Question de M. HUGONET Jean-Raymond (Essonne - Les Républicains) publiée le 07/07/2022

M. Jean-Raymond Hugonet attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur le régime fiscal de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) publics. En effet, les EHPAD publics ont la possibilité, eu égard à la nature de leurs activités et à leur caractère concurrentiel, de bénéficier du régime fiscal dit de l'assujettissement à la TVA. Ce régime fiscal permet une exonération de TVA sur la plupart des opérations d'investissement, notamment les travaux, un amortissement comptable de ces mêmes opérations sur une base hors-taxe et une exonération de taxe sur les salaires pour les personnels non soignants. La somme des économies réalisées est significative et peut dans certains cas générer une baisse de l'ordre de 10 à 15 % du prix de « journée hébergement ». C'est la raison pour laquelle, de nombreux EHPAD publics du département de l'Essonne ont fait ce choix. La direction générale des finances publiques (DGFP) a dans un premier temps accepté ce changement de régime fiscal aux établissements demandeurs. Or, en octobre 2021, l'administration fiscale indique revenir sur cette précédente position et remet en cause l'éligibilité des EHPAD publics à bénéficier de ce régime fiscal. La remise en cause de l'assujettissement à la TVA, effective depuis le 1er novembre 2021 a d'ores et déjà des conséquences concrètes et entraîne notamment : une hausse mécanique du prix de la journée, payé par les résidents et leurs familles, une remise en question des opérations d'investissement présentes et futures, un frein à l'embauche des personnels par la réintroduction de la taxe sur les salaires, une insécurité juridique due à des revirements de position sans réelle justification. Dans le contexte actuel que connait le secteur des EHPAD, cette initiative de l'administration fiscale apparait en total décalage avec les récentes prises de parole du gouvernement. Il lui demande donc le rétablissement de l'éligibilité au régime fiscal de l'assujettissement à la TVA pour les EHPAD publics et de rétablir ainsi l'égalité de traitement entre les établissements quelle que soit leur nature juridique.

- page 3239


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 07/09/2023

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un impôt harmonisé au sein de l'Union européenne (UE), strictement encadré par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après « directive TVA ») dont les règles s'imposent aux États-membres. Les règles d'assujettissement ou non assujettissement à la TVA des personnes morales de droit public sont prévues à l'article 13 de cette directive et sont transposées à l'article 256 B du code général des impôts (CGI). L'assujettissement ou non à la TVA d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) exploité par une personne morale de droit public (établissement public, centre communal d'action sociale ou établissement public hospitalier) résulte de ces dispositions. Il ressort de ces dispositions que le non-assujettissement à la TVA implique la réunion de deux conditions essentielles (arrêt du 29 octobre 2015 (C-174/14) Saudaçor - Sociedade Gestora de Recursos e Equipamentos da Saúde dos Açores SA) : - l'exercice de l'activité en tant qu'autorité publique ; - le constat que le non-assujettissement ne conduise pas à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. De manière générale, ces conditions sont appréciées en fonction des circonstances de l'espèce, sans qu'il soit toujours possible d'établir de règles absolues allant au-delà de simples lignes directrices. Lorsqu'elles sont remplies, le droit de l'UE ne permet pas de soumettre à la TVA les opérations des organismes en cause. S'agissant de la première condition, le 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit que les EHPAD sont des établissements et services sociaux et médicaux sociaux qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale. En outre, l'intégralité des places d'EHPAD gérée par la majorité des personnes morales de droit public étant habilitées à l'aide sociale, ces établissements ont vocation à accueillir des personnes âgées à faibles ressources. Dès lors, les activités d'hébergement et d'assistance à la dépendance réalisées par les EHPAD qui sont des personnes morales de droit public sont généralement regardées comme exercées par un organisme agissant en tant qu'autorité publique (cf. notamment CAA de Nantes, 1ère chambre, 15/02/2022, 19NT04979 et CAA de Toulouse, 1ère chambre, 09/06/2022, 21TL21862). S'agissant de la seconde condition, le non-assujettissement à la TVA des prestations effectuées par des EHPAD gérés par des personnes morales de droit public n'est pas susceptible d'entraîner de distorsion de concurrence avec les établissements privés à but lucratif qui ne comprennent aucune place ou un nombre très limité de places habilitées à l'aide sociale à l'hébergement ; en effet, ces derniers interviennent sur un marché distinct de l'accueil des personnes âgées dépendantes disposant de ressources supérieures et les tarifs des prestations d'hébergement, fixés librement dans les conditions prévues aux articles L. 342-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles, sont nettement supérieurs à ceux fixés par le président du conseil départemental pour les EHPAD gérés par des personnes morales de droit public. Il n'est pas non plus susceptible d'entraîner de distorsion de concurrence avec les établissements privés à but non lucratif qui accueillent, dans des proportions significatives, des personnes âgées dépendantes disposant de faibles ressources en proposant des places habilitées à l'aide sociale à l'hébergement. En effet, ces derniers sont exonérés de TVA pour l'ensemble de leurs prestations sur le fondement des dispositions du b du 1° du 7 de l'article 261 du CGI (cf. CAA de Nantes, 1ère chambre, 15/02/2022, 19NT04979 et CAA de Toulouse, 1ère chambre, 09/06/2022, 21TL21862 susmentionnés). En conséquence, il ressort de la jurisprudence que les EHPAD gérés par des personnes morales de droit public ont, dans certaines conditions, vocation à demeurer non assujettis à la TVA, sans que l'administration fiscale ne dispose d'une quelconque latitude pour en disposer autrement. La portée exacte des situations où l'assujettissement n'est pas possible fera prochainement l'objet de précisions du Conseil d'État, ce dernier ayant récemment admis trois pourvois formés par les EHPAD gérés par des personnes morales de droit public.

- page 5278

Page mise à jour le