Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SER) publiée le 04/02/2021

Question posée en séance publique le 03/02/2021

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Jean-Pierre Sueur. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.

Le 2 octobre dernier, le Conseil constitutionnel décidait que le Gouvernement devait faire adopter, avant le 1er mars prochain, une disposition législative permettant à toute personne qui considérerait qu'elle est détenue dans des conditions indignes de saisir la juridiction judiciaire. Nous sommes le 3 février. Ma question est donc simple, monsieur le garde des sceaux : à quelle date allez-vous proposer cette disposition législative ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)


Réponse du Ministère de la justice publiée le 04/02/2021

Réponse apportée en séance publique le 03/02/2021

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Sueur, il y a deux jours, j'étais à la centrale de Saint-Maur. Comme vous, je suis particulièrement préoccupé par la condition carcérale.

Il n'est pas indécent de rappeler ici, devant la Haute Assemblée, que la France est le pays des droits de l'homme. Pourtant, nous sommes régulièrement condamnés, et on peut trouver, dans les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, les mots « inhumain » ou encore « dégradant ».

Je suis de ceux qui pensent que l'État de droit se mesure aussi à l'état de nos prisons, mais, disons-le très clairement, voilà des décennies que sur ce sujet nous ne sommes pas au rendez-vous de nos obligations, en particulier de nos obligations internationales.

Je suis fier de vous dire que je mène un plan de construction de prisons. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Pour le prochain quinquennat ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Sachez que 7 000 places sont en cours de livraison et que je viens de signer un certain nombre d'engagements. J'aurai l'honneur bien sûr de vous en parler davantage à un autre moment. Il ne s'agit pas forcément d'incarcérer plus, mais d'incarcérer dignement, et je présenterai un certain nombre de mesures sur la condition pénitentiaire.

La prison est évidemment utile pour punir et pour mettre notre société à l'abri d'individus dangereux, mais elle est aussi indispensable – c'est le troisième aspect – pour réinsérer. Or, pour réinsérer, il vaut mieux que la détention soit digne ; c'est d'ailleurs ce que disent les agents pénitentiaires, auxquels je veux rendre à cet instant un hommage appuyé.

Vous me posez la question de la date. Sachez que, dès la décision du Conseil constitutionnel rendue, j'ai mobilisé mes services. Nous avons élaboré une proposition que nous avons communiquée au Conseil d'État pour avis dès le 1er décembre. La commission des lois du Sénat a également eu connaissance de ce travail. Il s'agit d'une proposition ambitieuse qui n'a pas pu être déposée sous forme d'amendement dans le cadre de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi relatif au parquet européen pour des raisons procédurales – j'évoque bien sûr l'article 45 de la Constitution.

M. le président. Il faut penser à conclure !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement est entièrement mobilisé, et nous cherchons un véhicule législatif et une date pour respecter la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Sueur. Robert Badinter disait que la condition pénitentiaire est la première raison de la récidive. Il est vrai que, tous gouvernements confondus, nous n'avons pas fait assez sur ce sujet.

Je me souviens de la loi pénitentiaire que nous avons votée ici même, dont Jean-René Lecerf était le rapporteur et qui comportait un volet relatif aux alternatives à la détention. Ces alternatives à la détention sont très importantes. Vous savez que le nombre de détenus a beaucoup chuté avec le covid, mais il a augmenté de 4 000 dans les six derniers mois. Aujourd'hui, plusieurs centaines de détenus, parfois en détention provisoire, dorment dans nos prisons sur des matelas !

Monsieur le garde des sceaux, je sais que vous êtes attentif à cette question, et je vous appelle, ainsi que le Premier ministre et le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, ici présents, à agir. La Cour européenne des droits de l'homme, la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel ont parlé, et nous nous devons de bousculer nos agendas pour qu'un texte – un article suffit – soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et du Sénat d'ici au 1er mars. Si nous le faisons, nous aurons fait un pas vers une détention plus humaine. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

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