Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRCE) publiée le 01/06/2023
Mme Laurence Cohen interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur les décrets 2022-1262 et 2022-1264, publiés le 28 septembre 2023 et relatifs à la psychiatrie.
Ces décrets définissent un nouveau cadre de fonctionnement des activités de psychiatrie. Malheureusement, ils risquent d'entrainer une dégradation de l'organisation du travail.
Tout d'abord, ils font disparaitre la différence entre la psychiatrie publique et la psychiatrie privé, puisqu'il suffira que l'accès aux soins soit assuré, peu importe le statut. Il s'agit ici d'une remise en cause de la sectorisation, principe fondamental de la psychiatrie.
Les critères pour l'autorisation de l'installation des locaux favorisent clairement le privé, puisque la mise en conformité exigée, dans un délai de 2 ans, est très compliquée, voire impossible, pour le public sans financement spécifique. Ces délais contraints vont être un prétexte de plus pour fermer des lits dans le public au profit de grands groupes privés.
Sur le personnel, les décrets ouvrent la possibilité de la présence d'un seul infirmier, et ce, dans une équipe pluridisciplinaire, et non plus, dans un service. Cette mutualisation qui ne dit pas son nom constitue un véritable recul dans la prise en charge des patients et patientes avec également la possibilité d'une interchangeabilité des professions paramédicales, en cas de pénurie. À ce titre, la phrase « un professionnel référent pour chaque patient » est floue et dangereuse, annulant les spécificités des métiers.
De même, ces décrets marquent un recul en termes de présence d'un médecin psychiatre, en remplaçant les gardes physiques par une astreinte à domicile et en favorisant le recours à la télémédecine.
Enfin, ils ouvrent la possibilité à l'hébergement des mineurs et mineures dans des unités adultes, au lieu de financer de nouvelles places d'hospitalisation pour un accueil spécifique et adapté.
Au regard de tous ces éléments, elle lui demande s'il compte abroger ces 2 décrets, avant leur application prévue le 1er juin 2023. Elle regrette que ces décrets aient été publiés sans discussion notamment avec les parlementaires. Quant aux professionnels, qui eux non plus n'ont pas été concertés, elles et ils sont très inquiets et craignent une nouvelle dégradation de leurs conditions de travail et de la prise en charge des patients et patientes.
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Transmise au Ministère de la santé et de la prévention
Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 24/08/2023
Le nouveau régime d'autorisations de l'activité de psychiatrie, tel que défini par le décret n° 2022-1263 du 28 septembre 2022 relatif aux conditions d'implantation de l'activité de psychiatrie et le décret n° 2022-1264 du 28 septembre 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l'activité de psychiatrie, est entré en vigueur le 1er juin 2023. Cette évolution s'inscrit dans le cadre de la révision des régimes d'autorisations de toutes les activités de soins et d'équipements matériels lourds, articulée avec la stratégie de transformation du système de santé « Ma Santé 2022 » annoncée par le Président de la République en septembre 2018. La réforme a pour objectif opérationnel l'amélioration de la qualité et de la sécurité des prises en charge, une meilleure adaptation à l'innovation en santé et une plus grande territorialisation de l'offre de soin par le développement du « faire ensemble » notamment. Pour rappel, l'activité de psychiatrie est soumise à autorisation en application de l'article R. 6122-25 du Code de la Santé publique (CSP). Or, aucun texte de niveau règlementaire n'encadrait jusqu'à présent les autorisations de psychiatrie. Seules étaient fixées des conditions techniques de fonctionnement pour les établissements de santé privés (articles D. 6124-463 à D. 6124-469 du CSP). Dès lors, ces nouveaux textes ont vocation à définir les conditions d'implantation et de fonctionnement pour l'ensemble des établissements autorisés à l'activité de psychiatrie, quel que soit leur statut administratif. Pour ce qui est des ressources humaines, les articles D. 6124-256, D. 6124-260 et D. 6124-263 du CSP identifient un seuil plancher de professionnels devant nécessairement être présents dans les unités de psychiatrie de l'adulte, psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et psychiatrie périnatale. Ces articles insistent sur la nécessaire pluridisciplinarité des équipes médicales et paramédicales présentes dans ces services. Par ailleurs, l'article R. 6123-185 du CSP évoque la possibilité pour le titulaire de l'autorisation de mettre en place des activités de télésanté et une mobilité des équipes afin d'apporter son concours aux professionnels de premier recours, aux autres établissements de santé ainsi qu'aux établissements et services sociaux et médico-sociaux pour organiser le bilan et l'évaluation du patient, construire son projet thérapeutique et faciliter son orientation. L'article D. 6124-253 du CSP prévoit également que le titulaire de l'autorisation dispose des équipements permettant de dispenser une activité de télésanté. Loin de remplacer les gardes physiques des professionnels, ces dispositions permettent de renforcer les moyens de prise en charge des patients à l'endroit où ils se trouvent (domicile, établissement médico-social, autre établissement de santé), en favorisant l'aller-vers. Les conditions d'implantation et les conditions techniques de fonctionnement de l'activité de psychiatrie s'appliquent aux établissements de santé publics comme aux établissements privés, dans un souci d'égalité et afin d'assurer la même qualité de prise en charge pour l'ensemble des patients. Cela ne remet pas en cause le principe de sectorisation, qui demeure le principe de base en psychiatrie inscrit dans la loi à l'article L. 3221-4 du CSP et qui est au contraire renforcé. L'instruction n° DGOS/R4/2022/257 du 2 décembre 2022 relative à la mise en oeuvre de la réforme des autorisations de l'activité de psychiatrie précise que le régime des autorisations en psychiatrie s'inscrit dans une logique d'organisation territoriale. Il fixe ainsi une obligation aux établissements non désignés pour la mission de secteur d'exercer leur activité en partenariat avec l'établissement assurant cette mission de psychiatrie de secteur dans la zone d'intervention dans laquelle ils sont implantés par le biais d'une convention. Pour mémoire, les établissements de secteur sont également assujettis à une obligation de partenariat avec les établissements non désignés pour assurer cette mission. La logique de secteur prévaut également dans le cadre de la mention soins sans consentement. En effet, si les objectifs quantifiés de l'offre de soins pour la mention soins sans consentement ne sont pas atteints, le directeur général de l'ARS désignera parmi les établissements de santé autorisés en psychiatrie et désignés pour assurer la mission de psychiatrie de secteur, ceux qui doivent demander l'autorisation pour cette mention. Enfin, la prise en charge des mineurs en psychiatrie est très encadrée par la réforme des autorisations et précisée par l'instruction citée précédemment. Tout d'abord, les nouveaux textes indiquent que jusqu'à seize ans un mineur est obligatoirement pris en charge dans un établissement titulaire d'une autorisation à la mention « psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ». Entre 16 et 18 ans, la prise en charge dans un établissement uniquement autorisé à la mention "psychiatrie de l'adulte" peut se faire à titre exceptionnel. Le titulaire doit organiser dans ce cas et si nécessaire le transfert dès que possible dans un établissement de « psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent » ou dans une unité mixte. Le patient mineur ne peut partager sa chambre avec un patient majeur. La sécurité du patient mineur doit spécifiquement être organisée par la direction de l'établissement. Par ailleurs, les textes mentionnés ci-dessus précisent que le passage d'une prise en charge en « psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent » à une prise en charge en « psychiatrie de l'adulte » doit être organisé et formalisé via un protocole associant les deux services concernés. Il s'agit, à titre principal, d'éviter les ruptures de soins, de faciliter les relais et ainsi de fluidifier les parcours de soins, dès lors que l'adolescent devient jeune adulte, cette étape ayant vocation à être anticipée pour les adolescents déjà connus et accompagnés par les services. Ce protocole précise notamment les modalités de communication entre les équipes médicales et soignantes des deux services et la répartition des rôles entre les équipes (nomination de référents, réunions de synthèse, information et accompagnement des familles ). Au regard des problématiques et des troubles spécifiques pouvant toucher cette tranche d'âge (passage à l'âge adulte, rapport à la scolarisation et aux études, apparition de premiers symptômes psychotiques ), il peut être pertinent de proposer une prise en charge spécifique et adaptée, regroupant des adolescents et jeunes adultes, au sein d'unités dédiées, dites « mixtes ». Pour ouvrir de telles unités, le titulaire doit être autorisé pour les mentions « psychiatrie de l'adulte » et « psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent » ou avoir conclu une convention avec un titulaire de la mention « psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent ». Si le titulaire est autorisé uniquement pour la mention « psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent », il doit conclure une convention avec un titulaire de la mention « psychiatrie de l'adulte ». Il est rappelé que les patients mineurs ne peuvent partager leur chambre avec les patients adultes. Les établissements qui demandent un renouvellement d'autorisation disposent d'un délai de 2 ans pour la mise en conformité de leurs locaux, les autres dispositions devant être conformes dès l'autorisation par l'Agence régionale de santé (ARS). 38 millions d'euros de financements dédiés accompagnent cette évolution, qui seront délégués par la direction générale de l'offre de soins aux ARS entre 2023 et 2024. Dans le cadre d'une demande d'autorisation ex nihilo, les établissements disposent de trois ans avant d'entamer les travaux de mise en conformité, et de quatre ans avant l'accueil du premier patient. Enfin, les textes ont été travaillés avec les représentants des professionnels de santé, des directions d'établissement, les ARS, les fédérations représentatives d'établissements ainsi que les représentants des usagers et des familles.
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