Question de Mme MICOULEAU Brigitte (Haute-Garonne - Les Républicains) publiée le 08/06/2023

Mme Brigitte Micouleau attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, une nouvelle fois, sur la nécessité de créer une neuvième juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) à Toulouse.

Elle ne peut que reprendre le contenu de ses questions du 24 juillet 2018, puis du 29 octobre 2020 sur l'urgence de voir créée cette neuvième JIRS.

La situation, loin de s'améliorer, empire régulièrement et la fusillade du lundi 29 mai 2023 dans le quartier d'Empalot à Toulouse, qui a tué d'un coup de rafale d'arme automatique un jeune homme de 25 ans, dans un violent règlement de comptes sur fond d'un évident trafic de stupéfiant, en atteste.

La montée des violences, de la délinquance et de la criminalité organisée, sur Toulouse et ses communes limitrophes, est une triste réalité.

Créées par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, les JIRS regroupent des magistrats du parquet et de l'instruction disposant d'une compétence et d'une expérience particulières en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière. Elles sont aujourd'hui au nombre de huit : Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort-de-France. Les juridictions des ressorts des cours d'appel de Toulouse, Agen, Pau, Montpellier et Nîmes relèvent actuellement des JIRS de Bordeaux ou de Marseille.

Les JIRS, qui disposent de moyens techniques renforcés pour mener à bien leurs enquêtes, sont notamment compétentes en matière de trafic de stupéfiants et d'infractions commises en bandes organisées.

Or, Toulouse, quatrième ville de France, près de dix années après l'adoption de la loi, n'en est toujours pas pourvue.

En volume d'affaires, la justice toulousaine traite une masse de travail équivalente à celle de Marseille ou d'un tribunal de la première couronne parisienne ! Elle est néanmoins le seul tribunal du premier groupe à ne pas avoir de juridiction interrégionale spécialisée.

La création d'une JIRS à Toulouse, capitale de la région Occitanie, permettrait en outre de désengorger les JIRS de Bordeaux et de Marseille qui ont actuellement des délais de jugement déraisonnables sur les dossiers « JIRS », ce qui n'est pas, non plus, sans conséquence sur le traitement des autres affaires pénales au sein de ces juridictions.

Aussi, elle lui demande dans quel calendrier le Gouvernement serait enfin prêt à s'engager pour la création d'une JIRS à Toulouse.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 10/08/2023

La question de l'organisation et du fonctionnement des juridictions interrégionales spécialisées dans la lutte contre la criminalité organisée est au coeur des préoccupations du ministère de la Justice. De l'avis de l'ensemble des acteurs concernés, l'efficacité de l'action judiciaire dans ce domaine suppose de conserver un nombre limité de JIRS. La complexité des dossiers traités par ces unités nécessite effectivement l'intervention de magistrats expérimentés, maîtrisant des techniques à la fois opérationnelles et juridiques complexes, pour appréhender le caractère souvent national, voire très souvent transnational de cette délinquance. Il convient donc d'éviter la dispersion des moyens pour assurer le maintien d'équipes performantes en la matière et la cohérence de la stratégie nationale mise en oeuvre. Depuis la création des JIRS en 2004, les juridictions du ressort de la Cour d'appel de Toulouse se sont dessaisies en moyenne de 6 dossiers par an au profit de la JIRS de Bordeaux, les dossiers issus de ces juridictions représentant 17 % des dossiers dont cette dernière s'est saisie. La cour d'appel de Toulouse intervient en troisième position concernant l'origine des saisines de la JIRS de Bordeaux. Ces éléments ne paraissent pas justifier, au moins sur le plan quantitatif, la création d'une nouvelle structure, et ce d'autant que la JIRS de Bordeaux semble en mesure d'assurer convenablement le traitement des procédures qui lui sont confiées au titre de sa doctrine d'emploi. A cet égard, il convient par exemple de relever que le délai entre l'ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement et la date effective de l'audience de jugement est sensiblement le même au sein de la JIRS de Bordeaux que sur le reste des tribunaux de droit commun de l'inter-région, signe de la capacité de la JIRS de Bordeaux à absorber son flux de procédures. Il est toutefois indéniable que le ressort de Toulouse fait face à une problématique forte en matière de trafics de stupéfiants et de règlements de comptes qui n'en sont que le corollaire. A ce titre, la fusillade du 29 mai dernier représente une fois de plus l'exemple d'un recours décomplexé à l'extrême violence des trafiquants, dans une logique de conquête et d'emprise territoriales très marquée. Bien que cette affaire n'ait pas donné lieu à la saisine de la JIRS de Bordeaux - au regard des critères pratiqués par cette dernière et du contexte possiblement local du passage à l'acte mis au jour au stade des premières investigations - force est de relever la parfaite réactivité et l'investissement exemplaire des services d'enquête et des magistrats du tribunal judiciaire de Toulouse dans le traitement de cette procédure ayant abouti, en un temps très réduit, à l'interpellation et à la mise en examen d'un individu. De plus, la juridiction de Toulouse ne se trouve pas démunie pour répondre aux enjeux soulevés et s'est d'ores et déjà fortement mobilisée pour parvenir à un traitement spécialisé de ces affaires. Plusieurs dispositifs ont été mis en oeuvre pour accompagner la trajectoire fixée par la juridiction dans l'investissement qui est le sien en matière de lutte contre la criminalité organisée : - La définition du quartier des Izards comme quartier de reconquête républicaine (QRR), adossé à une Cellule de Lutte Contre les Trafics (CLCT) ; - La nomination d'un référent permanent « règlements de comptes » au sein du parquet de Toulouse et de la JIRS de Bordeaux, avec le projet de mettre en place sur l'inter-région un bureau de liaison dédié aux règlements de compte commis sur le ressort toulousain ; - La mise en place et le maintien d'un dialogue serein et constructif entre le parquet de Toulouse et la JIRS de Bordeaux, sous l'égide des deux procureurs généraux, facilitant la transmission d'informations utiles sur les dossiers. Le ministère, et en son sein la direction des affaires criminelles et des grâces, reste bien sûr particulièrement vigilant sur la situation du ressort, notamment par le truchement des remontées d'informations dont il est destinataire de la part de la Cour d'appel de Toulouse.

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