Question de Mme PONCET MONGE Raymonde (Rhône - GEST) publiée le 12/01/2023
Question posée en séance publique le 11/01/2023
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour le groupe Écologiste Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Monsieur le ministre, vous avez présenté hier une réforme qui allonge de nouveau de deux ans l'âge de départ à la retraite. Vous avez balayé nos solutions alternatives pour combler un déficit que vous dramatisez sciemment et qui n'aurait jamais dû être un problème si le Fonds de réserve des retraites (FRR) avait été non pas siphonné, mais alimenté, comme cela était prévu.
Vous vous gardez de présenter le bilan de la contre-réforme de 2010, que vous vous apprêtez à copier : une baisse tendancielle du montant des pensions comme de la durée de vie à la retraite.
Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), la réforme de 2010 a déjà fait perdre presque un an de durée de retraite à la cohorte 1980. En cumulant toutes les réformes accomplies depuis 2010, plusieurs générations perdront jusqu'à vingt mois de durée de retraite.
Ces réformes ont affecté une grande partie des gains d'espérance de vie au travail, et la vôtre va empiéter sur les années de vie à la retraite en bonne santé. Il n'y a rien de plus inégalitaire, alors que, selon l'Institut national d'études démographiques (Ined), l'écart de vie en bonne santé est de dix ans entre catégories socioprofessionnelles.
Votre réforme s'en prend au droit au repos de tous les travailleurs, mais cogne plus dur sur les classes populaires, sur les ouvriers et sur les employés. Elle va allonger le sas de précarité de ceux qui ne sont ni en emploi ni en retraite, mais, pour partie, au chômage ou au revenu de solidarité active (RSA), et dont vous réduisez en même temps les droits.
L'attaque contre le monde du travail et la protection sociale est frontale et systémique. Elle dévoile ce que recouvre le credo du « travailler plus », pour perdre sa vie à la gagner, jusqu'à détruire l'habitabilité de notre planète.
Monsieur le ministre, considérez-vous vraiment que, après une crise sanitaire qui a questionné la place et le sens du travail, à l'heure des urgences, il est responsable d'imposer une réplique de la contre-réforme inégalitaire de 2010, et cela contre l'avis d'une très large majorité des Français et des représentants syndicaux ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 12/01/2023
Réponse apportée en séance publique le 11/01/2023
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Madame la sénatrice, finalement, votre question est : « Faut-il faire une réforme des retraites ? » La réponse est oui ! Et cela pour trois raisons, que vous retrouverez dans le rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR).
Premièrement, ce rapport indique que le système est déficitaire.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n'est pas vrai !
M. Olivier Dussopt, ministre. Il l'est dès 2023, avec une perte de 1,8 milliard d'euros. Il le sera en 2027, de 12,5 milliards d'euros, en 2030, de presque 15 milliards d'euros, en 2035, de 20 milliards d'euros par an et, en 2040, de 25 milliards d'euros par an.
L'enjeu de cette réforme est donc de préserver le système de répartition. C'est d'autant plus nécessaire que les chiffres du COR que j'avance correspondent à l'hypothèse du plein emploi. Nous le souhaitons, nous nous engageons en ce sens, mais cela reste une hypothèse optimiste.
Si le plein emploi n'était pas au rendez-vous, ces chiffres seraient encore plus élevés et le système serait encore plus en danger.
Le premier acte de solidarité est de permettre aux générations qui viennent de conserver un système de répartition sans être étouffées par la dette et assommées par les impôts.
Deuxièmement, il faut faire cette réforme, parce que, si nous ne la faisions pas là, le niveau de vie des retraités va baisser, comme le rapport du COR l'indique. Je ne suis pas certain, madame la sénatrice, que vous souhaitiez retrouver la situation des années 1970, quand les retraités étaient les pauvres du pays, alors que notre système par répartition leur a justement permis de bénéficier d'un niveau de vie identique à celui de l'ensemble des Français.
Troisièmement, il faut prendre en compte la démographie, comme l'a rappelé Mme la Première ministre : à la fin des années 1970, nous comptions 3 actifs cotisants pour 1 retraité. Aujourd'hui, il y a un tout petit peu plus de 1,5 actif pour 1 retraité. C'est la démonstration que le système ne tient pas. Il faut donc le réparer, avec des mesures d'accompagnement concernant la pénibilité ou les carrières longues pour protéger les plus fragiles.
Il faut également le réparer dans le débat. Je le dis ici parce que la secrétaire nationale de votre parti, Europe Écologie Les Verts, a appelé de ses vux la transformation de l'Assemblée nationale en ZAD (zone à défendre). (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Cela ne correspond pas à notre conception de la démocratie, et je souhaite que, au moins au Sénat, nous puissions mener un débat apaisé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour la réplique.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, la réponse des Français vous sera apportée le 19 janvier par leur mobilisation aux côtés des organisations syndicales, des partis de la gauche et des écologistes ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER. Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
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