Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 04/02/2021

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la possibilité d'inscrire la langue des signes française (LSF) dans la Constitution.

La LSF – langue naturelle des sourds français – est une langue à part entière officiellement reconnue comme linguistiquement légale et comme langue d'enseignement des sourds français par loi n° 2005-102 du 11 février 2005. Ce statut a ensuite été confirmé par la circulaire 2008-109 du 21-8-2008 du ministère de l'éducation nationale qui énonce que la loi reconnaît à la langue des signes française un statut de langue de la République au même titre que le français.

Afin de reconnaître l'égalité des citoyens sourds français avec les citoyens entendants français, la fédération nationale des sourds de France plaide notamment pour son inscription dans notre texte fondamental. Elle propose de l'insérer dans l'article 2 en ajoutant un alinéa formulé ainsi : « La République reconnaît la langue des signes française comme la langue des sourds français qui en font le choix. »

Selon elle, cette inscription permettrait, d'une part, de clarifier le statut légal de la langue des signes française et, d'autre part, de permettre aux sourds d'opposer et de faire valoir leur droit à choisir d'utiliser la langue des signes française dans leur vie quotidienne sans discrimination.

Au vu de ces arguments, il lui demande au ministre de lui faire connaître ses intentions en la matière et lui indiquer s'il entend intégrer, dans le cadre d'un futur projet de révision de la Constitution, la langue des signes française.


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Réponse du Ministère de la justice publiée le 23/09/2021

La loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a inscrit à l'article 2 de la Constitution la langue française comme langue de la République. En application de cette disposition, l'utilisation de la langue française s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes morales de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public. Ce principe n'apparait pas pour autant comme un obstacle à la reconnaissance et à l'utilisation d'autres langues sur le territoire de la République. Ainsi, d'autres langues, parmi lesquelles la langue des signes française, ont connu une reconnaissance à travers une consécration législative. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a consacré la langue des signes française comme langue « à part entière ». Le code de l'éducation consacre la liberté de choix des jeunes sourds entre une communication bilingue (langue des signes et langue française) et une communication en langue française (article L.112-3). Par ailleurs, devant les juridictions françaises, il est prévu que toute personne sourde puisse bénéficier d'un dispositif de communication adapté à son handicap, tel que l'assistance d'un interprète en langue des signes lors des audiences (article 23-1 du code de procédure civile). Bien que la langue des signes française ne soit pas inscrite dans la Constitution, des exigences constitutionnelles imposent également au législateur de faciliter l'intégration des personnes en situation d'handicap, à travers notamment le respect des droits et libertés fondamentaux. Le Conseil d'État a rappelé que l'exigence relative à l'utilisation d'un dispositif de communication, adapté au handicap d'un justiciable lors des audiences devant les juridictions administratives, est une garantie du principe relatif au caractère contradictoire de la procédure et des droits de la défense (Conseil d'État, 15 mars 2019, n° 414751). Le principe d'égalité impose également une égalité d'accès aux services publics ou aux emplois publics entre tous les citoyens. Enfin, le Conseil constitutionnel a reconnu, à travers les principes énoncés par le Préambule de la Constitution de 1946, l'existence d'exigences constitutionnelles imposant au législateur la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des personnes handicapées, Conseil Constitutionnel, 15 novembre 2018, n° 2018-772 DC.

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