Question de M. JACQUIN Olivier (Meurthe-et-Moselle - SER) publiée le 19/10/2023
M. Olivier Jacquin attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur les conséquences néfastes de la baisse de la contribution au développement de l'emploi (CDE) dans les « territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) à partir du 1er octobre 2023. Celle-ci correspond à une diminution de la prise en charge par l'État des emplois créés dans le cadre du dispositif de 102 % à 95 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). C'est ainsi que l'enveloppe de 69 millions d'euros allouée à l'expérimentation au projet de loi de finances pour 2024 est largement insuffisante et ne permettra pas de mettre en oeuvre le droit à l'emploi dans les territoires. Sans hausse du budget, les embauches seront gelées dans les 58 territoires expérimentaux et la perspective d'habilitation de territoires supplémentaires devient irréaliste. D'autant plus que, par conséquence, il faut savoir que la prise en charge des conseils départementaux diminuera également puisqu'elle correspond à 15 % de la somme prise en charge par l'État.
Il s'agit là d'un véritable coup de boutoir donné à des dynamiques locales pourtant florissantes. L'expérimentation vise le retour à l'emploi des personnes qui en sont privées durablement d'emploi. Il s'agit de leur trouver des solutions non seulement dans des entreprises existant préalablement sur le territoire mais aussi à travers la montée en charge des entreprises à but d'emploi (EBE). La première étape expérimentale débutée en 2016 a été un tel succès que le nombre de territoires habilités est passé de 10 à 58 à partir de 2021.
Comment peut-on espérer un financement de l'ingénierie de projet digne de ce nom dans ces conditions ? Comment peut-on espérer tendre vers l'objectif prioritaire de plein emploi réaffirmé par le Gouvernement sans perpétuer et généraliser le retour à l'emploi des 4 % d'« invisibles » les plus éloignés de l'emploi ? Les TZCLD sont la clef de voûte d'une société où régnerait davantage d'équité sociale dans la mesure où ils font (re)naître des projets chez les demandeurs d'emploi les plus précaires pour qui les solutions classiques ne fonctionnent pas. Elles s'inscrivent notamment au coeur des politiques publiques en faveur des personnes en situation de handicap, dont le taux de chômage correspond au double de celui de l'ensemble de la population active, en mettant au coeur de leur stratégie le recrutement inclusif. Sur ce point, nous pouvons mesurer l'excellence de cette expérience par un seul chiffre : 23 % des salariés en EBE sont en situation de handicap.
Par ailleurs, les acteurs des TZCLD, loin de faire du tort à l'existant, s'inscrivent dans les maillages territoriaux et font office de chaînon manquant pour renforcer le tissu économique. Ces acteurs sont à l'écoute des entreprises qui rencontrent des problèmes de recrutement. C'est pourquoi les EBE, correspondent à de véritables variables d'ajustement et s'inscrivent dans le cadre d'activités utiles au territoire. Ce coup de boutoir donné aux TZCLD est ainsi préoccupant pour la prospérité économique de nos territoires. La mise à mal du dispositif risque d'ailleurs de renforcer les disparités socio-spatiales. au détriment des territoires ruraux qui risquent d'en pâtir davantage que les métropoles qui connaissent beaucoup moins d'obstacles à la recherche de financement que les petites communautés de communes. Les TZCLD ne subsisteront bien malheureusement pas dans les territoires les plus favorisés si le gouvernement ne fait pas machine arrière.
Ainsi, il se demande si le Gouvernement entend rétablir le dispositif à la hauteur des grandes espérances qu'il nourrit dans le cadre de la lutte contre la précarité et la redynamisation de nos territoires.
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Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 30/11/2023
La loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » a prolongé, pour une durée de cinq ans l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Elle est mise en place dans soixante territoires, dont les dix territoires habilités dans le cadre de la loi du 29 février 2016. A ce jour, 58 territoires sont habilités, La possibilité d'augmenter le nombre de territoires habilités au-delà de soixante est ouverte, à titre dérogatoire, par décret en Conseil d'État. Cette expérimentation fait l'objet d'une évaluation conduite par un comité scientifique, composé de personnalités reconnues pour leurs compétences académiques et de représentants des services des études et des statistiques des personnes publiques intéressées. Ce comité scientifique, présidé par M. Yannick L'Horty, a été installé en juin 2023. Le rapport d'évaluation sera rendu en 2025. L'expérimentation est mise en place avec le concours financier de l'Etat et des départements concernés ainsi que des autres collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale volontaires mentionnés au Il de l'article 9 de la loi du 14 décembre 2020 et d'organismes publics et privés volontaires, susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces embauches. L'expérimentation a bénéficié d'un soutien conséquent et continu de l'Etat : entre 2017 et 2022, le financement de l'Etat est passé de 14,9 M en 2017 à 32,8 M en 2022. Entre 2021 et 2023 l'augmentation des crédits votés a été de 57 % pour atteindre 44,94 M, afin de financer en prévisionnel à fin 2023, un volume de 2 276 salariés en Equivalents Temps Plein (hors financements des Conseils Départementaux et autres partenaires). L'Etat apporte son concours financier à plusieurs titres. Il finance tout d'abord une dotation d'amorçage pour chaque ETP nouvellement créé, à hauteur d'un taux plafond de 30% du SMIC horaire, mais aussi un Complément Temporaire d'Equilibre (CTE) en cas de déséquilibre financier des structures et enfin une Contribution au Développement de l'Emploi (CDE). Un décret fixe la Contribution au Développement de l'Emploi (CDE) dans une fourchette de 53 à 102 % du SMIC par emploi. Elle était à 95 % avant la crise Covid, par l'arrêté du 26 décembre 2018. Elle a été montée à 102 % durant la crise Covid, soit le maximum, par un arrêté du 12 juillet 2021. Par un arrêté du 31 juillet 2023 elle a de nouveau été fixée à 95 % à compter du 1er octobre 2023, soit le même niveau qu'en 2019. Le taux reste dans le haut de la fourchette et n'induit pas une baisse du budget de l'expérimentation. En effet pour 2024, le budget dédié à cette expérimentation est porté dans le projet de loi de finances à hauteur de 68,6 ME, représentant une augmentation de 53% des crédits inscrits dans la loi de finances pour 2023, ce qui constitue la plus forte croissance du budget du ministère du travail.
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