Question de Mme DUMAS Catherine (Paris - Les Républicains) publiée le 14/07/2022
Mme Catherine Dumas attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la situation préoccupante du tribunal judiciaire de Paris.
En effet, plusieurs chambres de ce tribunal font face à d'importants délais d'audiencement résultant de problèmes de moyens structurels aggravés par des facteurs conjoncturels, à savoir les grèves des avocats et des transports de l'automne 2019 suivies de la crise sanitaire à partir de mars 2020.
En dépit de la bonne volonté des magistrats et des greffiers, le tribunal ne peut pas remplir son office convenablement.
Elle rappelle, à cet égard, que la cour d'appel de Paris considère qu'une durée excessive de jugement est à l'origine pour le justiciable d'un « préjudice moral résultant du sentiment d'incertitude et d'anxiété anormalement prolongé qu'il a subi dans l'attente de voir sa situation appréciée » (CA Paris, pôle 2 ch. 1, 6 nov. 2018, n° 17/07921). C'est pourquoi l'État est régulièrement condamné sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire (COJ) et l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui exige de répondre dans des délais raisonnables aux requêtes des justiciables.
Au-delà de la question du respect du justiciable et de la qualité du service public de la justice, l'allongement des délais de jugement est susceptible de mettre à mal la compétitivité économique de la capitale.
Pour l'ensemble de ces raisons, il lui est demandé de bien vouloir mettre en œuvre des mesures concrètes permettant la résorption des stocks d'affaires en instance au tribunal judiciaire de Paris. En particulier, il lui est demandé de se prononcer sur les recommandations du rapport de la cour d'appel de Paris, en date du 5 mars 2021, tendant à clarifier, fluidifier et sécuriser la conciliation et la médiation judiciaires. Ce rapport souligne en effet que notre pays est marqué par une culture de l'affrontement au contraire des pays anglo-saxons, qui privilégient une approche fondée sur le compromis et la négociation.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 06/04/2023
Avec une enveloppe budgétaire sans précédent de 9,6 milliards d'euros, le ministère de la Justice bénéficiera en 2023 d'une nouvelle augmentation de 8 % de son budget, suivant les deux précédentes hausses de 8 % déjà accordées en 2021 et 2022. Ce sont ainsi 710 millions d'euros supplémentaires qui viendront abonder en 2023 le service public de la Justice. 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires ont en effet été accordés sur trois budgets consécutifs, passant ainsi de 7,6 milliards d'euros en 2021 à 9,6 milliards d'euros en 2023, soit une hausse inédite de 26 % du budget de la justice en trois ans et de plus de 40 % depuis 2017. Dans la continuité des conclusions des Etats généraux de la Justice, ces moyens permettront de renforcer les effectifs, d'améliorer les conditions de travail des agents et la qualité du service rendu, mais également de poursuivre les chantiers déjà amorcés, notamment les programmes immobiliers judiciaire et pénitentiaire initiés par le Président de la République, et le développement des projets numériques. La justice ne pouvant fonctionner sans des femmes et des hommes uvrant quotidiennement à son service, ce sont 10 000 emplois supplémentaires qui seront créés d'ici 2027, soit une hausse de 11 % en cinq ans, au service, entre autres, du renfort des effectifs en juridictions, de l'armement des nouveaux établissements pénitentiaires et des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Le ministère de la Justice bénéficiera de la création de 1 500 postes de magistrats et de 1 500 postes de greffiers. Chaque année, la circulaire de localisation des emplois (CLE) constitue le cadre annuel opérationnel pour les effectifs des juridictions. Les travaux sur la localisation des emplois 2022 ont eu pour objectif de répondre aux besoins les plus prioritaires des juridictions en maintenant l'accent sur l'accompagnement des juridictions JIRS et des juridictions identifiées comme particulièrement en tension en métropole et en outre-mer. S'agissant plus particulièrement des effectifs de magistrats du tribunal judiciaire de Paris, l'activité à laquelle doit faire face la juridiction a justifié l'octroi de moyens supplémentaires en 2022 puisque la CLE a connu une évolution positive très significative à hauteur de 8 postes créés, répartis comme suit : au bénéfice du siège, un poste de premier vice-président en charge de l'instruction, un poste de juge d'application des peines, un poste de vice-président et trois postes de juge ; au bénéfice du parquet, un poste de vice-procureur de la République et un poste de substitut du procureur. C'est ainsi que le nombre total de postes localisés est passé de 494 en 2021 à 502 en 2022, dont 372 au siège et 130 au parquet. S'agissant des effectifs de greffe, dans le cadre de la circulaire de localisation des emplois au titre de l'année 2022 et au regard de l'évaluation de la charge de travail, l'effectif de fonctionnaires du greffe du tribunal judiciaire de Paris a été fixé à 1043 agents. Au 31 décembre 2022, ont été indiqués comme vacants un poste de directeur fonctionnel des services de greffe, cinq postes de directeurs des services de greffe judiciaires, vingt-deux postes de greffiers, six postes de secrétaires administratifs, quarante-cinq postes d'adjoints administratifs et un poste de contractuel B lié au plan de soutien à la justice de proximité. Il est à noter un surnombre de quatre postes de contractuels. Dans le cadre des dernières campagnes de mobilité, il est prévu l'arrivée de quatre greffiers et quatorze directeurs des services de greffe judiciaires le 1er mars 2023. De plus, soixante-quatre greffiers ont été affectés en sortie d'école, dont vingt-cinq le 6 mars 2023 (avec une pré-affectation sur poste depuis le 14 novembre 2022), un le 4 mai 2023, trente-sept le 6 juin 2023 (avec une pré-affectation sur poste qui a débuté le 20 février 2023) et un le 14 juin 2023. Trois réintégrations après détachement prendront effet en 2023 dont deux le 1er janvier, concernant un greffier et un adjoint administratif, puis une le 1er décembre 2023 concernant un greffier. Les postes demeurés vacants seront pris en compte dans le cadre des prochaines opérations de mobilité et de recrutement. Il est par ailleurs notable que la mise en uvre du plan de soutien à la justice de proximité a permis le recrutement de trente-sept contractuels, dont cinq contractuels de catégorie A et trente-deux contractuels de catégorie C. Par ailleurs, Monsieur le premier président de la cour d'appel de Paris et Monsieur le procureur général près ladite cour disposent respectivement de 29 et 18 magistrats placés afin de renforcer les effectifs des tribunaux judiciaires du ressort et notamment ceux de la juridiction parisienne, qui fait l'objet d'une attention particulière de la part de la direction des services judiciaires compte tenu de son niveau élevé d'activité ainsi que des enjeux majeurs et spécifiques des contentieux dont elle a à connaître. Ils ont également la possibilité d'affecter des personnels de greffe placés du ressort pour résorber, le cas échéant, un stock jugé trop important. Concernant l'activité civile, toutes affaires incluses (hors référés et ordonnances sur requête), le délai de traitement est de 14 mois en 2021 pour le tribunal judiciaire de Paris. Si elle est en légère augmentation de 0,2 mois par rapport à 2020, la durée des affaires civiles terminées reste en-deçà de la moyenne nationale de 14,3 mois pour l'activité civile des tribunaux judiciaires en 2021. Selon des données provisoires, le premier semestre 2022 marquerait une certaine stabilité dans son délai général de jugement civil par rapport à la fin de l'année 2021. Concernant l'activité pénale, quel que soit le mode de poursuite exercé devant le tribunal correctionnel de Paris, la durée moyenne entre la date de saisine de l'affaire au parquet et la date du prononcé de la décision au fond représente près de 8,7 mois. Ce délai reste très proche de la moyenne nationale qui s'élève à 8,45 mois. Au 1er semestre 2022, selon les données disponibles en l'état, il importe d'observer une réduction de ce délai de traitement pour le tribunal judiciaire de Paris qui est de 8,55 mois, se situant ainsi à un niveau presque similaire au délai national de près de 8 mois. Enfin, le ministère de la Justice mène, depuis plusieurs années, une politique volontariste de promotion des modes amiables de règlement des différends, conscient qu'un développement significatif de la médiation et de la conciliation permettrait non seulement de traiter plus rapidement un pourcentage non négligeable du contentieux, mais aussi de pacifier les relations sociales et donc de prévenir de nombreux recours et de futurs procès. Il est à ce titre très attentif aux propositions émanant des professionnels et de la société civile, notamment le rapport cosigné par la cour d'appel de Paris, publié le 5 mars 2021 et intitulé « promotion et l'encadrement des MARD ». Il avait ainsi été suggéré la création d'une instance nationale dédiée à la médiation et à la conciliation : c'est dans cette perspective que la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, pour la confiance dans l'institution judiciaire, a institué en son article 45 le Conseil national de la médiation (CNM), conçu comme une instance de proposition, de réflexion et de consultation sur les mesures propres à améliorer l'efficacité de la médiation. Le CNM sera notamment amené à se prononcer sur des référentiels et le contenu de la formation des médiateurs, sur le renforcement de leurs obligations déontologiques et sur leurs conditions d'inscription sur la liste prévue à l'article 22-1 A de la loi n° 95-125 du 8 février 1995.
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