Question de M. HUGONET Jean-Raymond (Essonne - Les Républicains) publiée le 17/02/2022
Question posée en séance publique le 16/02/2022
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Le 6 novembre 2019, à l'adresse des magistrats du parquet, vous preniez une circulaire relative au traitement judiciaire des infractions commises à l'encontre des personnes investies d'un mandat électif, montrant ainsi votre attachement à la mise en œuvre d'une politique pénale empreinte, selon vos propres termes, de volontarisme, de fermeté et de célérité.
Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage : le 7 septembre 2020, vous preniez une nouvelle circulaire, dans laquelle il était indiqué : « Les élus locaux occupent une place fondamentale dans le fonctionnement de nos institutions et toute atteinte à leur encontre constitue également une atteinte au pacte républicain. »
Pourtant, depuis plusieurs mois, le nombre d'agressions d'élus est toujours très élevé, malgré l'attention particulière que vous avez portée à ces agissements.
Cette observation est juste, monsieur le garde des sceaux, puisque, selon les chiffres du ministère de l'intérieur, 1 186 élus ont effectivement été pris pour cible au cours des onze premiers mois de 2021, parmi lesquels 162 parlementaires et 605 maires ou adjoints ont été victimes d'agressions physiques, soit une hausse de 47 % par rapport à 2020.
Dans mon département, l'Essonne, Patrick Rauscher, maire de Saintry-sur-Seine, est une parfaite illustration de ce problème : il subit depuis son élection en 2020 des menaces, des intimidations physiques et des insultes de la part d'individus parfaitement identifiés et défavorablement connus des forces de l'ordre.
Les seules réponses qui lui sont apportées à ce jour sont une litanie de classements sans suite et des patrouilles de gendarmerie composées de deux personnels dans l'impossibilité d'intervenir face à une trentaine d'énergumènes
Samedi dernier, Patrick Rauscher lançait un appel glaçant : « Je voudrais toutefois, si d'aventure il devait m'arriver malheur, que chacun de vous retienne que je regrette que les détracteurs des valeurs et du fonctionnement de notre République ne soient pas plus inquiétés. »
Ma question est simple, monsieur le garde des sceaux : quand allez-vous passer des circulaires aux actes ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP. MM. Hussein Bourgi, Sebastien Pla et Henri Cabanel applaudissent également.)
Réponse du Ministère de la justice publiée le 17/02/2022
Réponse apportée en séance publique le 16/02/2022
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Hugonet, s'en prendre à un élu, c'est s'en prendre à la République tout entière.
Vous avez rappelé deux circulaires, que vous m'avez attribuées. Or l'une n'est pas de moi, mais peu importe j'étais déjà dans votre cur ! , j'en assume les termes. L'autre a été prise en septembre 2020.
Ces circulaires appellent les procureurs généraux à plus de sévérité, de rapidité, à une bonne et exacte qualification des faits. Elles appellent également les procureurs à écarter le rappel à la loi, qui a depuis été supprimé.
Quand vais-je passer des mots aux actes ?
Permettez-moi de vous rappeler un certain nombre de choses, car on peut se payer de mots, mais pas de chiffres, parce qu'ils correspondent à une réalité.
Entre 2019 et 2020, monsieur le sénateur, le nombre de condamnations pour menaces a doublé, le taux de prononcés de peines pour menaces est passé de 52 % à 62 % en un an. De même, 80 % des condamnations pour violences ont donné lieu à des peines d'emprisonnement.
Le rappel à la loi, je l'ai dit, mais je le rappelle, a été supprimé. L'avertissement pénal probatoire ne pourra pas s'appliquer à ceux qui exercent des violences contre les élus.
J'ai demandé à tous les parquets de France de mettre en place des lignes réservées, des adresses électroniques pour que les élus puissent immédiatement correspondre avec les parquetiers dès qu'ils rencontrent une difficulté.
Avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité et l'Association des maires ruraux de France, nous avons mis en place un groupe de travail, qui réfléchit en ce moment même aux moyens d'améliorer encore la relation entre les élus et les procureurs.
J'ajoute que le texte que j'ai porté prévoit que les peines ne peuvent être réduites quand les violences ont été exercées contre des élus.
Les élus sont une préoccupation permanente pour le garde des sceaux que je suis et pour le ministre de l'intérieur, que j'associe à ma réponse. Mercredi prochain, devant la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, que vous présidez, madame la sénatrice Gatel, je décrirai plus précisément l'action du Gouvernement pour lutter contre les menaces et les violences contre les élus. Vous avez raison, monsieur le sénateur Hugonet, elles sont inadmissibles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. M. Pierre Louault applaudit également.)
- page 1774
Page mise à jour le