Question de Mme EUSTACHE-BRINIO Jacqueline (Val-d'Oise - Les Républicains) publiée le 23/03/2023
Mme Jacqueline Eustache-Brinio attire l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'internat forcé des enfants tibétains par la Chine dont l'organisation des Nations unies (ONU) s'est saisie récemment. Des experts de l'ONU se sont, en effet, alarmés de la séparation forcée d'un million d'enfants tibétains de leurs familles et de leur assimilation forcée dans des internats par la Chine.
La politique chinoise pour supprimer la culture tibétaine s'est intensifiée ces dernières années notamment avec des contrôles restrictifs à toute évocation de la culture tibétaine dans la presse, la suppression des départements tibétain, mongol et ouïghour dans les universités, l'interdiction aux familles tibétaines d'accueillir les pèlerins des autres régions comme la tradition tibétaine l'enseigne. S'agissant de l'éducation, une nouvelle politique impose depuis 2016, une pré-scolarité pour les enfants de 4 à 8 ans, exclusivement en chinois, obligatoire et en internat. Ces jeunes enfants sont ainsi coupés de leur famille la semaine et, dans la grande majorité des cas, pendant plusieurs mois pour les nomades. Ce système toucherait 150 000 Tibétains, et à ce rythme, dans 15 ans, on estime que 70 % des Tibétains ne seraient plus en mesure de s'exprimer dans leur langue d'origine.
Le constat est général : après quelques mois, les enfants tibétains prennent des distances avec leurs parents, parlent entre eux en chinois et se comportent chez eux comme des étrangers. Une première conséquence se lit dans la baisse du taux de natalité des Tibétains.
Malheureusement, les parents, les professeurs et le gouvernement tibétain en exil résistent difficilement à cette sinisation forcée de la nouvelle génération de Tibétains. Les professeurs ne peuvent se soustraire à ce système obligatoire car ils perdraient leur emploi. Les parents tentent de lutter en essayant de conserver un environnement tibétain dans les foyers (vêtements, musique, langue) lors des rares retours de leurs enfants. Le gouvernement en exil à Dharamsala, avec ses faibles moyens, continue à promouvoir l'éducation et la langue tibétaine au sein des communautés tibétaines en exil.
Elle lui demande quelles dispositions entend prendre le Gouvernement pour dénoncer et combattre ce processus, contraire aux droits de l'homme, de sinisation forcée des jeunes Tibétains qui conduit à une éradication programmée de la culture tibétaine.
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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 11/05/2023
La France est profondément préoccupée par les informations émanant de diverses organisations de la société civile, de chercheurs et d'institutions tibétaines, faisant état d'un système d'internats préscolaires à l'attention des jeunes enfants tibétains qui menacerait la transmission de la culture, de la langue et de la religion tibétaines aux nouvelles générations, et qui contreviendrait aux droits fondamentaux de l'enfant tels que reconnus par la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), parmi lesquels le droit de vivre en famille, ratifiée par la Chine en 1992. La France suit avec attention la situation des droits de l'Homme en Chine et plus particulièrement dans les régions caractérisées par leur diversité ethnique, telles que la région autonome du Tibet (RAT) et les autres provinces où vivent des populations tibétaines. Le respect des droits fondamentaux y connaît une évolution très préoccupante. La France déplore, en outre, le durcissement des conditions d'accès à la RAT et aux populations tibétaines, qui entravent la capacité de constater la bonne mise en oeuvre par la Chine de ses engagements. Dans le cadre du dialogue étroit, exigeant et constant qu'elle entretient avec la Chine, la France évoque de manière systématique la situation des droits de l'Homme lors de ses entretiens bilatéraux, jusqu'au plus haut niveau, en exhortant les autorités chinoises à respecter le droit international des droits de l'Homme, notamment la CIDE. La France porte également ses préoccupations publiquement dans les enceintes internationales relatives aux droits de l'Homme en Chine telles que le Conseil des droits de l'Homme ou la 3e commission de l'Assemblée générale des Nations unies. Au niveau européen, à l'occasion de la 38e session du dialogue UE-Chine sur les droits de l'Homme, le 17 février 2023, l'Union européenne (UE) a soulevé à plusieurs reprises la situation des droits de l'Homme au Tibet, ainsi que la répression qu'y subissent les défenseurs des droits. La France soutient enfin les travaux en cours en matière de devoir de vigilance des entreprises et de lutte contre le travail forcé, qui visent à faire de la puissance commerciale de l'UE un levier d'amélioration de la situation des droits de l'Homme à travers le monde, en particulier en Chine. Plus largement, la France appelle à la reprise du dialogue entre les envoyés du Dalaï-Lama et les autorités chinoises, afin de trouver une solution durable, respectueuse de la culture et de la langue tibétaines.
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