Question de Mme CHAUVIN Marie-Christine (Jura - Les Républicains) publiée le 10/09/2020
Mme Marie-Christine Chauvin souhaite interroger lMme la ministre de la transition écologique sur l'annonce qui a été faite le 27 juillet dernier, de l'interdiction de l'installation des chaudières à fioul dans les bâtiments neufs et de l'interdiction de leur remplacement dans l'existant au 1er janvier 2022.
Cette décision sera lourde de conséquences pour les distributeurs de produits énergétiques hors réseaux. Elle va fragiliser l'emploi des 15 000 salariés de cette profession et ce dans un contexte de crise économique.
Elle s'attaque, en effet, à l'énergie de chauffage des territoires ruraux les plus éloignés des grandes métropoles. Il ne faut pas oublier que le fioul domestique est la troisième énergie de chauffage en France, équipant 3,2 millions de maisons individuelles en résidences principales qui sont majoritairement non desservies par le gaz de réseau.
Enfin, elle ne prend pas en considération l'absence de solutions alternatives aux combustibles liquides. Aujourd'hui le fioul est particulièrement utilisé dans des zones où les températures hivernales sont basses comme pour l'Est de la France, les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes. La substitution par une pompe à chaleur est très compliquée et l'installation d'une pompe à chaleur géothermique est très onéreuse de l'ordre de 18.000 à 22.000 €.
Les distributeurs de fioul ne vont donc avoir que très peu de temps pour s'adapter aux nouvelles contraintes qui s'imposent.
Elle s'interroge alors de savoir pourquoi cette décision ne prend pas en considération le virage écologique que cette filière a amorcé depuis deux ans. Ainsi, les distributeurs de fioul ont engagé avec les autres filières concernées (chaudiéristes, chauffagistes, filière agricole) un processus de transition rapide vers le biofioul, un bioliquide de chauffage qui intègre une part d'ester méthylique d'acide gras (EMAG) de colza cultivé et transformé en France. Ce biofioul est une énergie renouvelable, locale, qui répond aux enjeux de transition écologique voulus par le Gouvernement d'indépendance nationale et de justice sociale.
Aussi, elle lui demande si elle compte revenir sur cette mesure qui apparaît aux yeux des professionnels de la distribution de produits énergétiques hors réseaux comme injuste et punitive et ce qu'elle compte faire pour permettre aux consommateurs chauffés au fioul domestique de passer au biofoul de chauffage.
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Réponse du Ministère de la transition écologique publiée le 21/01/2021
Le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat publié en 2018 nous a rappelé l'urgence d'agir contre le réchauffement climatique pour demeurer sur une trajectoire compatible avec un réchauffement inférieur à 2 °C à la fin du siècle. C'est pourquoi le Gouvernement a fixé l'objectif ambitieux d'atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 et a fait de la réduction des émissions de gaz à effet de serre une priorité pour notre politique énergétique. La stratégie nationale bas carbone (SNBC) fixe comme objectif de diminuer d'ici 2050 (par rapport à 2012) de 87 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur du bâtiment, responsable à lui seul du quart des émissions de GES de la France. La consommation d'énergie pour le chauffage des bâtiments existants constitue le plus grand gisement de réduction des émissions de GES du secteur, et la réduction du chauffage au fioul constitue un moyen efficace et rapidement accessible de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Dans ce cadre, le 14 novembre 2018, le Gouvernement s'est fixé pour objectif d'arrêter le chauffage domestique au fioul sous 10 ans. En effet, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre impliquent d'améliorer radicalement la performance énergétique des bâtiments et d'en accélérer la rénovation. La poursuite de ces objectifs permet aussi de diminuer les factures d'énergie, notamment des ménages les plus modestes et de créer de l'emploi local réparti sur tout le territoire. Le 20 juillet 2020, la convention citoyenne pour le climat a mis l'accent, par sa proposition SL1.2 « Obliger le changement des chaudières au fioul et à charbon d'ici à 2030 dans les bâtiments neufs et rénovés », sur la nécessité de compléter les dispositifs incitatifs par un cadre réglementaire renforcé. Cette mesure fera l'objet d'un décret, dont la préparation est en cours en association avec les filières professionnelles (fournisseurs de combustibles, fabricants et installateurs d'équipements de chauffage). Pour accompagner cette transition énergétique, de nombreuses aides peuvent être mobilisées par les ménages afin de financer le remplacement de leur équipement : la TVA au taux réduit de 5,5 % qui est directement appliquée aux travaux par les entreprises qui les réalisent ; les certificats d'économies d'énergie (CEE) et en particulier le « Coup de pouce chauffage » qui permet de bénéficier d'une prime entre 450 et 4000 en fonction du niveau de revenu et de l'équipement installé ; MaPrimeRenov', qui permet de bénéficier d'une prime entre 800 et 10 000 en fonction du niveau de revenu et de l'équipement installé, cumulable avec les certificats d'économies d'énergie. De plus, les ménages ont la possibilité de financer leur reste à charge par l'ouverture d'un éco-prêt à taux zéro qui est un prêt accordé par des banques, avec un taux d'intérêt nul. En moyenne, le taux d'aide pour l'achat et l'installation du nouveau matériel est évalué à 50 % (variant selon le revenu des ménages). Le niveau d'aide pour les ménages très modestes et modestes est respectivement de 85 % et 75 % pour l'installation d'une chaudière à granulés, de 65 % et 60 % pour l'installation d'une pompe à chaleur, et de 60 % et 50 % pour l'installation d'une chaudière à condensation au gaz. Enfin, le reste-à-charge est en partie amorti par une diminution de la facture énergétique des ménages. En moyenne, la facture annuelle de chauffage d'un ménage avec un équipement au fioul est estimée à 2000. Les économies d'énergie sont en moyenne de 1000 d'économies par an. Afin d'appuyer les ménages dans le remplacement de leur équipement de chauffage, l'offre d'accompagnement proposée par le réseau « FAIRE » est renforcée, grâce au déploiement du programme CEE « SARE ». Le Gouvernement est également conscient des évolutions auxquelles devront faire face les professionnels de la distribution du fioul alors que les volumes distribués sont déjà en baisse depuis plusieurs années. L'incorporation de biocarburants que vous évoquez ne peut cependant constituer une voie d'avenir que si elle permet une décarbonation totale à un horizon rapide. Aujourd'hui seul le fioul contenant 7 % de biofioul est autorisé par arrêté interministériel. La faisabilité d'autoriser un fioul avec une teneur supérieure à 10 % de biofioul est en cours d'étude par le bureau de la normalisation du pétrole, en considérant en particulier les problèmes de transport et de stockage longue durée qui pourraient être engendrés par l'incorporation de biofioul, ainsi que la dégradation potentielle du combustible en présence de cuivre. Indépendamment des considérations techniques d'utilisation, le Gouvernement est également attentif aux conditions de production des matières premières utilisées afin de limiter le phénomène de changement d'affectation des terres direct et indirect, cause du déclin de la biodiversité et source d'émissions de gaz à effet de serre. Pour cette raison, la quantité de biocarburants produits sur des terres agricoles est limitée au niveau européen, et le gisement français est déjà utilisé. La France importait en 2019 plus de 50 % du colza nécessaire à la fabrication d'ester méthylique d'acide gras (EMAG) pour le marché national du biodiesel [1]. La fin de l'huile de palme dans le biodiesel en 2020 et le plafonnement strict du soja en 2021 et 2022 vont également accroitre la demande de colza pour le secteur du transport et donc limiter sa disponibilité pour le chauffage. De plus, le biofioul coûte actuellement environ deux fois plus cher que le fioul domestique. Enfin, si l'EMAG de colza permet de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre, un fioul incorporant 30 % d'EMAG réduirait donc de 15 % les émissions, ce qui est très largement inférieur à la réduction permise par les alternatives comme la pompe à chaleur. Ce calcul ne prend de plus pas en compte les émissions non mesurables induites par le phénomène de changement d'affectation des sols indirect. De façon plus globale, les analyses réalisées dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) ont fait ressortir la forte contrainte sur la disponibilité de la ressource en biomasse dans la perspective de l'atteinte de la neutralité carbone en 2050. Ainsi, l'utilisation de combustibles, y compris d'origine renouvelable, doit diminuer fortement dans les secteurs où des alternatives techniquement et économiquement crédibles existent (ce qui est le cas du bâtiment), afin de les réserver aux secteurs plus difficiles à décarboner (mobilité lourde, aérien et industrie notamment). La SNBC prévoit ainsi une quasi-disparation des combustibles liquides (y compris bio) à horizon 2050 dans le secteur du bâtiment, et une forte baisse des combustibles gazeux. L'installation de nouvelles chaudières fioul, même compatible avec une part de biofioul, est contradictoire avec cette vision. L'incorporation d'une part inférieure à 30 % de biofioul dans le fioul domestique apparait donc comme une solution transitoire qui devrait rester marginale et réservée aux cas où aucune autre alternative n'est envisageable. [1] Source : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Panorama%202019%20des%20biocarburants%20incorpor%C3%A9s%20en%20France.pdf
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