Question de M. RAMBAUD Didier (Isère - RDPI) publiée le 10/12/2020

M. Didier Rambaud attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation des producteurs de fruits à coques et particulièrement des producteurs de noix.

Le 9 novembre 2020, la Commission européenne a décidé de prendre des sanctions douanières contre les États-Unis. Ces mesures impliquent une surtaxe sur des produits agricoles et agroalimentaires. Or, la noix commune, comme d'autres fruits à coques ne s'y trouve pas.

La production de noix en France s'élève en moyenne à 40 000 tonnes par an dont 20 000 tonnes en région Auvergne-Rhône-Alpes, parmi lesquelles la noix de Grenoble d'appellation d'origine protégée (AOP) fait office de locomotive, tirant toute la filière vers le haut. L'AOP représente environ 12 à 14000 tonnes par an. Une majorité de cette production, environ 60 %, est exportée chaque année vers l'Europe, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne sont les principaux clients des nuciculteurs français. Or, sur le marché européen, la concurrence avec les pays tiers est très forte. Les États-Unis inondent les marchés, avec une production qui avoisinerait en 2020 les 80 0000 tonnes. Pour le volume, comme pour les tarifs, la France n'est pas en mesure de rivaliser avec cette force de frappe.

Il est bien entendu que les modes de production divergent largement entre le système californien ultra-productiviste et le système traditionnel français, qui fait la renommée de notre agriculture tout entière.

Dans sa décision, la Commission européenne a ignoré les noix et la plupart des fruits à coques qui sont exclus de la surtaxation. Or, si l'objectif de cette mesure est de faire pression sur les États-Unis, il semblerait que les fruits à coques soient un levier efficace. En effet, l'Europe est un des premiers clients des États-Unis, tant pour la noix en coques que pour le cerneau.

Intégrer les noix dans ces mesures permettraient aux producteurs français de redevenir concurrentiels sur le marché européen. L'enjeu n'est rien de moins que la protection des productions hexagonales et de notre agriculture dans ce qu'elle a de qualitative et de singulière.

Aussi, il lui demande comment le Gouvernement Français pourrait intervenir auprès de la Commission européenne afin qu'un élargissement des produits concernés par la surtaxation puisse intégrer les noix et les fruits à coques qui en sont aujourd'hui exclus.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 20/01/2021

Réponse apportée en séance publique le 19/01/2021

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, auteur de la question n° 1419, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Rambaud. Monsieur le ministre, le 9 novembre dernier, la Commission européenne a décidé de prendre des sanctions douanières contre les États-Unis, notamment par une surtaxe sur des produits agricoles et agroalimentaires. Or la noix, de même que d'autres fruits à coques, ne s'y trouve pas.

La production de noix en France s'élève en moyenne à 40 000 tonnes par an, dont 20 000 tonnes en région Auvergne-Rhône-Alpes. La noix de Grenoble, appellation d'origine protégée (AOP) à laquelle vous imaginez bien que je suis très attaché, fait office de locomotive, en tirant toute la filière vers le haut.

La production de cette noix AOP représente environ 12 000 à 14 000 tonnes par an. Une majorité de cette production, environ 60 %, est exportée chaque année vers l'Europe, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne étant les principaux clients. Or la concurrence est très forte sur le marché européen. Les États-Unis inondent les marchés ; leur production avoisinerait les 800 000 tonnes en 2020. Pour le volume comme pour les tarifs, la France n'est pas en mesure de rivaliser face à une telle force de frappe.

Bien entendu, les modes de production divergent largement entre le système californien, ultraproductiviste, et le système traditionnel français, qui fait la renommée de notre agriculture tout entière.

Dans sa décision, la Commission européenne a pourtant ignoré les noix et la plupart des fruits à coques, qui sont exclus de la surtaxation. Or, si l'objectif est de faire pression sur les États-Unis, les fruits à coques pourraient constituer un levier efficace. En effet, l'Europe est l'un des premiers clients des États-Unis, tant pour la noix en coques que pour le cerneau.

Intégrer les noix dans ces mesures de rétorsion permettrait donc aux producteurs français de redevenir concurrentiels sur le marché européen. L'enjeu n'est rien de moins que la protection des productions hexagonales et de notre agriculture dans ce qu'elle a de qualitative et de singulière.

Monsieur le ministre, comment la France pourrait-elle intervenir auprès de la Commission européenne pour qu'un élargissement des produits concernés par la surtaxation puisse intégrer les noix et les fruits à coques, qui en sont aujourd'hui exclus ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le sénateur Didier Rambaud, je voudrais d'abord saluer votre action en faveur tant de la filière noix de Grenoble que d'autres productions locales. Je connais votre engagement sur ces dossiers. Nous échangeons régulièrement sur le sujet.

Vous m'interrogez sur les moyens de renforcer la production et la consommation de noix dans notre beau pays face à la pression que représentent les importations. Vous proposez à ce titre la mise en place de barrières tarifaires douanières contre l'importation de fruits à coques, notamment de noix, des États-Unis, en guise de mesure de rétorsion dans le cadre du contentieux qui oppose l'Union européenne à ce pays sur le dossier Airbus-Boeing. Je comprends cette idée. Tout sujet doit être regardé. Je m'y engage.

Cela étant dit, l'objectif du Gouvernement est, sans faire preuve de naïveté – la France avait, je le rappelle, poussé à l'échelon européen en faveur de mesures de rétorsion –, d'aboutir à une désescalade et d'« atterrir » sur un compromis dans le dossier Airbus-Boeing. En effet, le contentieux fait des victimes collatérales. Ainsi, la filière vitivinicole française – je connais la sensibilité de Mme la présidente sur le sujet – est durement touchée par les conséquences des mesures prises par les États-Unis. À nos yeux, les sanctions ne doivent pas devenir pérennes. Je ne pense pas qu'elles soient le bon vecteur pour aider durablement la production de fruits à coques en France.

En revanche, une autre question se pose ; vous y avez fait référence. Ce sera un combat de longue haleine, mais j'entends bien l'inscrire à l'agenda lorsque j'exercerai la présidence du conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne.

Le dispositif issu du fameux article 44 de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, a été modifié par la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières.

Ne devrait-on pas avoir une réflexion sur l'importation d'un certain nombre de produits dont les modes de culture ne respectent pas les principes de base, notamment environnementaux, qui régissent le marché commun ? Je suis prêt à travailler avec vous sur ce dossier. Cela peut concerner la noix, mais également la noisette. Des décisions en ce sens ont pu être prises à l'égard, par exemple, de cerises en provenance de Turquie.

Regardons cela tous ensemble. Le combat doit être mené à l'échelon européen. Cela prendra du temps. Mais je pense que la question doit être posée ; c'est une vraie question politique.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour la réplique.

M. Didier Rambaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de la clarté de vos propos – nous y sommes habitués ! – et, surtout, des perspectives que vous tracez. Comme vous, je place beaucoup d'espoirs dans l'administration Biden. J'espère qu'elle pourra ramener un peu de paix dans les relations commerciales entre les États-Unis et l'Union européenne, même si je ne suis pas naïf s'agissant du protectionnisme américain.

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