Question de Mme RENAUD-GARABEDIAN Évelyne (Français établis hors de France - Les Républicains-R) publiée le 07/07/2022
Mme Évelyne Renaud-Garabedian interpelle M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur l'application du crédit d'impôt sur « prélèvement sociaux » pour les non-résidents habitant au sein de l'Union européenne (UE), de l'espace économique européen (EEE) ou en Suisse. Lors du passage au prélèvement à la source au 1er janvier 2019, un crédit d'impôt de modernisation du recouvrement (CIMR) spécifique et exceptionnel a été mis en place afin d'éviter une double imposition des revenus 2018. De même, un crédit d'impôt sur les prélèvements sociaux (CIPS) est venu annuler les contributions sociales sur les revenus du patrimoine de 2018. Selon le BOI-IR-PAS-50-10-40, le crédit d'impôt sur les prélèvements sociaux s'applique uniquement aux revenus du patrimoine soumis à la contribution sociale généralisée (CSG) prévue à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. Or, depuis le 1er janvier 2019, les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d'un État membre de l'UE, de l'EEE ou en Suisse et percevant des revenus du patrimoine de source française sont exonérés de CSG et de contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) mais restent soumis au prélèvement de solidarité de 7,5 %. Ainsi, ils ne peuvent bénéficier du CIPS, au contraire des contribuables à la charge d'un régime obligatoire de sécurité sociale français ou d'un État tiers et ont dû s'acquitter pour l'année 2018 du prélèvement de solidarité. Les contribuables résidents français ou d'un État tiers ont, eux, eu droit sur leurs revenus 2018 à un crédit d'impôt couvrant l'ensemble des prélèvements sociaux, CSG-CRDS et prélèvements de solidarité inclus. L'interprétation faite par le Bofip du champ d'application du CIPS peut ainsi être source de contentieux fiscal, puisqu'elle créé manifestement une rupture d'égalité devant l'impôt. Elle souhaiterait savoir si le Gouvernement entend revenir sur cette distinction et faire bénéficier du CIPS l'ensemble des contribuables, qu'ils s'acquittent ou non de la CSG.
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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique publiée le 22/12/2022
L'article 26 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 a procédé à une réforme des prélèvements sociaux se traduisant par la création, à l'article 235 ter du code général des impôts (CGI), du prélèvement de solidarité, perçu au taux de 7,5 %. Ce nouveau prélèvement s'est appliqué dès l'imposition des revenus de l'année 2018 aux revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale (CSS). En application du I ter de l'article L. 136-6 du CSS issu de l'article 26 de la loi n° 2018-1203 précitée, les personnes relevant de la législation en matière de sécurité sociale d'un autre État membre de l'Espace économique Européen Union européenne, Islande, Norvège, Liechtenstein ou de la Suisse, ne sont redevables ni de la CSG ni de la CRDS sur leurs revenus du patrimoine (contribuables dits « de Ruyter »). En conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ces contribuables sont, en revanche, redevables du prélèvement de solidarité afférent à ces mêmes revenus, dès lors que cette imposition n'entre pas dans le champ du règlement européen n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Par ailleurs, l'article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 modifié a institué un prélèvement afférent à l'impôt sur le revenu, contemporain de la perception des revenus : le prélèvement à la source (PAS). En application de l'article L. 136-6-1 du CSS, le PAS concerne également les contributions sociales et le prélèvement de solidarité supportés par certains revenus entrant dans le champ de l'acompte contemporain du PAS, mentionnés à l'article 204 C du CGI. L'institution du PAS s'est accompagnée de mesures transitoires, prévues au II de l'article 60 de la loi de finances pour 2017 précité, notamment de la création du crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR), dont les contribuables ont pu bénéficier à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ d'application du PAS perçus ou réalisés en 2018. L'objet du CIMR était d'assurer, pour ces revenus donnant lieu désormais à un prélèvement à la source contemporain de leur perception, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu, dans la mesure où la mise en uvre de la réforme conduisait à opérer, au cours de cette même année civile, un prélèvement fiscal au titre de deux années d'imposition distinctes (2018 et 2019), susceptible d'être préjudiciable aux contribuables. De même, en application du M du II de l'article 60 de la loi de finances pour 2017 précitée, les revenus perçus ou réalisés en 2018 qui sont dans le champ d'application du PAS, lorsqu'ils sont soumis à la CSG, ouvrent également droit au CIMR, dans les mêmes conditions, au titre des contributions et prélèvements sociaux désormais prélevés à la source sur ces revenus. Le bénéfice du CIMR en matière de contributions et prélèvements sociaux est ainsi, tout autant que pour l'impôt sur le revenu, étroitement lié à l'application du PAS. Il existe un lien direct et indissociable entre le PAS et le CIMR : ce crédit d'impôt est une mesure transitoire destinée à accompagner l'institution du PAS à compter du 1er janvier 2019, réservée aux redevables ayant supporté le PAS, en 2019, à raison de revenus entrant dans le champ de la réforme du PAS. C'est le fondement même de l'existence du CIMR, dont l'objectif et de ne pas faire supporter, durant la même année, les prélèvements dus au titre de deux années d'imposition consécutives en raison du changement de mode de recouvrement de l'impôt, et non d'octroyer un avantage aux contribuables concernés. Or, l'article L. 136-6-1 du CSS prévoit que l'acompte contemporain du PAS, dont le montant est calculé en appliquant aux revenus du patrimoine le taux de CSG/CRDS ainsi que le taux du prélèvement de solidarité afférent à ces revenus, ne s'applique que si les revenus du patrimoine concernés sont soumis à la CSG. Il en résulte que l'exonération de CSG dont bénéficient les contribuables « de Ruyter » les dispense de tout versement d'acompte de PAS en matière de prélèvement sociaux, y compris pour la composante relative au prélèvement de solidarité et, par suite, les exclut du bénéfice du CIMR. Cette exclusion est justifiée au regard de l'objectif du CIMR. Ces contribuables n'ont en effet pas été concernés par la réforme du PAS et ont continué d'acquitter en N+1 le prélèvement de solidarité dû en raison de leurs revenus du patrimoine perçus ou réalisés au cours de l'année N. Ils n'ont donc subi aucun double prélèvement de solidarité en 2019, seul le prélèvement de solidarité dû sur leurs revenus du patrimoine perçus en 2018 ayant été acquitté en 2019, celui portant sur les revenus 2019 n'ayant été acquitté qu'en 2020, conformément aux règles de recouvrement en vigueur. Les contribuables « de Ruyter », tout comme les contribuables soumis au PAS à raison des revenus du patrimoine inclus dans son champ d'application, ne sont débiteurs que d'un seul prélèvement de solidarité en 2019 : les contribuables soumis au PAS ont payé le prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine perçus en 2019 à partir de janvier 2019, tandis que les contribuables « de Ruyter » non soumis au PAS ont payé le prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine de 2018 lors de sa liquidation en septembre 2019. L'exclusion des contribuables « de Ruyter » du CIMR à raison du prélèvement de solidarité afférent aux revenus du patrimoine de l'année 2018, alors que le CIMR est accordé à d'autres contribuables à raison des mêmes revenus, ne crée dès lors pas de rupture d'égalité entre les citoyens devant l'impôt, compte tenu des différences objectives de situation existant entre ces deux catégories de contribuables au regard de l'application du PAS et de l'objet du CIMR. Il résulte de ce qui précède que les contribuables « de Ruyter » ne pouvaient se voir octroyer de CIMR dans la mesure où ils n'ont pas fait l'objet, en application de la loi, d'un double prélèvement en 2019. Cette analyse a été confirmée par le tribunal administratif de Montreuil, dans un jugement du 6 avril 2021 n° 1912779, devenu définitif en l'absence d'appel.
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