Question de M. BONNECARRÈRE Philippe (Tarn - UC) publiée le 26/11/2020

M. Philippe Bonnecarrère attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur la contradiction entre le droit de l'environnement, le droit agricole et le droit de l'urbanisme.

Au titre des politiques de l'environnement et de la transition énergétique, les projets d'agrivoltaïsme offrent des opportunités d'atteindre l'objectif de 40 % de la production électrique nationale issue des énergies renouvelables à l'horizon 2030, comme mentionnée dans la programmation pluriannuelle énergétique.

Au titre du droit agricole, la pérennité du projet agricole doit entrer en synergie avec l'activité de production photovoltaïque.

Au titre du droit de l'urbanisme, la réalisation de centrales photovoltaïques suppose une autorisation de construire, laquelle suppose également que le terrain soit constructible.

Cette obligation entre les deux types de règles (activité agricole et production d'énergie) pose des problèmes pratiques dans le cadre de projets agriphotovoltaïques (Agri PV) : en effet, les terres agricoles ainsi exploitées ne sont plus considérées comme terres agricoles alors même que leur vocation agricole se doit d'être conservée, voire pérennisée par la synergie Agri PV, avec obligation pour les opérateurs de s'engager à un retour vers un état initial après le délai de production de 30 ans.

L'exemple qui peut être donné est celui de la réalisation d'ombrières qui peuvent permettre de maintenir des prairies plus longtemps en compensant les effets de sécheresse mais également des systèmes en cours de développement comme la mise en place de panneaux verticaux, moins gourmands en surface et pouvant ainsi être compatibles avec de l'activité agricole.

La question n'est pas simplement de la compatibilité des droits mais également des conséquences financières. Une surface qui serait utilisée pour du photovoltaïque, même en cas de continuité d'activité agricole, subit la perte des droits de la politique agricole commune (PAC) et n'est plus comprise dans la surface agricole utile, assiette des taxes perçues par les chambres d'agriculture.

Il lui est demandé comment elle envisage de mieux articuler le droit de l'urbanisme, le droit agricole et le droit de l'environnement afin de pouvoir donner à cette nouvelle filière d'avenir un engagement encore plus fort sur la pérennité de l'activité agricole, finalité des projets agrivoltaïques.

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Transmise au Ministère de l'agriculture et de l'alimentation


Réponse du Ministère auprès de la ministre de la transition écologique - Transports publiée le 16/12/2020

Réponse apportée en séance publique le 15/12/2020

Mme le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la question n° 1384, transmise à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le ministre, je souhaitais interroger les ministres chargés de l'environnement et, éventuellement, de l'agriculture, sur la compatibilité entre le droit de l'environnement, le droit agricole et le droit de l'urbanisme.

En effet, chacun sait que, dans le cadre des politiques énergétiques et environnementales, il est prévu de produire le plus d'énergie électrique possible à partir de sources dites « renouvelables ». L'agriculture est l'une des réponses possibles à ce défi, au travers de ce que l'on appelle « l'agrivoltaïsme ».

Je veux en prendre deux exemples. Premièrement, la réalisation d'ombrières peut permettre un plus long maintien des prairies en compensant les effets de la sécheresse. Il y a compatibilité entre la production d'énergie photovoltaïque et les activités céréalières. Deuxièmement, des panneaux solaires peuvent être implantés verticalement, de manière moins gourmande en surface, pour permettre la poursuite d'activités d'élevage.

J'en viens au cœur de ma question : je souhaiterais savoir comment, dans le droit de l'urbanisme, on pourrait faciliter l'implantation de centrales photovoltaïques. Les règles de construction qui s'appliquent, propres aux habitations, sont très inadaptées dans ce domaine.

Du point de vue de l'agriculture, on rencontre des difficultés : les terrains en question ne sont plus considérés comme des terrains agricoles et les chambres d'agriculture se montrent donc réticentes. Ces terres ne comptent plus pour le calcul de la surface agricole utile (SAU) ni, par conséquent, pour les taxes perçues par les chambres d'agriculture. Enfin, ces terres ne sont plus éligibles pour les aides de la politique agricole commune (PAC).

Il y a donc une contradiction entre nos différents dispositifs. Je souhaite savoir comment le Gouvernement pourrait améliorer la situation, tant sur le volet environnemental que sur le volet agricole.

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur Bonnecarrère, votre question est particulièrement importante à un moment où l'agrivoltaïsme suscite un réel engouement. Il nous interpelle et soulève des questions sur les frontières de nos dispositifs. D'un côté, il est vu comme une réelle occasion de développement pour nos territoires, en faveur de la production d'énergies renouvelables ; de l'autre, il peut être considéré comme un risque d'artificialisation des sols et de renvoi de l'activité agricole à une position secondaire.

La jurisprudence montre que le code de l'urbanisme n'interdit pas totalement d'implanter des centrales photovoltaïques au sol en zone agricole. Il existe toutefois des préconisations strictes, car la pose au sol de panneaux photovoltaïques est considérée comme une opération d'artificialisation. Des exemples malheureux ont également illustré ce risque et les limites à apporter au développement de certains projets.

Il est impératif que les projets de ce type n'engendrent pas une artificialisation des sols et ne s'inscrivent pas en concurrence avec l'activité agricole. Ils doivent au contraire permettre son développement et sa pérennisation.

À ce titre, le Gouvernement vous rejoint donc quant à la nécessité de mettre en place un cadre juridique clair, qui permette de se prémunir des effets indésirables d'un développement non maîtrisé tout en garantissant le développement des énergies renouvelables.

De nouveaux exemples et des prototypes tendent à démontrer que l'installation de panneaux peut tout à fait être conçue en garantissant une stricte compatibilité avec un niveau de production agricole constant et sans engendrer d'artificialisation ni de changement de destination des terres.

Dans certains cas, le fonctionnement des panneaux pourrait même optimiser le développement de la plante, voire le confort des animaux ; ils deviendraient ainsi un outil partenarial de l'économie agricole.

Pour toutes ces raisons, les travaux en question doivent être poursuivis.

Mme le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.

M. Philippe Bonnecarrère. J'apprécie, monsieur le ministre, votre déclaration de principe en faveur de ce type de production photovoltaïque, dit « agrivoltaïsme ». J'apprécie également que vous nous annonciez un cadre juridique, ce qui montre que vous êtes conscient des insuffisances actuelles. Le droit de l'urbanisme a en effet tendance, contre la réalité, à fonder ces raisonnements sur la notion d'« artificialisation ». La question est donc maintenant la suivante : quand ce nouveau cadre juridique sera-t-il élaboré ? Comment le sera-t-il, et sous quel délai ?

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