Question de M. BOCQUET Éric (Nord - CRCE) publiée le 05/11/2020
M. Éric Bocquet attire l'attention de Mme la ministre des armées sur l'entrée en vigueur du traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN).
En effet, le Honduras a ratifié, le 24 octobre 2020, le traité sur l'interdiction des armes nucléaires. Il est ainsi le cinquantième pays à le faire, ce qui marque une nouvelle étape dans la marche vers un monde dépourvu d'armes nucléaires.
Le secrétaire général de l'organisation des Nations unies s'en est d'ailleurs félicité énonçant que « cela représente un engagement important vers l'élimination totale des armes nucléaires, qui reste la plus haute priorité des Nations unies en matière de désarmement ».
Pour rappel, ce traité a été adopté à l'ONU le 7 juillet 2017. Il interdit de « mettre au point, mettre à l'essai, produire, fabriquer, acquérir de quelque autre manière, posséder ou stocker des armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ». Il y est écrit encore qu'il est interdit d' « employer ou menacer d'employer des armes nucléaires ou d'autres dispositifs explosifs nucléaires ».
Aujourd'hui, avec la ratification de 50 pays, ce traité entrera en vigueur dans trois mois au regard du paragraphe 1 de son article 15.
C'est ainsi un grand pas pour l'avenir de notre planète.
Toutefois, une ombre plane sur cette heureuse nouvelle puisque la France, comme les autres puissances nucléaires, ne s'est pas engagée à ratifier ce traité.
Et ce, alors même, et selon un sondage IFOP, que 76 % des Français sont favorables à ce que la France s'engage dans le processus de désarmement nucléaire et 68 % sont favorables à la ratification immédiate du traité sur l'interdiction des armes nucléaires.
Comment peut-il en être autrement lorsque l'on sait pertinemment que les armes nucléaires sont les armes les plus destructrices et inhumaines qui n'aient jamais été créées et lorsque 9 pays, dont la France, possèdent à ce jour environ 13 865 armes nucléaires dont 2 000 sont maintenues en état d'alerte ?
Aujourd'hui, alors même que la France s'honorerait à ratifier ce traité qui place les femmes et les hommes de notre planète avant toute autre considération, elle poursuit, au contraire, ces programmes consacrés au renouvellement des armes nucléaires avec l'objectif d'y consacrer 7 milliards d'euros par an !
Or, et comme le rappelle ICAN (« international campaign to abolish nuclear weapons »)-France , « les discussions sur les armes nucléaires ne doivent pas se focaliser sur des concepts de sûreté nationale étroits mais sur les effets de ces armes sur les êtres humains ».
C'est pourquoi il lui demande si la France compte enfin ratifier le traité sur l'interdiction des armes nucléaires.
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Réponse du Ministère des armées publiée le 11/02/2021
La France n'a pas participé aux négociations du traité d'interdiction des armes nucléaires (TIAN) et n'entend pas y adhérer. Le TIAN est en effet marqué par plusieurs faiblesses : il ne prend pas en compte l'environnement stratégique international actuel, caractérisé par des tensions croissantes et des enjeux préoccupants en matière de prolifération des armes de destruction massive ; il fragilise la légitimité du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui est la pierre angulaire du régime de non-prolifération nucléaire depuis plus de cinquante ans ; il ne reprend pas les plus hauts standards de garanties de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) adossés au TNP, et enfin, il n'est assorti d'aucun mécanisme de vérification, contrairement au TNP. L'approche prohibitionniste du TIAN ne contribuera ainsi qu'à polariser davantage les enceintes de négociation sur le désarmement nucléaire, sans créer les conditions de confiance nécessaires à un désarmement général et complet tel que décrit dans l'Article VI du TNP, qui engage ses signataires à « poursuivre de bonne foi des négociations » pour arriver, à terme, à « un traité de désarmement général et complet ». La politique de sécurité et de défense de la France, tout comme celle des alliés parmi les plus proches, repose sur la dissuasion nucléaire qui vise à protéger notre pays de toute agression d'origine étatique contre ses intérêts vitaux. La France demeure toutefois déterminée à mettre en uvre les prochaines étapes concrètes du désarmement nucléaire, conformément à ses engagements au titre du TNP, en participant à la création des conditions permettant à terme l'élimination des armes nucléaires : poursuite du désarmement conventionnel, universalisation du respect de l'interdiction des armes chimiques et biologiques, prise en compte de la prolifération balistique, sécurité dans l'espace extra-atmosphérique, résolution des crises régionales de prolifération. Dans la continuité de cette approche, le Président de la République, lors de son discours sur la stratégie de défense et de dissuasion à l'École de Guerre le 7 février 2020, a explicité l'agenda proposé vers un « désarmement global, progressif, crédible et vérifiable », et reposant sur quatre points : le respect strict du TNP ; l'enclenchement des négociations sur un traité d'interdiction des matières fissiles (FMCT) et l'universalisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) ; la poursuite des travaux sur la vérification du désarmement nucléaire ; et enfin, le lancement de travaux concrets sur la réduction des risques stratégiques.
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