Question de Mme DUMAS Catherine (Paris - Les Républicains) publiée le 10/09/2020
Mme Catherine Dumas interroge M. le ministre de l'intérieur sur l'insécurité grandissante liée à l'addiction au crack dans le nord-est parisien.
Elle observe qu'après s'être installés sur « la colline du crack », porte de la Chapelle, puis porte d'Aubervilliers et place de la Bataille-de-Stalingrad, les consommateurs de crack, qu'on estime entre 200 et 400 personnes, ont élu domicile dans un tunnel proche de la gare RER-SNCF de Rosa-Parks, à proximité du boulevard Mac-Donald, dans le 19e arrondissement de Paris. Ces nouvelles nuisances s'ajoutent aux trafics constatés depuis plusieurs années aux abords de la place de la Bataille-de-Stalingrad ou dans les Jardins d'Éole dans le 18e arrondissement. Les familles sont d'ailleurs contraintes de délaisser ces squares envahis par les fumeurs de crack.
Elle témoigne que les riverains sont désemparés et inquiets face aux intrusions, cambriolages, dégradations et agressions qui se multiplient dans ces quartiers. Récemment, une rixe ultra-violente a opposé des dizaines de mineurs marocains polytoxicomanes, le long du quai de la Seine, dans le 19e arrondissement. Cette addiction au crack, notamment dans le nord-est parisien, constitue une préoccupation majeure en matière sociale, de sécurité et de santé publique.
Elle rappelle qu'un protocole de mise en œuvre du plan d'actions de mobilisation coordonnée, sur la problématique du crack à Paris, 2019-2021, a été adopté à l'unanimité le 27 mai 2019. Les cinq cosignataires, la préfecture d'Île-de-France, la préfecture de Paris, la préfecture de police, la ville de Paris, l'agence régionale de santé Île-de-France et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) s'étaient entendues pour mieux coordonner et mieux mutualiser l'action menée par l'ensemble des acteurs en matière de lutte contre le crack. Les associations et les maires d'arrondissement concernés avaient également approuvé ce protocole.
Elle souligne que le plan de mobilisation coordonnée sur la problématique du crack à Paris 2019-2021 est structuré autour de quatre objectifs : accompagner les usagers pour réduire les risques et favoriser les parcours de soin ; renforcer les capacités d'hébergement et d'espaces de repos ; intervenir dans l'espace public à destination tant des usagers que des habitants ; améliorer la connaissance des publics concernés. Trois millions d'euros doivent être mobilisés, chaque année, pour renforcer le maintien de l'ordre public dans ce secteur et pour aider les consommateurs de drogue à sortir du cercle infernal de l'addiction.
Au-delà de ce plan d'actions, elle s'interroge sur la répression à l'encontre des trafiquants de drogue. Si elle salue l'entrée en vigueur au 1er septembre 2020 sur tout le territoire français d'une amende forfaitaire de 200 euros pour usage de stupéfiants à l'encontre des consommateurs de produits stupéfiants, elle s'interroge sur la répression du trafic illicite de stupéfiants.
Elle lui demande donc un bilan d'étape de la mise en œuvre des mesures du plan de mobilisation coordonnée, sur la problématique du crack à Paris, 2019-2021, pour lutter contre ce fléau dans le nord-est parisien.
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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 05/11/2020
La répression de l'usage illicite de stupéfiants fait pleinement partie de la mobilisation de l'ensemble des acteurs des ministères de l'intérieur et de la justice et régulièrement, des rencontres sont organisés en groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD). La question du crack, drogue qui entraine une forte dépendance et des actes délictueux, est un sujet sur lequel est portée une grande attention. Les services de police locaux et spécialisés sont mobilisés sur les secteurs difficiles et luttent de manière quotidienne, résolue et organisée, contre toutes les formes de délinquance. Si le démantèlement de « la colline au crack » était une nécessité absolue, la préfecture de police reste particulièrement attentive aux réimplantations et reports de ces populations vers d'autres lieux. La lutte contre les stupéfiants implique des dispositifs de surveillance, mis en place jour et nuit avec le soutien de la brigade anti-criminalité de nuit de Paris (BAC 75 N). Les consommateurs de crack interpellés sont placés en garde à vue puis déférés aux fins d'injonctions thérapeutiques. Par ailleurs, des unités de forces mobiles ont été positionnées au niveau de la place de la Bataille-de-Stalingrad afin d'assurer une présence dissuasive. La direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) intervient régulièrement dans ce secteur et à la faveur des affaires réalisées par la brigade des stupéfiants, les revendeurs alimentant les consommateurs de ce quartier sont régulièrement interpellés et mis à disposition de la justice. La sûreté régionale des transports de la sous-direction régionale de la police des transports, dispose d'un groupe dédié à la lutte contre les phénomènes de délinquance liés aux stupéfiants et mène des actions de lutte contre le crack dans la station Stalingrad. Par ailleurs, des opérations spécifiques sont réalisées afin de porter assistance aux bailleurs et évincer les toxicomanes présents dans les parkings ou les parties communes d'immeubles. La Ville de Paris procède de son côté à des aménagements urbains, comme la neutralisation de certains accès qui sont des lieux de regroupement de toxicomanes (haut de la place de Stalingrad par exemple). Des travaux ont également été sollicités pour améliorer l'éclairage public ou réduire les espaces permettant l'implantation durable de personnes. Enfin, depuis le 25 mai 2020, un dispositif de sécurisation renforcé en coordination avec la sous-direction des services spécialisés, la sous-direction de lutte contre l'immigration irrégulière et le Parquet de Paris, a été mis en place sur le secteur en vue d'interpeller en nombre les toxicomanes et trafiquants de produits stupéfiants. Ces derniers font l'objet de poursuites systématiques, d'interdictions de paraître et les consommateurs sont déférés avec injonction de soins thérapeutiques. Du 25 mai au 25 juin 2020, 100 interpellations pour des affaires de stupéfiants ont été effectuées. Elles ont conduit à 96 placements en garde à vue. Le plan d'actions 2019-2021 de mobilisation coordonnée sur la problématique du crack à Paris, dont sont cosignataires la préfecture de la région d'Île-de-France, la préfecture de Paris, l'agence régionale de santé d'Île-de-France, la Ville de Paris, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MIDELCA) et la préfecture de police, proposent une meilleure régulation de l'espace public et une politique coordonnée de réduction des risques et des dommages en faveur des usagers de crack et des poly-consommateurs en errance. Ce nouveau plan est structuré autour de quatre objectifs et assorti de 33 mesures, concernant essentiellement la prise en compte médico-sociale des usagers. Une mesure intéresse plus particulièrement les services de police ; il s'agit de la mesure 25 relative aux remontées d'informations régulières sur les points de deal et de trafic. Sur ce point, en février 2020, des cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) ont été mises en place. Elles permettent, notamment dans le secteur de la place de la Bataille-de-Stalingrad, de collecter l'information, de l'analyser et de l'enrichir. L'objectif est de mieux partager les renseignements, issus des observations de terrain des services de police, des collectivités territoriales, des bailleurs sociaux, etc. Le nombre de procédures portant sur le trafic et l'usage-revente de crack à Paris est le suivant : 224 procédures en 2017, 280 procédures en 2018 (+ 25 %) et 301 procédures en 2019 (+ 7,5 %). Cette année, les effets du confinement ont entrainé une réduction du nombre de procédures : 238 les 9 premiers mois de 2019 contre 152 les 9 premiers mois de 2020 (- 36 %). Les effectifs de la sûreté régionale des transports ont depuis le début de l'année 2020 réalisé 35 procédures, impliquant 68 interpellations, dont 29 pour vente. Dans le 18ème arrondissement, en 2020, 230 interpellations ont été réalisées en lien avec le crack dans l'arrondissement, entraînant 219 placements en garde à vue (145 personnes déférées à l'issue). En outre, quatre opérations ont été réalisées aux abords de la porte de la Chapelle. Elles ont donné lieu au contrôle de 37 personnes, sans qu'aucune affaire en lien avec du crack ne soit mise au jour. Dans le 19ème arrondissement, depuis le 25 mai 2020, date de l'évacuation de grande ampleur menée aux abords de la place de la bataille de Stalingrad, un dispositif de sécurisation renforcé a été mis en place dans le secteur en vue d'interpeller les toxicomanes et trafiquants. À ce jour, 180 interpellations pour des affaires de stupéfiants ont été réalisées ayant conduit à 170 placements en garde à vue. Par ailleurs, en 2020, six opérations ont été menées dans le secteur du parc Éole : 488 personnes ont été contrôlées, 43 interpellées, dont 6 en lien avec les stupéfiants. Entre le 1er janvier et le 20 septembre 2020, pour la zone de sécurité prioritaire (ZSP) Stalingrad Orgues de Flandres, la DRPJ a initié 35 affaires, conduisant à la mise en cause de 92 personnes dont 79 pour des affaires liées aux stupéfiants. Par ailleurs, 3 grammes d'héroïne, 225 grammes de cocaïne, 1 045 grammes de cannabis, 303 grammes de crack, 107,5 grammes d'ecstasy et 57 585 euros d'avoirs criminels, dont 37 631 euros en numéraire. Sur la même période, autour de la place de la Bataille-de-Stalingrad, 28 dossiers ont été initiés par la DRPJ, 65 personnes ont été mises en cause, dont 62 concernant des affaires liées aux stupéfiants. S'agissant du squat du tunnel Rosa Parks, celui-ci a été évacué par les effectifs de la préfecture de police le 3 septembre 2020. Si un effet report vers les jardins d'Eole et le quartier de la Goutte d'Or à Paris 18ème ou la place de la Bataille-de-Stalingrad à Paris 19ème ne peut être totalement exclu, le point de fixation que représentait ce tunnel a été, à l'instar de la colline du crack, démantelé et les forces de police locales sont extrêmement vigilantes pour éviter que celui-ci ne se reconstitue.
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