Question de M. COURTIAL Édouard (Oise - Les Républicains) publiée le 20/01/2022
M. Édouard Courtial appelle l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les difficultés pour les maires de trouver un médecin afin de constater les décès à domicile. En effet, aux termes de l'article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales, le médecin est seul habilité à rédiger le constat de décès. Or, il arrive fréquemment, en particulier dans les communes rurales, que les proches et l'officier de police judiciaire appelé, c'est-à-dire le maire, doivent attendre des heures l'arrivée d'un médecin et cela en outre, souvent sans avoir reçu la moindre formation. Or, compte tenu du vieillissement de la population et à l'heure où de plus en plus de personnes âgées restent chez eux par manque de place dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou par manque de moyens pour y rentrer, le nombre de décès à domicile risque d'augmenter significativement à l'avenir. Il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement d'abord pour mieux accompagner les élus par une formation et pour remédier à cette situation, éventuellement vers une obligation de déplacement du médecin de garde, du médecin du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) ou des centres de gestion.
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Réponse du Ministère auprès du ministre des solidarités et de la santé - Autonomie publiée le 16/02/2022
Réponse apportée en séance publique le 15/02/2022
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, auteur de la question n° 2071, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Édouard Courtial. Madame la ministre, il est huit heures quinze lorsque Mme la maire est appelée à la suite d'un décès à domicile. À huit heures trente-huit, les gendarmes arrivent sur les lieux, rejoints à huit heures quarante-cinq par Mme la maire. Il est dix-sept heures trente vous avez bien entendu ! lorsque le décès est enfin constaté et prononcé par un médecin.
C'était le 27 décembre dernier, à Airion, dans l'Oise. Permettez-moi d'avoir ici une pensée pour la maire, Sandrine Boulas-Dretz. Malheureusement, il ne s'agit pas d'un cas isolé, loin de là. J'ai ainsi également une pensée pour le maire de Verberie, Michel Arnould, confronté lui aussi à une situation semblable.
Pendant ces heures interminables, des centaines de numéros ont été composés, en vain. Aucun médecin n'était disponible, pas même le 15, alors que leur présence est une obligation légale. C'est l'autre face, moins visible, que nous refusons d'affronter, de la désertification médicale.
Ce problème n'est pas nouveau, mais il prend des proportions qui dépassent l'entendement. Pourtant, le vieillissement de la population, combiné au choix du maintien à domicile, va entraîner une multiplication des cas de décès chez l'habitant.
Or, au-delà des considérations élémentaires de dignité de la personne humaine, la famille arrivant sur les lieux sans qu'il lui soit permis de voir le disparu, ces cas soulèvent deux problématiques principales auxquelles il faut apporter très rapidement des réponses.
D'une part, c'est l'incompréhension qui domine face au manque de médecins, voire devant le refus de certains de se déplacer faute d'indemnisation. Pourquoi, par exemple, ne pas prévoir a minima un dédommagement et une astreinte ou autoriser des internes à pratique cet acte, mobiliser les médecins retraités ou encore déléguer cette tâche aux médecins des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ?
D'autre part, certains maires se retrouvent en détresse, esseulés face à une tâche difficile à laquelle personne ne les a préparés. Aussi, il faut mieux accompagner les élus en renforçant sans attendre leur formation, en prévoyant une procédure claire, en lien avec chaque préfecture, et en fournissant au moins la liste des médecins et un contact de permanence à l'agence régionale de santé (ARS).
Madame la ministre, entendez les élus, qui sont en première ligne, et prenez enfin les mesures nécessaires pour inverser cette tendance inacceptable qui en dit long sur le chemin que semble emprunter notre société, où la mort doit rapporter.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie. Monsieur le sénateur Édouard Courtial, je vous remercie de votre question, qui renvoie à un problème auquel je suis moi-même confrontée en tant qu'élue d'un territoire très rural.
Le ministère de la santé est bien sûr particulièrement sensible aux difficultés rencontrées par nos concitoyennes et concitoyens depuis plusieurs années sur cette thématique.
Le code général des collectivités territoriales a ainsi été modifié par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé pour permettre aux médecins retraités, aux étudiants de troisième cycle, ainsi qu'aux praticiens disposant d'un diplôme étranger hors Union européenne, à partir de la deuxième année de leur parcours de consolidation, d'établir des certificats de décès.
Un tel certificat est avant tout un document médical, loin d'être anodin, qui implique un diagnostic sur les causes de décès après examen du corps du défunt. Ce diagnostic est d'autant plus important qu'il est utilisé à la fois pour la veille sanitaire et pour déceler les besoins éventuels d'ouverture de procédures.
Les données figurant sur les certificats de décès sont utilisées pour établir les statistiques de décès et servent à identifier des alertes de santé publique de nature à justifier des mesures de prévention, voire d'investigation.
Ce document a par ailleurs des conséquences sur les opérations funéraires qui vont suivre, dans la mesure où un obstacle médico-légal pourrait les retarder.
Les médecins ont été formés à évaluer la présence ou non d'un obstacle médico-légal, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui dans la formation des pompiers ou des infirmiers.
Pour l'ensemble de ces raisons, une évolution nouvelle des catégories de professionnels susceptibles d'établir un certificat de décès n'est pas actuellement envisagée. Néanmoins, toute solution intermédiaire pour faciliter une prise en charge complémentaire est la bienvenue, tant qu'elle respecte les impératifs que j'ai pu mentionner.
Aussi, monsieur le sénateur, nos services sont intéressés par toute suggestion vous en avez fait quelques-unes ou expérimentation que vous pourriez être amené à conduire sur votre territoire.
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