Question de M. BRISSON Max (Pyrénées-Atlantiques - Les Républicains) publiée le 31/12/2020
M. Max Brisson appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la nécessité de faciliter l'usage des monnaies locales par les collectivités locales.
La crise sanitaire a mis en avant le besoin de plus de proximité avec une économie plus locale, plus solidaire et plus écologique. Les monnaies locales y ont toute leur place. Leur fonctionnement est simple et la consommation est ainsi fléchée vers les commerces et entreprises de proximité. Les euros initialement échangés sont déposés dans une banque de l'économie sociale et solidaire et réinvestis dans des projets à forte plus-value sociale et environnementale. L'argent est donc doublement mis au service du territoire : d'une part, à travers un circuit de consommation relocalisé et, d'autre part, par l'alimentation d'un circuit d'investissement responsable.
L'implication des collectivités dans la circulation des ces monnaies est primordial. Celles-ci s'investissent déjà beaucoup dans les circuits courts, le bio et le local, la mise en relation et en avant des producteurs mais aussi artisans et commerçants par la création de plateformes dédiées.
Toutefois et même si les monnaies locales font partie des instruments de paiement inscrits au code monétaire et financier, le fait que les collectivités locales ne puissent pas directement les utiliser en dépenses ralentit leur utilisation et donc leur impact sur l'économie locale.
En conséquence, il lui demande si le Gouvernement envisage de les soutenir en facilitant leur usage en permettant, notamment, aux collectivités locales de disposer d'un compte en monnaie locale manipulé par le Trésor.
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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 11/03/2021
Depuis 2014, les monnaies complémentaires locales disposent d'une base juridique en France, avec l'adoption de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, qui reconnaît l'existence de telles monnaies locales.
Cette loi encadre les modalités de création et d'utilisation de monnaies complémentaires locales. En particulier, son article 1er prévoit que son utilisation est permise comme moyen de paiement pour le règlement de biens et services produits dans le cadre de l'économie sociale et solidaire. A ce titre, il importe de relever que le législateur a jugé bon de réserver la possibilité de régler ses dépenses en monnaie complémentaire locale aux personnes morales de droit privé, à l'exclusion des personnes morales de droit public que sont l'État et les collectivités territoriales.
Il paraît en effet légitime de veiller à ce que les principes d'unité et d'indivisibilité de la République irriguent l'action des pouvoirs publics, et que les collectivités territoriales demeurent, aux côtés de l'État, garantes du fait que la seule monnaie officielle de la France est l'euro.
Au surplus, autoriser le règlement en dépenses des collectivités territoriales en monnaie complémentaire locale reviendrait en pratique à créer une source inévitable de complexité comptable et administrative pour les créanciers des collectivités territoriales. En effet, les monnaies locales sont des titres de paiement, qui n'ont pas cours légal et ne peuvent donc pas être utilisés pour toute transaction. Elles ne sauraient donc être imposées à des bénéficiaires des flux financiers des collectivités territoriales (agents publics pour leur traitement et fournisseurs notamment).
À plus long-terme, il convient de ne pas sous-estimer les risques liés au recours à des actifs de règlement alternatifs, a fortiori dans le contexte actuel où certains acteurs privés cherchent à développer des actifs de règlement privés, comme Diem (ex-Libra). Ce type de projet emporte en effet d'importants risques en termes de souveraineté monétaire et de protection du consommateur. Le Gouvernement veille à strictement encadrer ce type de nouveaux actifs de règlement et il serait contre-productif, sinon préjudiciable, de permettre aux collectivités publiques la diffusion sinon la promotion de ce type d'actifs.
C'est donc dans un cadre sécurisé que les collectivités territoriales peuvent choisir d'avoir recours aux monnaies locales : s'agissant des dépenses, il convient en effet de relever que cette interdiction d'utilisation d'un titre de monnaie locale complémentaire n'exclut pas la possibilité pour une collectivité territoriale de recourir à une convention de mandat, suivant les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales, pour déléguer la gestion de certains paiements, lesquels pourront alors licitement être libellés en monnaie locale ; s'agissant des recettes, l'utilisation d'un titre de monnaie locale complémentaire au bénéfice des collectivités territoriales est autorisée, dans les conditions prévues par l'article 25 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, l'article 11 de l'arrêté du 24 décembre 2012 et l'article R.1617-7 du CGCT.
Cet état du droit paraît fixer un point d'équilibre satisfaisant entre les principes de libre administration des collectivités territoriales, d'unité et d'indivisibilité de la République, ainsi que des exigences de protection du consommateur. En effet, il ouvre notamment aux collectivités territoriales la possibilité d'accepter que certaines recettes soient réglées avec de tels titres de paiement, tout en protégeant les administrés de l'obligation de percevoir des flux au moyen de ces titres de paiement, ce qui serait profondément inopportun.
Plusieurs villes ont ainsi déjà pris l'initiative de signer des conventions avec des associations de monnaies locales pour autoriser sous certaines conditions et par l'intermédiaire de l'association, le versement de dépenses publiques en monnaie locale. En général, le schéma de fonctionnement est alors le suivant : pour recevoir des paiements en titres de monnaie locale, les usagers doivent autoriser l'association à recevoir les fonds en leur nom, le comptable public peut ensuite verser les fonds à l'association qui se charge ensuite de les remettre à ses usagers.
Dans ces conditions, il ne paraît pas souhaitable de modifier plus avant l'état du droit.
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Erratum : JO du 18/03/2021 p.1867
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