Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 29/10/2020
M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la nécessité de prendre en compte l'évolution de la politique foncière nationale.
Malgré quelques avancées législatives timides ces dernières années, les représentants du monde agricole appellent de leurs vœux une loi foncière ambitieuse avant 2022 dont l'objectif serait de lutter contre les concentrations excessives et les accaparements fonciers.
La fédération nationale des syndicats des exploitants agricoles (FNSEA), les jeunes agriculteurs, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) et la fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissements ruraux (SAFER) travaillent ensemble depuis trois ans sur des propositions allant en ce sens.
Parmi les pistes proposées, ils évoquent la nécessaire refonte du contrôle des structures, mis en place dans les années 1960, afin de l'adapter à la montée en puissance du régime sociétaire des exploitations agricoles, sur lequel le contrôle des structures n'a que peu de contrôle.
La problématique foncière appelle aussi à une réflexion approfondie sur le travail à façon, la financiarisation du foncier agricole par l'intermédiaire d'investisseurs plus ou moins bien attentionnés, le renouvellement des générations, ainsi que la lutte contre l'artificialisation des terres.
Considérant que dans les cinq prochaines années, 50 % des agriculteurs devraient partir à la retraite, il convient de permettre une relève générationnelle dans les meilleures conditions.
En conséquence, il lui demande de quelle manière il entend répondre aux préoccupations du monde agricole sur cette problématique importante que constituent les outils de régulation du foncier agricole.
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Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée le 31/12/2020
Les outils de régulation du foncier sont en partie inadaptés face au développement des phénomènes de concentration conduits sous forme sociétaire quelle que soit la nationalité de la société se portant acquéreuse. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 (LAAAF) a permis aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) d'exercer leur droit de préemption pour l'acquisition de la totalité des parts sociales d'une société dont l'objet principal est la propriété agricole. Néanmoins, force est de constater que des cessions partielles peuvent être aisément organisées pour contourner ce dispositif. Des initiatives ont été prises pour protéger les terres agricoles contre ces phénomènes de financiarisation et de concentration d'exploitations agricoles sous la forme sociétaire mais elles se sont avérées infructueuses. La dernière tentative en date, opérée dans le cadre de la proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles déposée le 21 décembre 2016 visant à étendre le droit de préemption des SAFER aux parts sociales, a été censurée par le conseil constitutionnel dans une décision n° 2017-748 DC du 16 mars 2017. Pour autant le Gouvernement est extrêmement attentif à la question du foncier agricole, en particulier à la transparence du marché et au contrôle du risque de son accaparement, notamment par des sociétés étrangères. C'est pourquoi le Gouvernement a pris le décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 en application de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, pour étendre le contrôle préalable des investissements étrangers en France à la sécurité alimentaire et donc à la surveillance des acquisitions de foncier agricole. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a consulté à l'été 2019 l'ensemble des parties prenantes sur la question du foncier agricole, afin notamment de connaître leur position sur le contrôle des cessions partielles de parts sociales. Si un consensus se dégage sur la nécessité de contrôler ces mouvements « sociétaires », les avis divergent sur les moyens à mettre en uvre. La complexité du sujet nécessite une construction législative précise qui ne s'accorde pas avec une présentation et un examen précipités dans le cadre de la législature actuelle, alors que de nombreux textes très urgents doivent par ailleurs trouver leur place dans ce calendrier très contraint. Pour autant la réflexion se poursuit en lien avec les parlementaires, notamment pour identifier d'éventuelles pistes susceptibles d'être mises en uvre par voie réglementaire. Quel que soit le dispositif activé, la régulation du travail à façon est particulièrement complexe et délicate. En effet, un recours raisonnable aux entreprises de travaux agricoles est tout à fait pertinent pour de nombreuses exploitations, limitant notamment le surinvestissement dans des matériels difficiles à amortir à l'échelle d'une seule exploitation. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation contribue par ailleurs largement à l'action gouvernementale relative à la lutte contre l'artificialisation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Ainsi l'État a déployé le 4 juillet 2019 l'observatoire de l'artificialisation. Cette plate-forme, en accès gratuit sur l'internet et régulièrement mise à jour, publie à destination des territoires et des citoyens un état annuel de la consommation d'espaces sur la base de données fiables et comparables à tous les échelons territoriaux. En outre, par son instruction relative à l'engagement de l'État en faveur d'une gestion économe de l'espace en date du 29 juillet 2019, le Gouvernement a demandé que l'ambition soit portée par l'ensemble des échelons de l'État, en premier lieu par le préfet de département, principal interlocuteur des collectivités territoriales prescriptrices des documents d'urbanisme et des porteurs de projets d'aménagement. Plus récemment, le Premier ministre a, par circulaire du 24 août 2020, demandé aux préfets d'utiliser toutes leurs prérogatives en commission départementale d'aménagement commercial afin de limiter le développement de l'urbanisme commercial en périphérie des agglomérations, très gourmand en foncier et susceptible de déstabiliser le commerce de centre-ville. Enfin, au-delà de l'ensemble des mesures précitées, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation reste particulièrement attentif au renouvellement des générations en agriculture, en traitant la question non seulement sous un angle foncier, mais également sous celui du soutien à l'installation des jeunes.
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