Question de M. KANNER Patrick (Nord - SER) publiée le 15/12/2022
Question posée en séance publique le 14/12/2022
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Ils avaient 23 ans. Ils sont morts pendus, l'un d'eux en public, condamnés par le régime des mollahs iraniens pour crime de guerre contre Dieu. Ils avaient un nom : Mohsen Shekari, Majid Reza Rahnavard. En leur mémoire, j'aimerais que le Sénat respecte quelques instants de silence.
Nous pouvons craindre qu'ils ne soient que les premiers d'une longue liste. En effet, le régime iranien a annoncé avoir condamné, via une justice expéditive, neuf autres personnes à la peine capitale dans le cadre des manifestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini.
La répression s'abat, aveugle, violente, sanglante. Depuis le début de la contestation, plusieurs milliers de personnes ont été arrêtées ; plusieurs centaines sont mortes ; 400 viennent d'être condamnées à des peines pouvant aller jusqu'à dix ans de prison. Les séides du régime veulent écraser un mouvement populaire dans lequel les femmes sont en première ligne et qui a l'émancipation pour but.
« Femme, Vie, Liberté ! » : ce slogan est porteur des espoirs d'un peuple. Nous devons être à la hauteur de cet espoir.
Le 9 novembre dernier, ma collègue Marie-Arlette Carlotti vous interpelait pour demander que la France exige l'exclusion de l'Iran de la commission de la condition de la femme des Nations unies. Malgré le retard, je suis heureux que votre gouvernement ait fini par écouter cette juste revendication. Cette exclusion est actuellement en débat à New York.
Certes, des sanctions ont été prises par l'Union européenne. Certes, les condamnations internationales existent. Mais sont-elles suffisantes devant l'ampleur de la répression ? Mes chers collègues, un baril de pétrole vaut-il plus que le sang d'un manifestant ?
Aussi, ma question est simple : alors que le peuple iranien se bat pour les droits humains, comment la France peut-elle l'aider ? Comment la France peut-elle agir, au sein de l'Union européenne, pour que la répression cesse et que la jeunesse iranienne, éprise de liberté, remporte son combat de lumière contre l'obscurantisme ? (Applaudissements.)
Réponse du Première ministre publiée le 15/12/2022
Réponse apportée en séance publique le 14/12/2022
M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Patrick Kanner, « Femme, Vie, Liberté ! » : ce slogan est né en Iran, mais il en a très vite dépassé les frontières. Ces trois mots sont un symbole puissant et un appel à la liberté.
En Iran, le régime dénie leurs droits aux femmes. Il les cible pour ce qu'elles sont. L'oppression que subissent les femmes ne date pas de la mort tragique de Mahsa Amini. Elle s'incarne dans les lois du pays : port du voile obligatoire, mariage précoce dès la puberté, interdiction de l'avortement, crimes d'honneur, etc. En Iran, devant les tribunaux, la parole d'une femme vaut la moitié de celle d'un homme.
Face à la négation de ces droits humains, un mouvement de protestation est né. Celui-ci ne faiblit pas : il s'est étendu à toute une partie de la jeunesse et se poursuit depuis maintenant deux mois, malgré la répression violente, qui a fait plus de 500 morts, dont des dizaines d'enfants. Au moins 15 000 personnes ont été arrêtées. Deux Iraniens ont déjà été condamnés à mort et exécutés à la suite de leur participation aux manifestations. Ce mouvement se poursuit malgré l'emprisonnement de toujours plus de journalistes.
Le Président de la République a eu l'occasion de dire notre admiration, notre respect et notre soutien à celles et ceux qui défendent les droits fondamentaux en Iran. Qu'il me soit permis, au nom du Gouvernement, de leur rendre hommage, de leur dire que nous sommes avec eux.
Face à la gravité de la situation, la France n'est pas impassible. Nous agissons, monsieur le président Kanner, de manière forte, ferme et résolue. Avec nos partenaires européens, nous avons envoyé lundi dernier, pour la quatrième fois, un signal puissant d'unité et de fermeté aux autorités iraniennes.
Nous avons encore élargi la liste des personnes et entités faisant l'objet de mesures restrictives en y ajoutant vingt membres du régime, ainsi que la radiotélévision iranienne Irib.
Nous prenons des sanctions significatives : gel des avoirs, interdiction de pénétrer sur le territoire de l'Union et interdiction de mettre des fonds ou des ressources économiques à la disposition des personnes et entités concernées.
Notre ligne est claire : nous mettrons tout en uvre pour que le régime iranien sorte de sa logique de répression.
Nous avons ainsi adopté, voilà deux jours, de nouvelles conclusions du Conseil de l'Union européenne sur l'Iran, qui établissent un cadre d'action européen d'une grande fermeté.
Enfin, nous soutenons les aspirations démocratiques du peuple iranien. La ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, a remis samedi, avec son homologue allemande, le prix franco-allemand des droits de l'homme à Mahsa Amini et aux femmes iraniennes.
Nous poursuivrons ces efforts sans nous laisser intimider. Le régime cible nos ressortissants ; certains d'entre eux sont détenus dans des conditions inacceptables. Nous continuons d'exiger leur libération. Ceux qui se trouvent en Iran, ou qui envisagent de s'y rendre, s'exposent à des risques de détention arbitraire. Je veux donc ici renouveler mon appel à la plus grande vigilance.
Monsieur le président Kanner, je le redis, la France est et restera aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui combattent pour la liberté, pour les droits humains. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER et UC.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Le Sénat a soutenu l'Arménie ; le Sénat a soutenu l'Ukraine : nous voulons aussi soutenir le peuple iranien dans son combat pour la liberté. J'aimerais qu'un jour celui-ci puisse faire siennes les paroles du beau poème de Paul Éluard, Liberté, écrit en 1942, et dire enfin : « Liberté, j'écris ton nom. » (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et UC. Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)
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