an (articles R. 13 et L. 20). Les inscriptions ou radiations ordonnées par les commissions de contrôle des listes électorales sont, en tout état de cause, prises en compte sur les listes électorales actualisées dont les électeurs peuvent demander communication sur le fondement de l'article L. 37 du Code électoral. Si les maires et certains agents communaux disposent effectivement d'un accès spécifique à certaines données récoltées dans le cadre de la tenue des listes électorales, c'est uniquement « à raison de leurs attributions légales et dans la limite du besoin d'en connaître »(article 4 du décret n° 2018-343 du 9 mai 2018 portant création du traitement automatisé de données à caractère personnel permettant la gestion du répertoire électoral unique). Ils ne sauraient par conséquent utiliser ces données pour des finalités différentes de celles dans le cadre duquel elles ont été recueillies, notamment dans le cadre d'une campagne électorale, sous peine de s'exposer aux sanctions prévues par la section 5 du chapitre VI du titre II du livre II du Code pénal (articles 4 et 40 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978) et notamment celles prévues par l'article 226-21 qui sanctionne de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende « le fait, par toute personne détentrice de données à caractère personnel à l'occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou de toute autre forme de traitement, de détourner ces informations de leur finalité telle que définie par la disposition législative, l'acte réglementaire ou la décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés autorisant le traitement automatisé, ou par les déclarations préalables à la mise en oeuvre de ce traitement ». Ainsi, compte tenu des dispositions explicites de l'article R. 13 du Code électoral et des sanctions pénales existantes, le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer n'envisage pas de faire évoluer la réglementation sur l'utilisation du tableau des inscriptions et radiations.

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