Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 01/12/2022
Mme Nathalie Goulet attire l'attention de Mme la Première ministre au sujet d'ouvrages signés tant par des membres du Gouvernement que par des fonctionnaires, écrivant ès qualités.
Elle se demande s'il ne serait pas approprié de rappeler aux premiers qu'il est contraire aux usages de publier dans l'exercice de leurs fonctions.
Récemment, le directeur de cabinet de la cheffe du Gouvernement a fait paraître un livre, de même que trois ambassadeurs, dont l'un dans un pays en guerre, ainsi qu'une directrice d'établissement pénitentiaire et un ex-préfet de police, appelé à d'autres fonctions.
Ont-ils sollicité au préalable une autorisation hiérarchique et si oui, l'ont-ils obtenue car tout fonctionnaire est astreint à l'obligation de réserve dans le cadre de ses fonctions ?
Ne conviendrait-il pas de rappeler aux membres du Gouvernement comme à ceux de la fonction publique l'impérative nécessité de discrétion et de réserve ? Loin paraît l'époque où le secrétaire général des affaires étrangères, Philippe Berthelot, était inspiré d'énoncer : « Je ne puis que redire ma décision de ne pas écrire relativement à des questions que je ne connais qu'à raison des mes fonctions mêmes ».
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Transmise au Ministère de la transformation et de la fonction publiques
Réponse du Ministère de la transformation et de la fonction publiques publiée le 01/06/2023
S'agissant des membres du gouvernement, l'exercice de fonctions ministérielles ne fait pas obstacle à la production d'oeuvres de l'esprit. Les droits d'auteur perçus, à titre accessoire, doivent être déclarés auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, à l'instar des autres revenus perçus par les ministres. Les ouvrages écrits par les ministres ne sauraient porter sur des éléments couverts par le secret des délibérations du Gouvernement. En ce qui concerne les agents publics, l'article L. 123-1 du code général de la fonction publique dispose qu'ils ne peuvent exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve de certaines dérogations énoncées aux articles L. 123-2 à L. 123-8 du même code. L'article L. 123-2 permet ainsi aux agents publics de produire librement, sans autorisation ou condition préalable, des oeuvres de l'esprit au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, ce qui inclut notamment la production de livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques. L'article L. 123-2 précité du code général de la fonction publique précise cependant que la production des oeuvres de l'esprit s'exerce sous réserve des articles L 121-6 et L. 121-7 du même code relatifs respectivement au secret professionnel auquel sont astreints les agents publics et à l'obligation de discrétion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont les agents ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. Le respect de ces obligations s'impose donc explicitement aux agents publics produisant une oeuvre de l'esprit. S'agissant du contenu de ses opinions, l'agent public peut parler et écrire librement, et l'administration ne saurait exiger, quels que soient les sujets abordés, qu'il soumette à son supérieur hiérarchique, préalablement à leur publication, des articles ou ouvrages qu'il aurait écrits (Conseil d'État, 29 décembre 2000, Syndicat Sud Travail, n° 213590). Il demeure néanmoins responsable des propos qu'il tient publiquement et il est soumis au respect de l'obligation de réserve, d'origine jurisprudentielle, qui limite les modalités d'expression des opinions personnelles. Elle a pour objet d'éviter que des prises de position publiques de fonctionnaires ne portent atteinte à l'intérêt du service, à sa neutralité, ainsi qu'au bon fonctionnement de l'administration (conclusions du président Jacques-Henri Stahl, Conseil d'État 10 novembre 1999, n° 179962, Sako, Lebon T.). Dès lors qu'il rompt son obligation de réserve, l'agent s'expose à des poursuites disciplinaires et l'utilisation d'un pseudonyme ne l'exonère aucunement de cette responsabilité (Conseil d'État, 27 juin 2018, n° 412541, Lebon).
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