Question de M. SAVIN Michel (Isère - Les Républicains) publiée le 03/12/2020
M. Michel Savin attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie sur les injonctions contradictoires de l'État à l'égard du spiritourisme.
La production de boissons alcoolisées représente un secteur d'activité non négligeable de l'économie française. À elle seule, la filière des spiritueux emploie près de 100 000 personnes sur le territoire français, et rapporte près de 4,7 milliards d'euros à l'exportation.
La production de ces alcools forts relève aussi de notre patrimoine vivant français. De nombreux spiritueux - chartreuse, génépi, calvados, cognac, rhums martiniquais
- font la renommée de notre pays à l'étranger et mobilisent des savoir-faire ancestraux de nature monastique, domestique, artisanale et industrielle, qu'il convient de préserver.
L'intérêt manifesté par nos compatriotes pour ces productions ancestrales laisse présager un fort potentiel de développement d'une forme de tourisme permettant de concilier valorisation du terroir, économie locale, préservation de nos paysages agricoles et patrimoniaux.
Or, depuis quelques années, plusieurs projets de spiritourisme se heurtent à une réglementation qui s'oppose à la venue de visiteurs sur des sites de production d'alcool. Le récent incident industriel de Lubrizol n'a fait qu'attiser les tensions.
Ainsi, en Isère, le représentant de l'État a récemment interdit la visite des caves historiques de chartreuse, un des lieux touristiques les plus emblématiques du département qui accueillait des visiteurs depuis 1966 !
Cette tentation du risque zéro - qui n'existe pas - met en péril le développement du spiritourisme, et plus largement les possibilités de cohabitation entre présence de populations et activités industrielles, alors que le Gouvernement a réaffirmé ces derniers mois sa volonté de réindustrialiser le pays.
Aussi, il souhaite savoir dans quelle mesure le Gouvernement compte adapter la réglementation existante pour concilier développement du spiritourisme et activité industrielle.
- page 5646
Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie publiée le 10/02/2021
Réponse apportée en séance publique le 09/02/2021
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 1400, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
M. Michel Savin. Monsieur le secrétaire d'État, la production de spiritueux constitue une activité économique importante de notre pays. À lui seul, ce secteur emploie près de 100 000 personnes en France et rapporte près de 4,7 milliards d'euros à l'exportation.
Les modes de production de ces alcools forts sont souvent issus de savoir-faire ancestraux. Avec ces spiritueux, c'est notre histoire et notre patrimoine que nous faisons vivre, comme dans mon département de l'Isère, où les moines de la Grande Chartreuse se transmettent depuis des siècles la recette secrète de la célèbre liqueur verte. C'est aussi un enjeu de rayonnement culturel et touristique pour notre pays. Nombre de nos compatriotes, mais aussi beaucoup d'étrangers ont envie, après avoir découvert ces produits, d'en savoir plus sur leurs étapes de fabrication.
Inspiré par le succès du tourisme lié au rhum en Martinique et en Guadeloupe, le Gouvernement promeut depuis plusieurs années les projets de « spiritourisme » visant à favoriser la découverte et la valorisation de ces alcools forts. Or, dans les faits, ces projets risquent de se heurter à la réglementation ICPE, qui interdit la présence de visiteurs sur des sites de production d'alcool stockant plus de 50 000 litres. Ainsi, dans mon département, l'État a récemment demandé la fermeture des Caves historiques de la Chartreuse, l'un des lieux les plus emblématiques. Le récent incident industriel de Lubrizol n'a fait qu'attiser les tensions.
Beaucoup de ces fabricants d'alcool n'ont pas les moyens d'avoir deux sites : un pour la production et le stockage, un autre pour les visites. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais savoir si vous comptez adapter la réglementation ICPE aux contraintes particulières des sites de production et de stockage d'alcools forts ayant une vocation touristique.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Je partage votre constat, monsieur le sénateur Michel Savin : le spiritourisme, qui est un rameau du tourisme de savoir-faire, est un véritable trésor national, une filière touristique d'exception et d'excellence. La dernière saison estivale a d'ailleurs montré l'engouement de nos compatriotes pour la redécouverte d'un tourisme sans doute plus authentique et davantage tourné vers nos terroirs, notre culture et notre patrimoine. Je l'ai constaté dans mon département de l'Yonne, comme vous, sans doute, dans votre territoire.
Le spiritourisme s'inscrit dans ce mouvement de fond : 15 millions de visiteurs sont accueillis chaque année dans plus de 2 000 entreprises françaises dont les produits sont fabriqués en France selon un véritable savoir-faire qui se transmet parfois depuis des siècles.
Comme vous l'avez indiqué, nous soutenons fortement cette filière en lien avec la FFS, la Fédération française des spiritueux, et avec l'association nationale de la visite d'entreprise. En 2019, j'ai d'ailleurs lancé le club des 100 sites d'excellence du tourisme de savoir-faire.
Vous le savez, en matière de fabrication de spiritueux, tout est question d'alchimie. C'est aussi d'alchimie qu'il s'agit dans les politiques que nous menons pour promouvoir le spiritourisme : un savant dosage entre le soutien que nous apportons à cette filière et le respect d'un certain nombre de réglementations. En ce domaine, nous sommes à la croisée de la réglementation relative à la sécurité et à l'accueil du public, de la réglementation relative aux installations classées et de celle de la prévention des risques industriels.
Le problème que vous soulevez est loin d'être anecdotique, puisqu'une centaine d'entreprises ouvertes au public sont concernées. Nous devons donc absolument démêler l'écheveau. C'est pourquoi j'ai souhaité qu'une expertise en cours soit conduite afin de clarifier un certain nombre d'interprétations et d'étudier d'éventuelles adaptations qu'il conviendrait d'apporter pour ne pas entraver le développement du tourisme de savoir-faire et le spiritourisme, qui constituent un vrai levier de croissance pour les entreprises qui le pratiquent.
Soyez assuré que nous poursuivrons le travail ensemble dans les toutes prochaines semaines afin de trouver les meilleures solutions et que je veillerai à ce que nous réussissions cette délicate alchimie qui permettra au spiritourisme de produire de l'or.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.
M. Michel Savin. Monsieur le secrétaire d'État, j'entends que vous partagez nos inquiétudes concernant cette filière, dont vous avez rappelé qu'elle est un véritable trésor national. Nos compatriotes, mais aussi de plus en plus d'étrangers visitent ces installations.
Vous l'avez dit, il y a urgence : ces professionnels attendent aujourd'hui des réponses concrètes, car ils ne peuvent pas continuer à restreindre leur activité touristique du fait de ces réglementations. Il faut que la réglementation évolue rapidement pour permettre à ces producteurs d'alcool fort de maintenir une activité touristique de qualité.
- page 907
Page mise à jour le