Question de M. MARIE Didier (Seine-Maritime - SER) publiée le 30/03/2023
M. Didier Marie attire l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique à propos de la situation du parc nucléaire français.
Alors que le Gouvernement souhaite faire adopter le projet de loi d'accélération du nucléaire, des événements récents l'interrogent sur la stratégie qu'elle souhaite mettre en place.
Elle souhaite revenir sur les ambitions de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui instaurait un objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique français. Sa volonté de créer 14 nouveaux réacteurs semble difficilement atteignable si l'on se fie aux coûts supplémentaires et aux retards du chantier du réacteur pressurisé européen (EPR) de Flamanville dans la Manche.
De plus, elle souhaite prolonger la durée de vie des réacteurs jusqu'à cinquante, voire soixante ans, quand ils ont été prévus pour une durée de vie de quarante. Les fissures repérées par l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sur trois réacteurs, dont deux à Penly en Seine-Maritime, sont des phénomènes qui risquent de se reproduire dans les années à venir, faisant courir un risque pour les personnes habitant à proximité des centrales, ainsi qu'un coût supplémentaire non négligeable sur notre économie.
Il lui demande comment elle envisage, compte tenu des difficultés actuelles rencontrées par le parc nucléaire français, de mener à bien sa stratégie en assurant la sécurité des Françaises et des Français et éviter les surcoûts liés à l'entretien des centrales actuelles et la construction des futurs EPR, sans que cela ne se réalise au détriment du développement des énergies renouvelables.
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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme publiée le 05/04/2023
Réponse apportée en séance publique le 04/04/2023
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 551, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.
M. Didier Marie. Madame la ministre, le Gouvernement a fait adopter son projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, avant même que le Parlement n'ait débattu d'un projet de loi d'orientation sur les choix énergétiques à faire pour notre pays. Nous sommes mis devant le fait accompli !
Au travers de ce texte, vous avez remis en cause les orientations de 2015, qui avaient pour objet de ramener la part du nucléaire dans le mix énergétique à 50 % à l'horizon de 2025. Cette date avait d'ailleurs été reportée à 2035 par une disposition de la loi de 2019 relative à l'énergie et au climat.
Dans ce texte, la fermeture progressive des réacteurs les plus anciens était prévue ; à l'inverse, vous souhaitez désormais prolonger leur durée de vie !
Or les événements récents suscitent mon interrogation sur cette stratégie. Les incidents dans les centrales existantes se sont récemment multipliés. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a notamment identifié de nouvelles et importantes fissures sur les circuits d'injection de sécurité des réacteurs nos 1 et 2 de Penly.
Dans le même temps, le Président de la République a décidé seul, sans concertation, en dépit du grand débat public, qui a dû être interrompu, de lancer la construction d'un EPR à Penly le premier d'une série de six , alors que celui de Flamanville, qui n'est pas très loin, multiplie les avaries. D'ailleurs, sa mise en service a de nouveau été reportée...
Madame la ministre, pouvez-vous me préciser la nature des dysfonctionnements du réacteur de Penly, m'indiquer dans quel délai et à quel coût ils seront résolus et m'assurer de la fiabilité du réacteur pour les vingt ans à venir ?
Par ailleurs, comment comptez-vous garantir que la rénovation du parc, dont l'état est vieillissant, et la construction de nouveaux EPR, dont les coûts sont considérables, ne se feront pas au détriment du développement des énergies renouvelables, pour lesquelles la France est le mauvais élève européen ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme. Monsieur le sénateur Marie, la stratégie de la ministre de la transition énergétique pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 repose sur l'efficacité énergétique, sur l'accélération du développement des énergies renouvelables et sur un nouveau programme nucléaire.
Tout d'abord, un plan de sobriété, élaboré en octobre 2022, a permis à notre pays de baisser avec succès sa consommation d'énergie de quelque 13 %, dès cet hiver. Nous avons plus fait en trois mois qu'en trente ans !
La loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, largement adoptée par le Parlement et que votre groupe a votée, monsieur le sénateur, a été promulguée le mois dernier.
Un projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, également largement adopté en première lecture, fera l'objet d'une commission mixte paritaire dans les prochaines semaines.
Le rapport Futurs énergétiques 2050 de Réseau de transport d'électricité (RTE) tend à confirmer que la poursuite du fonctionnement des réacteurs actuels constitue une option compétitive. Ce rapport vise également à montrer que la construction de nouveaux réacteurs est pertinente du point de vue économique et permet d'atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050, en évitant les paris industriels les plus incertains.
Par ailleurs, à Belfort, en février 2022, le Président de la République a exprimé le souhait de maintenir en état de fonctionnement les réacteurs actuels, dans le respect des conditions de sûreté, de construire six nouveaux réacteurs EPR 2 et d'engager des études pour la construction de huit EPR 2 supplémentaires. Dans ce cadre, un délégué interministériel au nouveau nucléaire été nommé pour coordonner ce programme et veiller au respect des délais, des coûts et des niveaux de qualité attendus.
Ensuite, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé à EDF, confrontée au problème de la corrosion sous contrainte, de réviser sa stratégie de programme de contrôle et de réparations. L'ASN, qui poursuit son dialogue technique avec EDF, afin de s'assurer de la pertinence du calendrier de contrôle associé, prendra toutes les prescriptions qu'elle jugera nécessaires pour garantir la sécurité de notre parc nucléaire.
Ainsi, la ministre Agnès Pannier-Runacher poursuit la stratégie énergétique, et énergique !, du Gouvernement, qui vise à faire cesser l'opposition entre les énergies renouvelables et le nucléaire, alors même que plus de deux tiers de la consommation énergétique de notre pays provient des énergies fossiles. C'est le combat de notre siècle, vous le savez, monsieur le sénateur.
Enfin, je vous invite à prendre contact avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher, retenue ce matin en conseil des ministres, pour obtenir une réponse à votre dernière question.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Il est vrai que, depuis le conflit en Ukraine, qui a des conséquences sur le coût de l'énergie, les Français ont une opinion plus favorable à l'égard du nucléaire.
Cependant, les risques sont toujours les mêmes : risque technologique, risque terroriste, risque de submersion à moyen terme, ou encore risque d'assèchement des fleuves. Je pense également aux risques liés à la dépendance vis-à-vis de pays instables et autoritaires pour l'approvisionnement en uranium.
Madame la ministre, la stratégie du Président de la République est, à mes yeux, une sorte de fuite en avant, qui coûtera des milliards d'euros aux Français, sans garantie en matière de sécurité et, hélas ! sans débat démocratique sur ce qui relève pourtant d'un choix de société.
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