Question de Mme ESTROSI SASSONE Dominique (Alpes-Maritimes - Les Républicains) publiée le 30/11/2023
Question posée en séance publique le 29/11/2023
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Elle concerne l'accord commercial avec le Mercosur.
« Nous n'avons jamais été aussi proches de conclure un accord », peut-être « à deux semaines » : c'est ce qu'a dit ce lundi, à Bruxelles, la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne.
Voilà de quoi faire bondir nos concitoyens, en particulier nos agriculteurs, qui risquent une nouvelle fois d'être les dindons de la farce d'un processus politique qui dessaisit entièrement les parlements nationaux de leurs prérogatives.
Monsieur le ministre, faire entrer près de 100 000 tonnes de boeuf de plus sur le marché européen, c'est exposer notre agriculture à une concurrence déloyale.
Le Président de la République avait pourtant répété au salon de l'agriculture qu'un accord « n'était pas possible » si nos concurrents « ne respectaient pas les mêmes contraintes de production environnementales et sanitaires » que les producteurs européens.
Au Brésil, près de trois fois plus de pesticides sont épandus à l'hectare, sans même parler du risque de déforestation importée ni des poulets élevés aux médicaments.
À la veille de la COP 28, j'en appelle à un minimum de cohérence. Où en sommes-nous dans l'instauration de véritables clauses miroirs et dans le renforcement du contrôle de nos importations ?
La France s'opposera-t-elle à cet accord en l'état ?
Aurons-nous surtout l'insigne honneur, en tant que parlementaires, de nous prononcer un jour sur sa ratification ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 30/11/2023
Réponse apportée en séance publique le 29/11/2023
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Votre question me donne l'occasion de rappeler que la France défend une politique commerciale équilibrée. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et CREC-K.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vraiment très équilibrée !
Mme Catherine Colonna, ministre. Équilibrée, parce qu'elle doit être au service de notre souveraineté économique et nous permettre de sécuriser et de diversifier nos chaînes d'approvisionnement, tout en s'inscrivant dans le respect de nos exigences en matière de développement durable.
J'en viens au projet d'accord entre l'Union européenne et le Mercosur. À cet égard, les exigences de la France sont claires. Nous ne pouvons pas accepter l'accord tel qu'il a été négocié en 2019. Celui-ci doit être complété par des engagements additionnels contraignants - j'y insiste - et ambitieux en matière de développement durable, s'agissant en particulier du respect effectif de l'accord de Paris et de la lutte contre la déforestation.
Nous continuons de défendre cette position auprès de la Commission européenne. Celle-ci travaille avec les États du Mercosur, qui ne sont pas totalement alignés, pour que ces garanties supplémentaires soient intégrées à l'accord. Celles-ci sont indispensables à nos yeux.
Nous devons aussi nous assurer de la réciprocité dans le respect des normes européennes par les producteurs des pays tiers. Nous souhaitons que les propositions européennes soient complétées, lorsque c'est pertinent, dans le plein respect des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) par des clauses miroirs. Celles-ci garantiront que les efforts consentis par nos agriculteurs européens ne sont pas remis en cause par des importations de produits provenant de pays dont les normes de production ne respectent pas le même niveau d'exigence que les nôtres, ce qui serait tout à fait inacceptable.
Je vous le confirme volontiers, madame la sénatrice : sans le respect des exigences de la France, il ne saurait y avoir d'accord. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. C'est très clair !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la ministre, votre réponse n'est pas si rassurante que cela.
N'ayons pas peur de défendre les intérêts de la France ! Il y a quelques jours, l'Australie a refusé de conclure un accord avec l'Union européenne parce qu'elle considérait, en particulier, qu'elle ne pourrait pas le défendre devant ses éleveurs.
Vous devez faire de même en France, afin que la voix de notre pays compte autant que celle des autres pays. Il y va de notre souveraineté. Si vous ne voulez pas que l'ensemble du peuple et ses représentants se braquent encore plus brutalement contre le libre-échange et contre l'Union européenne à l'avenir, agissez, et défendez les intérêts de la France ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. - Mmes Cécile Cukierman et Silvana Silvani applaudissent également.)
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