Question de M. MALHURET Claude (Allier - INDEP) publiée le 22/10/2020

Question posée en séance publique le 21/10/2020

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Claude Malhuret. Ce n'est plus seulement dans les mosquées salafistes que se recrutent les djihadistes ; c'est aussi sur internet, devenu l'écosystème du complotisme, de la haine et, désormais, des influenceurs islamistes.

L'assassinat de Samuel Paty a été préparé par les torrents d'injures des fanatiques sur les réseaux antisociaux. Il y a aussi sur ces réseaux ceux qui fracturent méthodiquement notre pays : les identitaires, les racialistes, les indigénistes, les décoloniaux. Il y a enfin les idiots utiles qui crient à l'islamophobie ou au racisme dès qu'on annonce des mesures pour combattre l'islamisme.

L'Assemblée nationale a voté la loi qui imposait le retrait des contenus haineux dans les vingt-quatre heures. Cette loi a été censurée par le Conseil constitutionnel au nom de la liberté d'expression, ce qui laisse le problème entier.

La liberté d'expression ne consiste pas à mettre en ligne la haine, le harcèlement, les appels au meurtre ou le djihadisme. La loi interdit à la presse de publier de tels contenus, et la presse s'y conforme, sans que personne y voie une atteinte à la liberté d'expression. Les plateformes, quant à elles, s'en exonèrent sans aucune sanction. Les résultats sont sous nos yeux !

Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé hier la création d'un délit de mise en danger de la vie d'autrui par internet. Pourquoi pas ! Mais il faut aller plus loin. La seule façon de nettoyer le dépotoir des réseaux antisociaux, le « torrent de boue », disait le président Larcher, est l'obligation de retirer les contenus haineux. Il faut absolument y revenir sous une forme acceptable par le Conseil constitutionnel. Nous le devons à Sonia Mabrouk, à Mila, à Zineb El Rhazoui et à tant d'autres obligés de vivre chaque jour sous protection policière à cause de fatwas sur internet.

Au-delà des commémorations, le meilleur hommage à Samuel Paty est de continuer avec des lois enfin efficaces le cours qu'il donnait à ses élèves, ce cours par lequel il luttait contre la haine et pour l'unité de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)


Réponse du Premier ministre publiée le 22/10/2020

Réponse apportée en séance publique le 21/10/2020

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Malhuret, je partage l'intégralité des propos que vous venez de tenir.

Nous voyons apparaître et se consolider un profil de criminels qui passent à l'acte sous l'effet de deux effecteurs : une manipulation – elle passe souvent par des associations qui, sous prétexte d'un objet sportif, éducatif ou cultuel, sont en réalité des instruments de l'islam politique – ; les réseaux sociaux au sens large.

Je vous rejoins tout à fait : il faut impérativement nous attaquer plus fortement encore à ceux qui manipulent et à ceux qui transmettent la haine. Nous allons donc procéder dans le cadre actuel à un certain nombre de dissolutions d'associations ou de groupements de fait – le conseil des ministres a pris dès aujourd'hui des décisions en ce sens – et proposer à la représentation nationale d'élargir les cas dans lesquels de telles dissolutions peuvent intervenir.

Mais, vous l'avez dit, il y a aussi la question de la haine en ligne et de l'utilisation des réseaux sociaux – vous avez emprunté à M. le président du Sénat une appréciation, dans laquelle je me retrouve d'ailleurs volontiers. Comme vous le savez, nous avons en réalité deux sujets : la nécessaire évolution des directives communautaires pour mieux responsabiliser les hébergeurs et la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que vous avez rappelée et que chacun connaît.

Je serai dès vendredi à Bruxelles pour rencontrer la présidente de la Commission européenne et plusieurs commissaires européens ; la responsabilité des hébergeurs est l'un des premiers sujets que j'aborderai lors de ce déplacement. Cette question constituait l'une de nos priorités, avant même les terribles faits dont nous parlons cet après-midi, et nous avions déjà pris des initiatives au niveau européen.

Conformément à l'intervention que j'ai faite hier à l'Assemblée nationale et à laquelle vous avez bien voulu faire référence, il nous faudra trouver dans le texte dont je parlais précédemment une voie juridique qui devra tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qu'il n'appartient pas au Premier ministre de commenter, pour rendre beaucoup plus efficace notre action déterminée contre la haine sur les réseaux sociaux. Je suis certain que le Sénat concourra à nos travaux pour aller dans ce sens. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, RDSE et UC.)

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