Question de Mme CANAYER Agnès (Seine-Maritime - Les Républicains-A) publiée le 11/05/2023

Mme Agnès Canayer expose à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, la nécessité d'une création d'un budget opérationnel de programme (BOP) en Normandie entre l'unité opérationnelle (UO) de Rouen et celle de Caen.
Jusqu'en 2011, chaque cour d'appel était dotée d'un BOP, réunissant les ressources allouées aux juridictions. Depuis le 1er janvier 2012, c'est toute l'architecture budgétaire du programme 166 « justice judiciaire » qui a évolué avec la constitution de BOP interrégionaux regroupant les moyens alloués à certaines cours d'appel afin d'optimiser les circuits de gestion administrative et budgétaire.
Depuis, les chefs de cour responsables des BOP interrégionaux en assurent le pilotage et sont garants de son exécution devant le responsable de programme mais ils n'interfèrent à aucun titre dans le choix des politiques juridictionnelles dans le ressort des cours qui leur sont rattachées.
En Normandie, cette architecture interrégionale se traduit par un rattachement de l'UO de Rouen au BOP Grand Nord géré par la cour d'appel de Douai, et celle de Caen au BOP Grand Ouest qui relève de la cour d'appel de Rennes.
Cette organisation conduit à écarteler la cour d'appel de Rouen artificiellement rattachée à quatre autres cours d'appel en fonction des thématiques, comme celle de Douai pour la masse salariale et le pilotage budgétaire, celle d'Amiens pour l'exécution budgétaire, celle de Rennes pour la zone de défense, l'informatique, l'immobilier et l'action sociale ainsi que celle de Caen pour la formation.
Cette organisation emporte de graves conséquences sur le pilotage régional de la justice en Normandie, le rendant inefficace et nuisant à sa nécessaire participation aux politiques publiques territoriales.
Cette situation illustre parfaitement les conclusions du rapport des États généraux de la justice qui préconisaient de « mettre fin à la discordance entre les cartes administratives et judiciaires au niveau régional en instaurant des régions judiciaires calquées sur les régions administratives chargées du pilotage administratif et budgétaire ».
Elles confortent aussi le référé n° S2019 1195 de la Cour des comptes qui démontrait le besoin de « redéfinir les ressorts des cours d'appel au sein des limites régionales et en réduire le nombre, en constituant chacune d'elles en BOP à UO unique ».
Ainsi, lors de sa présentation de la réforme de la justice, le 5 janvier 2023, il appelait à renforcer par déconcentration les pouvoirs des BOP.
C'est pourquoi la création d'un BOP Normand est indispensable pour assurer l'efficience de l'action de la justice au niveau régional, répondant parfaitement aux recommandations des États généraux de la justice et étant cohérente avec le schéma territorial de toutes les autres administrations de l'État.
À l'occasion de cette réforme, elle attire son attention sur la nécessité d'unifier les moyens de fonctionnement des juridictions de la région judiciaire de Normandie, sachant que les ressorts de Rouen et de Caen concordent en tous points aux limites géographiques de la région administrative. Elle souhaiterait donc connaître la position du Gouvernement quant à la création d'un BOP Normand entre l'unité opérationnelle (UO) de Rouen et celle de Caen.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 17/05/2023

Réponse apportée en séance publique le 16/05/2023

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 673, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Agnès Canayer. Madame la ministre, pendant près de cinquante ans, l'administration française aimait tellement la Normandie qu'elle en avait créé deux. Depuis 2015, la Normandie est réunifiée au bénéfice de sa rationalité et de sa performance.

Pourtant, ce rapprochement naturel demeure inabouti. En effet, l'organisation de la justice en Normandie est tout sauf normande. Elle est tantôt nordique, tantôt bretonne !

Ainsi, l'unité opérationnelle (UO) de Rouen est rattachée au budget opérationnel de programme (BOP) Grand Nord, géré par la cour d'appel de Douai, quand celle de Caen dépend du BOP Grand Ouest, relevant de la cour d'appel de Rennes.

Cette organisation subordonne la cour d'appel de Rouen à quatre cours d'appel selon les thématiques, entraînant de graves conséquences sur le pilotage de la justice en Normandie. Cette situation amenuise l'efficacité judiciaire, voire l'entrave.

Cet état de fait illustre parfaitement les conclusions du rapport des états généraux de la justice, lequel pointait « la discordance entre les cartes administratives et judiciaires au niveau régional ».

La création d'un BOP normand est indispensable pour assurer l'efficacité de l'action de la justice à l'échelon régional tout en étant en cohérence avec le schéma territorial de toutes les autres administrations de l'État.

Les acteurs normands demandent de la cohérence territoriale. Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à la création d'un BOP normand ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Canayer, comme vous le savez, le Gouvernement et le garde des sceaux sont très attachés à la proximité de l'institution judiciaire avec les territoires.

Le garde des sceaux connaît à la fois votre engagement pour votre territoire, mais également pour la justice de notre pays.

Cette question d'organisation budgétaire et comptable revêt une importance toute particulière à l'heure où il s'apprête à présenter la loi de programmation pour la justice. En effet, ces 7,5 millions d'euros supplémentaires sur cinq ans que M. le garde des sceaux vous propose d'accorder aux tribunaux et à l'administration pénitentiaire ont une évidente contrepartie : celle de la bonne gestion.

La question que vous soulevez est donc en lien direct avec la transformation majeure que le garde des sceaux porte pour la justice. L'une des clés du succès est bien celle de la réorganisation des services administratifs déconcentrés de l'administration judiciaire.

C'est la raison pour laquelle le garde des sceaux a demandé à l'administration de mettre en place une grande opération de déconcentration au 1er janvier 2024. Aujourd'hui, nous sommes encore en train d'envisager toutes les hypothèses pour bâtir un projet cohérent. Vous comprendrez que nous ne pouvons donner une réponse ferme sur une cour d'appel alors que nous souhaitons penser une solution plus globale.

Toutefois, le garde des sceaux conserve en mémoire votre proposition particulièrement bien étayée. Il vous suggère d'en discuter prochainement avec lui à la Chancellerie afin d'avancer sur des propositions concrètes.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.

Mme Agnès Canayer. M. le garde des sceaux me fait une réponse de Normand (Sourires.), qui ne satisfait en rien la Normandie !

Nous connaissons bien les intentions de M. le garde des sceaux à propos de la justice, mais je tenais ce matin à attirer particulièrement son attention sur l'enjeu pour la Normandie d'une telle réorganisation, dont nous ignorons les contours exacts.

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