Question de Mme GUILLOTIN Véronique (Meurthe-et-Moselle - RDSE) publiée le 23/03/2023

Mme Véronique Guillotin attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé sur la situation des infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (IBODE). Le Conseil d'État a précédemment annulé des décrets de 2019 et 2021 précisant le cadre dans lequel des infirmiers, travaillant au bloc mais non titulaires du diplôme d'infirmier de bloc opératoire, pouvaient réaliser de manière transitoire certains actes que seuls les IBODE ont officiellement le droit de pratiquer.

Un nouveau décret permettant d'élargir ces mesures transitoires a été présenté. Le 9 février 2023, le haut conseil des professions paramédicales (HCPP) s'est prononcé contre ce projet de décret. Il prévoit la diminution des actes exclusivement opérés par les IBODE. Ces actes font pleinement partie de la fonction de ces infirmiers, formés pendant près de 18 mois à cette spécialité. Étendre les mesures transitoires à tous les actes exclusifs des IBODE est vécu par ces professionnels de santé comme une amorce de disparition de leur spécialité et donc de leurs compétences propres.

En ne contrebalançant cette ouverture d'acte pour tous les infirmiers que par l'ajout de 28 heures de formation (contre 18 mois de formation pour les IBODE), la profession craint une atteinte à la sécurité des patients au bloc opératoire. L'expertise de ces infirmiers spécialisés est essentielle, leurs connaissances permettent d'anticiper certains gestes du chirurgien, de gérer les dispositifs médicaux et de superviser la logistique essentielle au bon déroulement d'une opération.

Ainsi, attachée à la pérennité de nos professions de santé, elle lui demande de préciser la position du Gouvernement sur les carrières des infirmiers IBODE et d'indiquer si des mesures correctrices pourraient être prises pour répondre aux inquiétudes soulevées par ces professionnels.

- page 1955


Réponse du Ministère auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargé de l'organisation territoriale et des professions de santé publiée le 04/05/2023

Depuis la crise sanitaire, le pays doit faire face à une crise de ressources humaines, non seulement aux urgences, mais dans tout l'hôpital. Au-delà des explications conjoncturelles, elle révèle des fragilités profondes de notre système de santé dont le ministère chargé de la santé et de la prévention a pleinement conscience. Pour y remédier, différents dispositifs sont d'ores et déjà déployés ou en cours de construction, en particulier autour des infirmiers de bloc opératoire diplômés d'Etat (IBODE). Depuis 2015, les IBODE se sont vus reconnaitre par le décret n° 2015-74 du 27 janvier 2015, l'exclusivité d'exercice de certains actes techniques en bloc opératoire. Ce décret prévoit que, dès son entrée en vigueur, les actes et activités énumérés à l'article R. 4311-11-1 du code de la santé publique, lorsqu'ils ne sont pas accomplis par le chirurgien lui-même, ne peuvent être accomplis que par des infirmiers titulaires du diplôme d'Etat de bloc opératoire (IBODE), leur en confiant ainsi l'exclusivité. Dans sa décision n° 389036 du 7 décembre 2016, le Conseil d'Etat a considéré que, s'agissant de ses conditions d'entrée en vigueur, le décret du 27 janvier 2015 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il confie une exclusivité aux IBODE (hors chirurgiens) dans la réalisation des actes du b) du 1° de l'article R. 4311-11-1 sans prévoir de dispositions transitoires, compte tenu des conséquences d'une telle mesure sur le fonctionnement des blocs opératoires. Afin de remédier à court terme aux difficultés actuelles d'organisation dans les blocs opératoires et en raison de la décision du Conseil d'Etat, un dispositif transitoire a été déployé en 2019 pour permettre aux infirmiers en soins généraux expérimentés exerçant en bloc opératoire de continuer à réaliser trois de ces actes exclusifs selon des conditions prévues dans le texte (décret n° 2019-678 du 28 juin 2019 relatif aux conditions de réalisation de certains actes professionnels en bloc opératoire par les infirmiers et portant report d'entrée en vigueur de dispositions transitoires sur les infirmiers de bloc opératoire). Ce dispositif a par la suite été simplifié par le décret n° 2021-97 du 29 janvier 2021. En sus des IBODE, les blocs opératoires disposent donc actuellement d'un effectif de professionnels infirmiers bénéficiant d'une autorisation d'exercice en bloc opératoire qui sont en mesure de mettre en oeuvre spécifiquement ces trois actes. Cependant, le nombre d'IBODE actuellement disponibles est insuffisant pour répondre aux besoins des blocs opératoires, notamment en raison de la reprise de l'activité opératoire. Par ailleurs, le Conseil d'Etat, dans sa décision n° 434004 du 30 décembre 2021 enjoint le Gouvernement à prendre des nouvelles dispositions transitoires complémentaires. En ce sens, des discussions avec les représentants de la profession IBODE, des chirurgiens, des employeurs et des organisations syndicales ont été menées jusqu'au début de l'année afin de sécuriser l'activité dans les blocs opératoires en reconnaissant le droit à des personnels suffisamment expérimentés de réaliser l'ensemble des actes exclusifs. L'objectif est de définir des conditions qui répondent à la réalité de l'activité et des relations entre professionnels au sein des blocs opératoires. Ce dispositif s'accompagnera de mesures engageant l'ensemble des acteurs impliqués dans l'activité du bloc opératoire afin de proposer une réponse globale, pérenne et opérationnelle aux problématiques liées aux difficultés d'organisation et de formation des professionnels dans les blocs opératoires. Parallèlement, la profession d'IBODE a connu de récentes revalorisations du métier en matière de rémunération et de formation. En effet, pour reconnaître l'importance de la place et du rôle tenus par les infirmiers de bloc opératoire, leur formation a été réingéniée en 2022 à partir de la construction rénovée de la certification. Les référentiels d'activités, de compétences et de formation ont ainsi été actualisés afin de tenir compte des nouvelles compétences nécessaires pour exercer cette profession. Le diplôme d'Etat est désormais délivré par les universités et confère le grade de master. La nouvelle organisation en blocs de compétences mise en place facilitera les modalités de validation des acquis et de l'expérience mais également la mutualisation possible de certains enseignements transversaux communs à plusieurs formations paramédicales. Cette étape complète la mesure mise en place en 2020 de suppression des deux ans d'expérience professionnelle pour accéder à la formation et vise à renforcer son attractivité. De plus, les dispositions sur la procédure de sélection des candidats ont également été rénovées, notamment pour les apprentis. Afin de lever les freins à leur recrutement, les apprentis sont ainsi dispensés du processus de sélection dès lors qu'ils ont déjà été sélectionnés par un employeur. La formation est ainsi accessible par la voie de l'alternance, en contrat d'apprentissage ou en contrat de professionnalisation, et l'enregistrement en cours du diplôme d'Etat d'infirmier de bloc opératoire au répertoire national des certifications professionnelles permettra aux candidats de mobiliser leur compte personnel de formation. Par ailleurs, afin de reconnaître les sujétions et l'engagement des personnels hospitaliers, les mesures RH des accords du Ségur de la santé du 13 juillet 2020 ont permis une revalorisation substantielle des rémunérations et des carrières des agents de la fonction publique hospitalière (FPH). En particulier, les IBODE de la FPH ont bénéficié d'une revalorisation de leur rémunération : - par le versement du complément de traitement indiciaire de 183 euros net par mois ; - par leur reclassement sur de nouvelles grilles indiciaires au 1er octobre 2021 leur ayant permis un gain immédiat de 16,4 points, l'équivalent, avant revalorisation de la valeur du point d'indice, de 76,85 euros brut par mois. Enfin, leurs perspectives de carrière ont été substantiellement revalorisées avec un indice terminal désormais situé à l'IM 764, contre l'IM 658 auparavant, soit un gain en fin de carrière de 106 points, l'équivalent de 514,10 euros brut par mois. De nombreuses avancées ont donc été réalisées en matière de reconnaissance des IBODE au cours des dernières années. Le ministère souhaite toutefois aller plus loin en conduisant des travaux plus globaux autour du métier d'infirmier (missions, compétences, formations, carrières,…) au cours de l'année 2023. Ils seront l'occasion de poursuivre ces travaux autour des IBODE et des évolutions à envisager.

- page 2972

Page mise à jour le